Politique
Benmoussa devant Le Gal : Qui croire ?
Ce n’est pas une tempête qu’a provoqué l’entretien de Chakib Benmoussa, président de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement, avec Hélène Le Gal, ambassadrice de France à Rabat, mais un ouragan.
Au départ de l’incendie un tweet de la diplomate française remerciant C. Benmoussa pour lui « avoir présenté (...) un point d’étape » sur les travaux de la commission. Le tweet se termine par une note de presque 19/20 puisqu’ assorti de l’appréciation : « de très belles perspectives pour le pacte économique ». Elle aurait dû boucler la boucle en ajoutant : peut faire mieux.
Maghreb Intelligence saisit l’oiseau au vol et balance l’information sur un ton scandalisé. Si en colère qu’il met en doute l’allégeance de celui qui est encore ambassadeur du Royaume à Paris. Il n’en fallait pas plus pour que le feu embrase la prairie. Chakib Benmoussa sort de son confinement où il commence à faire très chaud et fait endosser un tweet à la Commission : « Le président a échangé avec Mme Hélène Le Gal, par vidéoconférence, à sa demande, à l’instar d’autres échanges précédents avec des ambassadeurs de pays amis et de représentants d’institutions internationales ».
Chakib Benmoussa était-il en mission commandée d’explication ? Certainement pas puisque lui-même précise que c’est à la demande de l’ambassadrice qu’il lui a fait son rapport. A-t-il consulté auparavant et est-il dans ses attributions de président de la Commission d’en rendre compte à des chancelleries étrangères, quand bien même seraient-elles amies ? P’t-être qu’ oui, p’t-être qu’ non. Toujours est-il que sa sortie n’a fait qu’attiser les flammes, tellement que l’on pourrait croire qu’il y avait pas mal de monde qui l’attendaient au tournant.
S’apercevant que la lapidaire « clarification » du tweet est insuffisante, il gratifie la galerie d’une « exclusivité » dans Medias24 pour livrer une explication de texte et faire l’instit en herbe sur le rôle des diplomates et les usages diplomatiques.
Sans aller chercher midi à l’heure française, dans cet impair c’est parole contre parole.
Ou c’est l’ambassadrice parlant de « point d’étape », qui dit vrai et c’est à Chakib Benmoussa de rendre des comptes auprès de qui de droit.
Ou c’est le président de la CSMD plaidant un banal échange à la demande de l’ambassadrice, qui est de bonne foi. On est alors dans une configuration où transparait en filigrane comment la représentante de la France perçoit sa relation au Maroc et aux Marocains. Si ce que l’on subodore chez Hélène Le Gal se vérifie, il faut croire que Maghreb Intelligence s’est trompé en en faisant une « adepte de Lyautey » dont elle n’a visiblement pas une bonne connaissance. C’est au Maréchal Juin qu’il devrait l’apparenter.
En un mot, on est dans le cas d’école des convenances diplomatiques où une tournure de phrase transforme ce qui pourrait n’être qu’un malentendu en sous-entendu.
En consultant Wikipédia pour voir comment Hélène Le Gal narre sa biographie, on se retrouve en présence d’une diplomate chevronnée. En principe. Une longue et riche carrière sur trois continents, accumulant postes et expériences. Pendant la longue crise maroco-française à la suite de la tentative d’interpellation en février 2014 du patron de la DGST, Abdellatif Hammouchi, à la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Paris, elle est aux premières loges, en sa qualité de Madame Afrique du président François Hollande, suffisamment pour en tirer des leçons et des conclusions. Elle n’en a, selon toute vraisemblance, retenu que les mauvaises. De l’ère préinternetique, elle a pourtant cédé à la tweetérisation des rapports, ce qu’un ami appelle la lukelukilisation de la politique : Toute proportion gardée, comme Donald Trump, Hélène Le Gal, qui n’en est pas à sa première sortie de route, tweete plus vite que son ombre.