DES ELECTIONS SANS CHOIX ? - Par Mustapha SEHIMI

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Le NMD et son prolongement dans un "Pacte national pour le Développement" seront le cadre référentiel du prochain gouvernement. Et puis les grands chantiers et les réformes qui les déclinent à court, moyen et long terme sont d'initiative et d’accompagnements royaux par-delà tels ou tel format du prochain cabinet et de sa majorité...

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Il est difficile de voir pour l’heure une grande ferveur civique à propos de la campagne électorale ouverte le jeudi 26 août jusqu'au 7 septembre prochain. Elle a d’ailleurs été réduite à 13 jours seulement alors que d'ordinaire elle est de 15 jours. Un "flou" réglementaire a existé au départ quant aux conditions de son organisation et de son déroulement. 

Des informations non officielles ont ainsi fait état de diverses mesures très restrictives (nombre de voitures, jauge des réunions...). La pandémie Covid-I9 ne limite pas seulement la dimension de cette campagne. Elle frappe aussi les équipes des milliers de candidats handicapés de ce fait par des tests positifs, des personnes contacts ou d'autres - militants de terrain - peu respectueux des gestes barrières... 

Il faut également prendre en considération d'autres facteurs qui créent un climat atone, peu mobilisateur. Référence est faite à un agenda particulier avec la fin de l'été, la rentrée scolaire, l'état d'esprit inquiet voire anxiogène de ce virus Delta très contagieux qui donne un bilan quotidien d'une centaine de décès. De plus, les partis mesurent que le vote du 8 septembre prochain, aura certainement une très faible teneur politique. Les électeurs se décident surtout pour des profils, des notables, très peu pour des couleurs partisanes. Ceci explique, au passage, que le marché de la transhumance partisane ait de nouveau prospéré, les électeurs étant plutôt attachés à un vote pour une personne et si peu à une identification partisane. La campagne électorale, c'est aussi la place qu'y occupe de plus en plus l'argent. Ce fait est devenu structurel. Il se renforce de scrutin en scrutin et s’élargit, de législature en législature pour la première fois, il a été ainsi lors des élections professionnelles du 6 août dernier dont seront issus vingt membres de la Chambre des conseillers. 

L’on en saura plus dans les jours à venir. Y’aura-t-il un regain d'intérêt des électeurs pour les scrutins du 8 septembre ? Une dynamique plus civique, plus participationniste donc, va-t-elle s'exprimer ? L'intérêt traditionnel plus marqué pour les élections communales - le chiffre était de 53 % en 2015 - va-t-il tirer et rehausser celui des législatives - il était de 43 % en 2016 ? Sur le papier, pourrait-on dire, oui. De fait cette campagne est à nulle autre pareille pour de multiples raisons (crise sanitaire, NMD, essoufflement des partis, crise sociale...). Et elle commence à partir d'un palier plancher bien bas... 

Communication 2.0

Les partis ont dû, pour une bonne partie d’entre eux, mener une campagne électorale 2.0. C'est un choix qui n'a pas vraiment été voulu, mais qui s'est imposé. Référence est faite ici au basculement opéré, par suite de la crise sanitaire de la pandémie Covid-19 qui a fortement poussé au développement du digital. Les réseaux sociaux ont en effet largement investi la communication institutionnelle, celle de l'Etat et de plus en plus aujourd'hui - élections obligent - celle des partis politiques. Les conditions strictes mise en vigueur avec toutes les restrictions frappant les réunions publiques vont remodeler les techniques et les modalités de la communication des formations politiques. Fini donc les meetings et les grand-messes des précédentes consultations de 2016, 2011 et bien antérieurement. Le périmètre du débat national est désormais celui des réseaux sociaux. Voilà aussi un champ pouvant intéresser davantage les jeunes. 

Une nouvelle stratégie de communication digitale est venue bouleverser le domaine médiatico-politique. Elle s'illustre en particulier par une approche plus managériale, pourrait-on dire, couplant des vidéos, du live Facebook, des capsules... Le confinement imposé, même suivant des modalités variables depuis, conduit à davantage de réactivité. Le RNI et le PI ont priorisé cette forme de communication ; le PAM et le PPS aussi de même que le PSU : le PJD, lui, avait déjà une bonne longueur d'avance depuis les élections de 2016. Il n’y a que l’USFP, le MP et l'UC qui paraissent encore être à la traine... 

Pour autant, le corps électoral n'est pas monolithique. Il recouvre bien des différenciations, les unes géographiques, d'autres démographiques, d'autres encore d'inégal accès au numérique. Dans le monde rural, ce que l'on pourrait appeler le présentiel garde encore ses atouts et ses opportunités, compte tenu de la texture sociologique. 

L’après 8 septembre, « Saison 2 »

L’on ne peut minorer la « saison 2 » de cette campagne, à savoir les suites politiques qu'elle pourrait avoir dans la perspective de mise sur pied d'une majorité et d'un nouveau gouvernement qui en sera issu. Se pose ici la question de la configuration du prochain cabinet. Le rapport général du NMD souligne qu'il est nécessaire, pour le pilotage, le suivi et la conduite du changement que les acteurs s'engagent et adhérent à un "Pacte National pour le Développement". Le Souverain l’a encore rappelé dans son discours du 20 août dernier. Ce Pacte serait finalisé quand ? Au lendemain des élections du 8 septembre ? Avant la formation et la nomination du nouveau cabinet ? Dans les semaines ou les mois qui suivent ? S'il est prévu qu'il soit un socle commun à toutes les formations, quelle place laissera-t-il cependant à la pluralité des choix partisans dans le déploiement des politiques publiques ? Il est prévu qu'il inclurait des mécanismes réguliers de suivi de l'avancement des chantiers et des réformes, empiétant quelque peu sur les attributions constitutionnelles de contrôle du Parlement, 

Une autre observation a trait au rapport entre les différents partis et ce Pacte ? Ceux de la future majorité s'y retrouveront en principe, par nature et par vocation. Mais qu'en sera-t-il des formations qui seront dans l'opposition ? Elles soutiendront ce Pacte ? C’est encore en débat, d’autant qu’il n’est pas encore délibéré ni finalisé. En tout cas, elles n’iront pas jusqu’à se rallier au programme ni aux politiques publiques du cabinet en charge de le traduire en termes programmatiques. 

Au vu des chiffres donnés par le ministère de l'intérieur à propos des candidats, il semble bien qu'il y ait un réel engouement. L'on note ainsi 15 candidats par siège pour les communales, 5 pour les régionales et 8 pour la Chambre des représentants. Une hausse significative par rapport aux scrutins de 2015 et de 2016. Mais cela regarde les candidats ! 

Qu'en sera-t-il pour la participation électorale ? Un véritable choix leur est-il offert ? Il y a des sortants qui se représentent (entre 40 % et 60 %) suivant le scrutin ; il faut y ajouter cinq partis comptables du bilan, trois autres (PI, PAM et PPS) étant, eux, dans l'opposition. Mais, globalement, l'offre programmatique des uns et des autres est-elle attractive, spécifique, pouvant ainsi décider l’électeur ? Pas vraiment ! Le NMD et son prolongement dans un "Pacte national pour le Développement" seront le cadre référentiel. Et puis les grands chantiers et les réformes qui les déclinent à court, moyen et long terme sont d'initiative et d’accompagnements royaux par-delà tels ou tel format du prochain cabinet et de sa majorité... 

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