Rentrée scolaire aux temps du Corona : Quand les problèmes des uns font les affaires des autres

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Rentrée scolaire aux temps du Corona

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Par Maha RACHID (MAP avec Quid)

Rabat - A quelques jours de la rentrée scolaire, c'est le rush sur les librairies du centre-ville de la capitale. Des milliers de parents, d’élèves et de professeurs s’y pressent, comme chaque retour des classes, pour acheter manuels, cahiers et fournitures.

Avec quelques centaines de milliers de livres à écouler, les libraires s’apprêtent à enregistrer leur meilleur chiffre d'affaires de l’année, dans une ambiance marquée toujours par la pandémie de la Covid-19 et les inquiétudes suscitées par la récente résurgence de la circulation du virus.

Livres dans les mains et masques sur les visages, enfants et parents semblent heureux de partager ce "rituel". Une apparence souvent trompeuse, qui dissimule mal ce « bonheur » est tempéré par une certaine colère contenue. Depuis toujours, la rentrée scolaire est, pour le plus grand nombre, un moment de soucis financiers et de tracas pécuniaires. Cette année plus que la précédente. La pandémie est passée par là et est encore là. Beaucoup de ménages ont vu leurs revenus se réduire qui de moitié qui en peau de chagrin. L’élan de solidarité national, l’effort énorme de l’Etat, s’ils ont pu en atténuer les conséquences, sont restés en deçà des besoins, les écoles, privées notamment, n’ont rien fait pour adapter leurs exigences en fournitures à la conjoncture pandémique. 

Comparaison n’est-elle pas raison ?  

Une mère de famille dont le fils fait son entrée chez les « grands », en CP, a fait ses comptes : Elle venait de débourser un peu plus de 3 mille dhs de fournitures scolaires. Une rapide virée dans un moteur de recherche lui a appris qu’en France, le cout de la rentrée l’année dernière pour le même niveau a été trois fois moins cher qu’au Maroc : 110 euros en moyenne (1164 dhs) et cette année il sera à peine un peu plus élevé. « Même par rapport à la rentrée dans une classe supérieure, la sixième au collège reste moins chère qu’une rentrée au CP au Maroc, assène-t-elle : c’est 194 euros (2056 dhs) qui comprennent les articles de sport ».

Une fois partie, le libraire laisse tomber : « il est vrai que se liste de fourniture est celle d’une école privé ».  Il ne dit pas qu’elle n’avait qu’à mettre son rejeton dans le public, mais on a l’impression qu’il n’est pas loin de le penser. 

 Comme les problèmes des uns font les affaires des autres, ce n’est certainement pas lui qui va se plaindre, les listes des écoles privées sont bonnes pour le chiffre d’affaires dans un Maroc où le travail de librairie paye de moins en moins. Pour l’instant c’est tout un autre stress qu’il a à gérer. En plein pic d'activité et d’afflux il doit veiller à ce "chaque client se désinfecte les mains et respecter la distanciation sociale. De même, les matériaux, équipements et fournitures sont constamment stérilisés. Nous essayons de faire respecter les mesures sanitaires et de rappeler constamment aux nombreux clients les gestes barrières". Plus facile à dire qu’à faire. « A des moments on s’oublie et on lâche prise ».

Le moyen le plus probant de limiter les dégâts possibles qu’ils ont trouvé dans cette librairie est d’encourager les parents à transmettre en amont la liste des manuels, cahiers et fournitures, évitant ainsi tout attroupement. Ils privilégient aussi le paiement par cartes bancaires, particulièrement celles sans contact, beaucoup plus hygiéniques que les espèces. « Et pour l’instant, dit-il, ça marche ».

La pandémie et ses conséquence n’ont pas été ressenties coté manuels scolaires qui se vendent toujours autant. Sur d’autres articles en revanche (cartables, trousses, stylos, agendas) la baisse des ventes a été marquée. Les parents limitent visiblement les dépenses par le recyclage de ce qui peut l’être.

Le recyclage qui ne fait que des heureux

La même ambiance règne dans la ville périphérique de Témara. Si les libraires sont contents de combler les déficits, on ne peut pas dire qu’il y va de même pour les parents qui vont les voir se creuser. Pour de nombreuses familles, quand bien même elles sont disposées à tous les sacrifices possibles pour assurer une bonne scolarité à leurs progénitures, le fardeau de la rentrée pèse dans le budget familial.

Yahya, maçon dans un quartier populaire, s’insurge, en paroles seulement, contre les prix excessivement élevés de certains manuels scolaires et des exigences parfois "exagérées" des établissements. Mais s’y plie.

"Je joins à peine les deux bouts pour inscrire ma fille de 9 ans dans une école privée, mais en plus des frais d’inscription, son école exige une liste interminable de fournitures, dont les tarifs restent exorbitants pour certains articles".

La nécessité étant la mère de l'invention, certaines papeteries de la ville se sont improvisées "médiatrices" pour le recyclage des fournitures : On y trouve alors des manuels d’occasion à des prix moins inabordables, même si cela ne fait pas toujours plaisir aux enfants qui voient dans ces fournitures d’occasion un signe extérieur de leur pauvreté devant leur petits camarades, notamment ceux qui feront leur rentrée avec du flambant neuf. 

 

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