Quand Amnesty International joue sur le terrain politique avec le Maroc

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Parfois l’observateur reste perplexe face aux communiqués et contre-communiqués concernant une tension telle que celle existant actuellement entre Amnesty International et les autorités marocaines. L’analyste ne sait plus qui et quoi croire, réduit qu’il est à suivre un conflit dérapant dangereusement sans disposer de toutes les données pour en comprendre les dessous.

Cependant, certains indicateurs peuvent nous être utiles pour appréhender la situation. Soulignons, tout d’abord, que le traitement par les autorités du dossier du journaliste Omar Radi a connu une importante détente, à travers, en décembre dernier, sa mise en liberté provisoire au lieu d’une poursuite en état d’arrestation, puis sa condamnation par la Cour de contention d’Ain Sebaa à quatre mois de détention avec sursis, en mars 2020, au lieu de la prison ferme.

Il est vrai que cette détente relative résulte du flot de critiques de l’acte d’accusation, émanant de diverses organisations politiques et civiles, tant était inacceptable l’idée qu’un tweet, somme toute commun dans le milieu journalistique, puisse être à la base d’une inculpation.

Le doute persistait quant au réel mobile de l’arrestation, et entre le communiqué de la poursuite judiciaire et celui de la détente relative, on a assisté à un glissement dans l’attitude des autorités sans que personne n’en connaisse les motivations.

Mais voilà qu’Amnesty International remet le couvert à travers son rapport qui a présenté une image sombre des droits humains au Maroc.

Auparavant, le gouvernement réagissait aux indicateurs de ce genre de rapport relatifs aux cas d’atteinte à la liberté des journalistes, à la liberté d’expression ou de la liberté sur Internet par des communiqués laconiques sur la partialité de l’organisation internationale et son laxisme quant à l’objectivité de ses sources. Parfois, le gouvernement évoquait dans ses communiqués le caractère tendancieux de ces rapports, de leur parti pris systématique et recourait à d’autres formules même style qui mettaient fin à la controverse.

Ce n’est pas le cas aujourd’hui, tant Cette fois-ci le sujet a pris des dimensions graves, car le rapport, fait inédit, n’a pas moins fait qu’accuser les autorités marocaines d’avoir injecté un logiciel espion Israélien dans le téléphone d’Omar Radi, dans le but d’écouter ses conversations privées et de surveiller ses faits et gestes.

L’allégation est si gave qu’elle mérite qu’on s’attarde sur sa forme et son fond aussi bien que sur les arrières pensées qui l’animent.

Sur la forme, aucune organisation ne peut avancer pareilles assertions dans son rapport sans la complicité du journaliste, sachant que les méthodologies de travail en matière de droits humains font que les faits ne sont consignés que sur déclaration des concernés. Dans ce cas, l’autorité traitera les deux, à savoir l’organisation internationale et le journaliste,  à pied d’égalité, le positionnement contre les deux étant une seule et même manche.

Sur le fond, l’affaire revêt trois dangereuses dimensions. Il s’agit, primo, d’espionnage, considéré contraire à la Constitution, sauf sur ordre de l’autorité compétente et conformément aux conditions définies par la loi; deuxio, de l’implication d’Israël comme fournisseur dudit logiciel espion; et tertio de la stigmatisation du Maroc en tant qu’acheteur d’une technologie d’espionnage qu’il utiliserait contre ses opposants.

Ces trois dimensions réunies dans le rapport d’une organisation internationale de l’acabit d’Amnesty International à l’encontre du Maroc indiquent que le conflit cette organisation avec le Royaume a atteint les niveaux de haute tension et que le jeu a dépassé la sphère des droits humains pour s’inscrire d’emblée dans le carré politique. Il est, au fait, toute proportion gardée, similaire au recours à des armes de destruction massive dont on ne fait usage qu’en cas de rupture totale.  

Ce n’est qu’en rassemblant toutes ses données que l’on comprend l’aisance qui se dégage de l’attitude du pouvoir politique marocain dans son déploiement pour corriger et mettre à l’index les fautes de l’organisation qu’il s’agisse de démentir certaines de ses allégations, de sa communication avec le gouvernement ou encore de l’absence de réponse de la part de l’organisation à la lettre du chef de gouvernement la sommant de fournir les preuves scientifiques et objectives étayant les allégations de son rapport. Dès lors il lui devient encore plus aisé d’insister sur les ressorts politiques qui motivent et expliquent le comportement d’Amnesty International.

Quant au journaliste, objet du rapport de l’organisation, il s’est retrouvé victime des éclats de la bombe qu’Amnesty International a lancée sans en apporter les preuves scientifiques à ce jour, si bien qu’il est maintenant suspecté de recevoir des financements étrangers et d’intelligence avec une puissance étrangère. 

Restent les tenants et aboutissants de cette opération. Si l’on comprend qu’Amnesty International a trouvé dans le journaliste une proie qu’elle a transformée un kamikaze dans cette bataille, on n’arrive pas encore à définir avec exactitude l’objectif de son entrée en guerre contre le Maroc en ce moment.

Que cette organisation, ou une autre, critique les atteintes aux droits des journalistes et énumère cas après cas, voire qu’elle conclue à une régression alarmante des droits humains, ne contrarie en rien l’État. Mais qu’elle aille, en ce moment critique où le Maroc s’apprête à sortir de la pandémie, jusqu’à jeter dans la marre une bombe de ce calibre, est une question en aucun cas assimilable aux droits humains. Elle ne peut être appréhendée et lue qu’à travers la grille politique. 

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