Politique
Benkirane au ministre de l’éducation : « C’est moi le chef de gouvernement, pas toi »
C?est sous la coupole et dans une s?ance parlementaire mensuelle et publique, que le chef de gouvernement a choisi de d?savouer le ministre de l??ducation nationale. La s?quence est m?morable. Et elle est diffus?e en direct par la t?l?vision marocaine. ??C?est dire si le moment a ?t? bien choisi pour un r?glement de comptes in?dit entre un premier ministre et l?un de ses ministres??, commente ce Conseiller de l?opposition.
Mardi 1er d?cembre, Abdalilah Benkirane passe son grand oral devant la chambre haute. C?est sa premi?re s?ance d?interpellation devant des Conseillers nouvellement ?lus qui ont choisi de le questionner sur le social.
Quelques ministres sont pr?sents au premier rang. Parmi eux Rachid Belmokhtar. Il est dans le viseur du chef de gouvernement. Tout le monde le sait. La d?cision prise par le ministre de l??ducation nationale de franciser les math?matiques et les sciences physiques d?s la rentr?e prochaine ne passe pas au PJD. Les islamistes au pouvoir l?ont fait savoir ? coup d?articles virulents. Ce mardi, Benkirane prend tout le monde de court. Du haut de la tribune parlementaire et ? la surprise g?n?rale, il tance son ministre coupable ? ses yeux ??de ne pas rompre avec l?ancien syst?me??. Le chef de gouvernement et leader du PJD ne s?arr?te pas en si bon chemin. C?est une v?ritable salve qui est tir?e en direction d?un Rachid Belmothtar qui tente de cacher son malaise derri?re un sourire forc?. ??Nous avons assist? ? des consensus entre les puissants, au d?triment du peuple dans le secteur de l?enseignement. Des consensus pour que ces grands agissent comme bon leur semble et sans que personne ne leur demande des comptes? Et c?est pour cela que je dis ? M. le ministre, ?loigne-toi des choses difficiles et dangereuses? Occupe-toi de la discipline et de l?ordre, comme le r?clament les enseignants et les parents d??l?ves? Romps avec l?ancien syst?me, supprime ce client?lisme et ce favoritisme, il faut cesser de se taire sur les dysfonctionnements que conna?t l??ducation nationale. On pourra alors discuter du reste,?? lance le chef de gouvernement en regardant droit dans les yeux son ministre en charge de l??ducation nationale.
Quand Benkirane n?est pas au courant
Celui qui pr?side aux destin?es de l?ex?cutif continue dans son ?lan. Plus rien ne semble arr?ter sa diatribe. Ce mardi 1er d?cembre, il a d?cid? de tout dire, de tout d?voiler et donc de tout d?noncer. ??Je n??tais pas au courant que tu allais faire cela, prendre la d?cision d?introduire le fran?ais dans les mati?res scientifiques??, dit-il ? Belmokhtar devant les parlementaires, les ministres et tous ces Marocains qui le regardent en direct sur Al Oula. ??Cette phrase est lourde de sens. Quand le chef de gouvernement affirme qu?il n?est pas inform? de d?cisions de cette importance relevant d?une r?forme de l?enseignement profonde, il y a probl?me. Et il faut surtout s?en inqui?ter. Mais ce qui est encore plus grave, c?est que Benkirane vienne r?gler son probl?me d?autorit? ? l?occasion d?une s?ance parlementaire?!??, s?offusque ce conseiller syndicaliste.
Tr?s vite, la s?ance mensuelle d?interpellation du chef de gouvernement c?de la place ? une s?ance de flagellation d?un ministre du gouvernement Benkirane. La charge se poursuit de plus belle. Le regard noir et le sourcil fronc?, le premier ministre s?adresse directement ? Rachid Belmokhtar, comme s?il l?avait convoqu? dans son bureau ? la primature. ??Tu veux proc?der ? l?introduction du fran?ais autant dire tu veux mettre le feu! Une telle d?cision est du ressort du chef de gouvernement. C?est le chef du gouvernement qui l?estime et l??value??
Puis, il s?adresse directement ? l?opinion publique pour mieux la prendre ? t?moin. ? Quand le Souverain a d?cid? un jour de choisir un chef du gouvernement, il n?a pas d?sign? Belmokhtar, il a choisi Benkirane S?il voulait Belmokhtar, il l?aurait pris, il le conna?t avant moi. Il m?a d?sign? moi pour que ce soit moi qui d?cide? et c?est pour cela que je lui ai adress? une lettre pour lui dire que cette d?cision de franciser ces mati?res, il faut qu?il l?ajourne??, fait-il valoir en pointant un doigt le ministre qui a voulu franciser les maths et les sciences physiques.
Sourires g?n?s et malaise perceptible
Dans l?h?micycle, des rires sont ?touff?s. Des sourires g?n?s sont affich?s. Sur les bancs de la majorit?, le malaise est perceptible. Difficile d?admettre que le chef de la majorit? ?tale au grand jour les dissensions du gouvernement.
??C?est mal conna?tre Abdalilah Benkirane qui en s?en prenant ? Belmokhtar sur la francisation de mati?res scientifiques et en en faisant une question purement id?ologique, il prend ? t?moin l?opinion publique. Dans son r?quisitoire contre le ministre de l??ducation nationale, il choisit ses mots. Ce sont des mots qui accrochent ceux et celles qui l??coutent?: les puissants contre le peuple, le client?lisme, le favoritisme, l?ancien syst?me. Autant d?expressions qui flattent les plus bas instincts. Nous sommes dans le discours populiste par excellence. Et cela va aller en s?accentuant. Il ne faut surtout pas oublier que pour Benkirane et le PJD, la campagne pour les ?lections l?gislatives de 2016 a d?j? commenc頻, analyse cet expert en communication politique.
Ce mercredi matin, le landernau politique n?en finit pas de commenter le r?quisitoire d?une rare virulence d?Abdalilah Benkirane contre son ministre de l??ducation nationale. Un r?glement de comptes qui fait d?sordre au sein d?une coalition o?, ? l??vidence, les islamistes au pouvoir veulent faire cavalier seul.