Politique
El Otmani, Akhannouch, Mounib, Baraka, des enjeux et des risques
Saad Dine El Otmani (PJD), Aziz Akhannouch (RNI), Nabila Mounib (PSU), Nozar Braka (Istiqlal)
Par Khalid EL HARRAK (MAP avec Quid)
Une partie des circonscriptions électorales où se déroulent le scrutin du 8 septembre promet une bataille sans merci entre différentes formations politiques. Et pour cause, certains secrétaires généraux de partis, des anciens ou actuels ministres se sont présentés en misant sur leur parcours et leurs expériences, ... Petit tour d'horizon des circonscriptions à surveiller de près.
Depuis le 25 août, date officielle de la clôture du dépôt des candidatures, les visages de ceux qui tenteront de gagner leur siège lors des scrutins législatif, régional et local du 8 septembre ont été dévoilés.
Pour les législatives, sur un total de 395 parlementaires, 206 candidats se présentent à nouveau pour ce scrutin incertain et aux multiples enjeux.
Le contexte des scrutins de 2021 n'est pas le même de celui de 2015 et de 2016. Pas plus que le cadre juridique, les acteurs, les logiques, les mobilisations que les motivations du vote ne revoient aux précédentes élections. Sur le fond, ce qui joue n’est pas moins de l’alternance à la tête du gouvernement, après dix ans sous la houlette des islamistes du PJD. La difficulté de prédire les résultats des prochains scrutins qui pourraient apporter leur lot de surprises, rend la concurrence encore plus rude entre quatre formations politiques qui se disputeront la première place (le RNI, le PJD, l’Istiqlal et relativement le PAM).
« Les enjeux sont importants pour ces partis qui nourrissent l’ambition de diriger la prochaine coalition gouvernementale et de prendre les rênes des conseils communaux et régionaux », rappelle le politologue M’hammed Belarbi, professeur de sciences politiques à l'université Cadi Ayyad de Marrakech. S'imposer dans les circonscriptions comptant des élites politiques ou de grandes familles électorales revêt une importance décisive voire symbolique pour les résultats finaux des scrutins.
Un duel à distance
La concurrence entre les partis politiques de tête [RNI, PJD Istiqlal et PAM] s’annonce âpre dans certaines circonscriptions où la confrontation est musclée en raison du calibre des candidats. Or, la candidature d’un chef de parti aux élections est souvent considérée comme une entreprise risquée. Si le fait de se confronter au vote populaire est moralement souhaitable pour tout leader politique, sa légitimité peut être ébranlée en cas d’échec. « Pour un dirigeant de parti, qu'il soit grand ou petit, ne pas arriver en tête de sa circonscription constitue un désaveu de son offre politique et remet en cause son action à la tête du parti les années précédentes », fait observer M'hammed Belarbi.
Si certains leaders de partis politiques ont décidé de ne pas se présenter, à l'image, pour des raisons différentes, de Driss Lachgar ou encore de Abdalilah Benkirane, ce n'est pas le cas de tous. Le secrétaire général du PJD, Saâd Eddine El Otmani qui sait que Abdalilah Benkirane est à l’affut pour solder les comptes ne pouvait reculer. En bonne compagnie du chef de file du PPS, Nabil Benabdellah, il a jeté son dévolu sur Rabat-Océan, souvent surnommée la circonscription de la mort. Aux dernières législatives c’était plutôt à Mohammedia qu’il s’était risqué et par cette nouvelle candidature elle perpétue sa tradition de changer de circonscription à chaque échéance.
Outre Nabil Benabdellah, il y affrontera Mehdi Bensaïd, membre du bureau politique du PAM et Abderrahim Ouaslam du RNI. L'Istiqlal y sera représenté par un membre du bureau exécutif, en l'occurrence Abdalilah Idrissi Bouzidi, alors que l’USFP compte sur la notoriété du président de l’ordre national des vétérinaires, Badre Tnacheri Ouazzani. A l’echelle nationale, le chef du gouvernement sortant livre un duel à distance avec Aziz Akhannouch.
Le président du RNI, qui mène une forte campagne sur les réseaux sociaux, a choisi, lui, de se présenter dans son fief d'Agadir, préférant la proximité des communales aux législatives. Le président du parti de la Colombe joue gros en tentant à la fois d'arracher la mairie d’Agadir à ses rivaux du PJD mais aussi de faire élire aussi bien dans sa région qu’ailleurs le plus de députés pour tenir sa promesse de porter sa formation politique à la présidence du gouvernement. Pendant quatre ans il arpenté les routes du Maroc, exploré des pistes qui lui étaient inconnues, réorganisé un RNI qui était en déperdition au lendemain des législatives de 2016, supporté sans broncher des campagnes d’hostilité comme rarement un chef de parti en a vues dans sa carrière. Pour lui, quelle que soit l’issue, le 8 septembre c’est le bout du tunnel.
A Larache, l'autre prétendant au poste de chef de gouvernement, en position d’outsider, le secrétaire général du Parti de l'Istiqlal veut reproduire le scénario de son prédécesseur Abbas El Fassi, nommé Premier ministre en 2007 après avoir remporté de justesse un siège dans la circonscription de ce même Larache.
Abdellatif Ouahbi du PAM espère rempiler pour un nouveau mandat à la circonscription de Taroudant-Nord, et plus si affinité, tandis que Mohamed Sajid, secrétaire général de l'UC se présente aux régionales de Casablanca-Settat comme tête de liste dans la circonscription de Sidi Bernoussi.
« À défaut d'une campagne électorale conforme aux standards habituels en raison de la situation épidémiologique, certaines circonscriptions qui se situent dans les grandes métropoles du Royaume sortent donc du ronronnement, des ténors y jouant leur avenir politique », souligne le politologue universitaire.
Attendue au tournant
Il considère que l’une des compétitions les plus acharnées aura pour théâtre la circonscription législative locale de Rabat-Océan où s'affrontent des poids lourds et moyens du PJD, RNI, PAM, USFP et PPS. Avec la modification du quotient électoral, quatre sièges sont en jeu dans cette circonscription, probablement pour quatre partis différents. Mais ces quatre places seront très disputées, étant donné que l’enjeu, par exemple, pour le secrétaire général du PJD sera plutôt d’arriver en tête, que de remporter seulement son siège.
Dans la circonscription de Casa-Anfa, Bassima Hakkaoui, ancienne ministre et membre du secrétariat général du PJD, affronte, dans une large moindre mesure la même configuration. Elle est en compétition avec l’actuel président du Wydad sportif de Casablanca, Saïd Naciri (PAM) et avec l’avocat Brahim Rachdi (USFP). Du côté de l’Istiqlal, on mise sur l’homme d’affaires Hassan Berkani, qui est déjà arrivé, il y a quelques jours, à remporter la présidence de la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Casablanca. La fédération de gauche (CFG) mise sur le député sortant Mustapha Chenaoui, qui a réussi, non sans surprise, à remporter, en 2016, un siège dans cette même circonscription.
Mais les conséquences des scores de chaque formation ne se limiteront pas aux résultats des partis de tête. Les résultats permettront également de faire le point sur la raison d'être de certaines formations politiques, sorties très affaiblies des élections législatives de 2016. Certaines circonscriptions seront à observer d'un peu plus près, de par leur enjeu particulier. Le sortir des urnes aussi Nabila Mounib du PSU sur son pari de mener sa formation aux législatives en dehors de la Fédération de la Gauche démocratique. Pour convaincre, il lui faudra remporter plus que son siège. Pour l’instant, une seule certitude, elle sait qu’elle est attendue au tournant par les camarades.