Modèle de développement, corruption et moralisation de la vie publique

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Sans cymbales ni trompettes, le Maroc a célébré la journée nationale de la lutte contre la corruption, dans une sorte de moins on en parle mieux ça vaut, alors qu’on la sait endémique et lourdement handicapante pour le développement sain de l’économie et gravement perturbante pour le sentiment d’appartenance dont les carences se manifestent jusque dans la classe moyenne supérieure. 

Le procureur des procureurs, Mohamed Abdennabaoui, s’est bien manifesté par une circulaire adressée à l'avocat général près la Cour de Cassation, aux procureurs généraux du Roi près des tribunaux d'appel et aux procureurs du Roi auprès des tribunaux de première instance  pour les inciter à ouvrir des enquêtes au sujet des plaintes ou des rapports "sérieux" qu'ils reçoivent concernant les délits de corruption financière sous toutes ses formes, devenue à la longue un trait culturel. Dans sa circulaire, M Abdennabaoui décline toute une panoplie de moyens à actionner, de démarches et de procédures à suivre pour en même temps imprimer la célérité nécessaire au traitement de ces formes de délinquance et préserver la présomption d’innocence des menées de corbeaux malintentionnés.  

Normalement cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant. A force d’exhorter, il en restera toujours quelque chose. Sauf que, sans jouer les rabat-joie ni désespérer des Marocains, dans le scepticisme ambiant, les bonnes intentions du président du Ministère public, ne resteront peut-être pas totalement lettres mortes, mais mettront assurément du temps à trouver leur voie au plein accomplissement pour des raisons sur lesquelles il n’est pas nécessaire, voire utile, de revenir. 

C’est sans doute à mettre sur le compte du hasard du calendrier, mais la circulaire du patron des parquets tombe à point nommé, concomitamment avec le début des travaux de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement en charge de concocter les contours et les fondamentaux d’un nouveau contrat social et qui, selon les échos qui nous parviennent, s’adonnent à sa tâche dans une bonne ambiance. Mais quels que soient le génie des compétences qui la composent et l’intelligence qu’elles mettront dans l’avis que la CSMD soumettra au Roi, rien ne marchera correctement si par ailleurs les outils qui auront à mettre en œuvre ses orientations restent grippés par ce cancer avancé qui ronge le bon fonctionnement de la société.        

M Abdennabaoui ne s’y est pas trompé en soulignant « que la lutte contre la corruption constitue un sujet de première importance dans la politique pénale, représentant un facteur clé de moralisation de la vie publique et d’amélioration du climat des affaires », ajoutant que les efforts déployés en la matière « doivent s'inscrire dans la durée en développant des outils de travail et des solutions efficaces pour faire en sorte que les dossiers soient traités dans des délais raisonnables. » Ce sont là, sans doute, des conditions nécessaires, mais pas suffisantes. Tant il faut aussi, pour secouer le cocotier, sans forcément céder à la chasse aux sorcières, une action mains propres pour l’exemple et pour laisser la forte et bonne impression que quelque chose est effectivement en train de changer.

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