Politique. Est-ce la fin des Zaïms ?

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L'éviction de A. Benkirane pourrait être une bonne chose, si elle s’inscrit dans un processus historique maîtrisé

L'éviction d’Abdelilah Benkirane de la tête du PJD pose beaucoup de questions, suscite des débats. Elle s’est passée en toute démocratie. Il faut cependant, comme toujours, aller plus loin dans l’analyse. Abdelilah Benkirane était le dernier représentant d’un genre de chefs de parti, bon orateur, peu comptable de ses résultats, dont la seule personnalité, quelques phrases, faisaient office de programme. Ces temps-là sont révolus, depuis que les idéologies ont disparu.

On a vu en France un néophyte en politique, Emmanuel Macron, dynamiter la classe politique sur un programme de bon sens, qui n’est ni de Gauche, ni de Droite, alors qu’il est loin d'être un tribun. Partout dans le monde, face à la déconfiture des anciennes recettes, tentent de percer des leaders qui proposent de nouvelles logiques, réalistes, à même de freiner les mouvements régressifs, qui se nourrissent de l'échec des politiques traditionnelles.

Au Maroc, il est de bon ton de valoriser Abderrahim Bouabid, Ali Yata, M’Hamed Boucetta et les autres. C'étaient de grands hommes, dans une conjoncture totalement différente. Ils portaient des projets politiques, économiques, sociétaux, conflictuels, parfois, avec ceux portés par l’institution Monarchique. Aujourd’hui, il y a consensus sur les grandes tendances. Même le PJD est acquis aux solutions libérales et il le prouve à la tête du gouvernement. Les différenciations ne relèvent plus que du discours. Cela a ouvert la porte aux populismes. Benkirane était le populiste le plus en vue. Il n’est pas le seul. Un populiste étant celui qui instrumentalise des phrases creuses, sans programme détaillé derrière, pour flatter les peurs, les jalousies, du petit peuple. L'éviction de A. Benkirane pourrait être une bonne chose, si elle s’inscrit dans un processus historique maîtrisé. Si cela doit nous mener a des dirigeants politiques qui mettent en avant un programme, des mesures, des choix, qui ont la technicité nécessaire pour les mettre en application, et que tout cela soit identifiable, le Maroc fera un pas en avant vers une démocratie plus mature, plus moderne. Mais pour y arriver, il faut que les partis fassent leur révolution. Ces nouveaux leaders ne peuvent provenir que des jeunesses des partis. Il faut que les débats changent de nature, que chaque organisation mette en avant les réformes qu’elle voudrait appliquer, une fois au pouvoir, si les électeurs lui font confiance. Parmi les jeunes, la sélection s’opérerait en fonction de l'ingéniosité, de la compétence, et non pas de la relation au Zaim.

La fin des Zaims est historiquement acquise. Ce siècle, si complexe, n’est pas celui des hommes providentiels. Mais on ne peut pas croire qu’il suffise de la decreter. Pour y parvenir, nous devons organiser un débat public, ouvert, serein, mais surtout expert sur toutes les questions. C’est l’expertise, le sérieux, qui mettent à bas le populisme. Un débat expert propulse au-devant de la scène des gens qui n’auraient aucune chance dans le brouhaha populiste. C’est de cela dont dépend l’avenir de la politique.

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