La candidature de Benkirane : Quand le PJD s’adonne aux délices du poker menteur - Par Bilal Talidi

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Le va je ne te hais point de Benkirane et El Otmani

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Le 25 juillet 2021 le Secrétaire général du PJD Saad Dine El Otmani interrogé dans l’émission «Une heure pour convaincre» diffusée par Médi1 TV, sur l’éventuelle candidature d’Abdalilah Benkirane dans la circonscription de Salé, s’est montré, à toute la moins, évasive. Il a rappelé que cette candidature est venue des bases et que la direction du parti dispose, selon la procédure consacrée, d’une certaine latitude d’intervenir dans les propositions. Il a toutefois assuré qu’il aurait été plus judicieux de présenter de jeunes compétences au lieu des figures anciennes.

Cette réponse a irrité certains membres du Secrétariat général, et plus globalement de l’ensemble des militants du parti. Il aurait été plus convenable pour le secrétaire général d’apporter, au-delà d’arguties procédurales, un soutien franc et fort à la candidature de Benkirane, en spécifiant qu’elle honorait le parti et donnerait à l’échéance électorale une dimension politique autrement plus importante.

Curieusement, Abdelaziz Aftati, un autre dirigeant et membre du secrétariat général, connu pour son populisme outrancier, a imputé, en réponse à une question sur la candidature de Benkirane, à l’Etat le   rejet de ce retour de Benkirane dans une dérisoire tentative d’en innocenter la direction du PJD. En écho à cette déclaration qui l’arrange, cette même direction n’a émis ni objection ni réserve au sujet de cette déclaration.

M. Aftati n’est pas un imbécile en matière politique. Il est certes populiste, mais il maîtrise bien le jeu de la diversion et de la justification. En réalité, il ne faisait qu’interpréter à sa façon arrangeante la déclaration de Saad Dine El Otmani et ses circonvolutions, en jetant la balle dans le camp de l’Etat.

Or, Benkirane a déclaré à la presse avoir très tôt informé la direction du parti, y compris le secrétaire général, qu’il ne briguerait pas de mandat parlementaire aux prochaines législatives, que sa décision était prise et qu’en conséquence l’affaire était close.

L’ensemble des militants du PJD, et plus particulièrement les membres de la direction, sont largement convaincus que Benkirane ne nourrit aucune envie à se présenter aux législatives. Pour lui, il s’agit d’une conviction politique consistant à maintenir une distance avec la direction actuelle du parti et de sa gestion des affaires et à se soustraire à toute prise de position pouvant l’impliquer dans le partage de l’héritage d’un mandat qu’il aimerait voir s’achever pour qu’intervienne ensuite l’étape de l’évaluation politique à la lumière des résultats du scrutin et la définition des contours de la future direction lors du prochain congrès du parti.

L’intelligence politique de Benkirane mesure les combinaisons de la situation de la plus limpide des manières. L’homme a occupé le poste de Chef de gouvernement et en a géré le mandat jusqu’à son terme et a remporté deux scrutins en 2012 et 2016. Seuls les statuts du parti interdisant un troisième mandat l’ont empêché de rempiler. Pour lui, il était tout à fait naturel, suite à son limogeage de la formation du gouvernement, de se dégager de toute mission subalterne (parlement) ou de responsabilité organisationnelle au sein du parti afin de ne pas assumer l’héritage d’une période où il n’est pas au gouvernail et dont il a constamment critiqué la gestion par la direction actuelle.

Les bases du PJD dans la circonscription de Salé n’étaient pas dupes en présentant la candidature de Benkirane. Mais dans la prise de cette décision, elles ont été animées par deux considérations. La première est la fidélité, car il s’agit du fief de Benkirane où personne ne peut se porter candidats comme s’il n’était plus là. La seconde consiste à tester, en la piégeant, la direction du parti, tant ces bases savent pertinemment que Benkirane a quitté son siège au parlement et qu’il n’était pas question pour lui d’y revenir.

Visiblement, la direction n’a pas su contourner ce test et a fait montre d’une réaction chaotique. Le Secrétaire général ne s’est ainsi rappelé de la nécessaire candidature des jeunes que dans la circonscription de Salé. Le dirigeant populiste, Aftati, lui, n’a jamais révélé d’où il tient l’information selon laquelle l’Etat ne voudrait pas du retour de Benkirane ou de sa candidature. Et enfin, et curieusement, le secrétariat général n’a commencé à insister sur la candidature de Benkirane qu’une fois rassuré que ce dernier était résolu à ne pas briguer de mandat.

Le secrétaire général et le peu de membres de la direction politique qui l’entourent savent qu’ils n’ont aucune chance de convaincre Benkirane, tant les ponts de contact et de communication sont rompus depuis bien longtemps. Ils ont néanmoins choisi de jouer avec Benkirane au poker menteur pour réduire ses marges de manœuvres. Il s’agit pour eux de donner l’impression que la direction insiste sur sa candidature dans une bataille électorale par définition collective censée la contribution de tous pour faire l démonstration que Benkirane, fidèle à lui-même, fait passer ses considérations personnelles avant les intérêts du groupe.

La direction politique au sein du Secrétariat général ne veut pas de la candidature de Benkirane. Autrement, la réponse de Saad Dine El Otmani n’aurait pas pris cette tournure évasive lors de l’émission de Médi 1 TV, pas plus que M. Aftati n’aurait fait étalage de ses atouts de «couvreur» tirer la direction du parti de l’embarras et lui offrir une porte de sortie en jetant la balle dans le camp de l’Etat.

Le dernier sursaut du secrétariat général n’est qu’un vain simulacre d’adhésion à la candidature de Benkirane. Car, ni le secrétariat général n’est sérieux au sujet de la candidature de Benkirane, ni ce dernier n’accèderait à sa demande, ni les bases ne sont convaincues que l’intéressé répondrait favorablement à leur demande.

La base veut embarrasser le Secrétariat général, ce dernier cherche à se défausser sur Benkirane qui, lui, ne voudrait sous aucun prétexte être impliqué dans une position compromettante de nature à lui faire endosser le partage du legs de la direction actuelle.

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