La cigarette électronique, problème de santé publique ou solution miracle au tabagisme?

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Jamais un produit de consommation n'a suscit? autant de controverse et de convoitise comme l'a fait la cigarette? ?lectronique. Entre ceux qui mettent en avant sa qualit? de substitut tabagique et ceux qui y voient un produit assimil? au tabac qui doit ?tre trait? en tant que tel, les avis sont partag?s au Maroc.

Les partisans du premier avis, dans leur plus grande part des vendeurs et des utilisateurs - dits vapoteurs, en r?f?rence ? la vapeur ?mise par la cigarette ?lectronique -, d?noncent une "diabolisation ? tort" d'un dispositif? beaucoup moins nocif que la cigarette ? tabac de combustion, compos?e de 4.000 substances chimiques dont 50 sont confirm?s canc?rig?nes.

En effet, s'il existe une diversit? de cigarettes ?lectroniques, le liquide utilis? contient g?n?ralement deux principaux composants : le propyl?ne glycol et la glyc?rine v?g?tale, deux mati?res ? base v?g?tale qui ne sont pas canc?rig?nes. S'y ajoute, parfois, de la nicotine, une substance non-canc?rig?ne, contrairement aux id?es re?ues, mais qui est fortement addictive.

Les vapoteurs appr?cient cette qualit? de pouvoir diminuer ? souhait les doses de la nicotine ou de la supprimer carr?ment. Cela correspond parfaitement ? la d?marche d?gressive adopt?e dans le sevrage tabagique, confie Amine, responsable RH dans un Centre d'appel ? Rabat, converti exclusivement ? la cigarette ?lectronique apr?s 17 ans de tabagisme et 2 paquets par jour et apr?s avoir essay? sans succ?s diverses m?thodes d'aide au sevrage : patchs, chewing-gums et m?me l'hypnose.

La forme, tr?s proche de la cigarette classique, et la pr?sence de la vapeur permettent de conserver "le plaisir" de la gestuelle associ?e ? la cigarette classique, estime Karim, un autre vapoteur casablancais, qui continue de fumer, tout en r?duisant consid?rablement la quantit? du tabac.

Cela correspond aux besoins d'une part importante de fumeurs qui ne sont pas tant d?pendants de la nicotine mais du geste de fumer (d?pendants comportementaux).

Ces "vertus" vant?es par les vapoteurs sont largement contest?s par les d?tracteurs de la cigarette ?lectronique, ? leur t?te le minist?re de la sant? qui "d?conseille formellement" l'utilisation de cet appareil ?lectronique aussi? bien par les fumeurs que les non-fumeurs, au point de le consid?rer comme une forme de tabagisme.

S'alignant sur les recommandations de l'Organisation mondiale de la Sant? (OMS), le minist?re de la Sant? consid?re, dans un communiqu? publi? fin avril, que "la cigarette ?lectronique reste un produit contenant de la nicotine et est susceptible d'entra?ner une d?pendance", et soutient qu'il existe "un risque tr?s ?lev? d'initiation au geste de fumer, surtout parmi les populations jeunes et les femmes, qui n'auraient pas autrement commenc? ? fumer".

Cette mise en garde intervient apr?s l'apparition sur l'espace public de publicit?s vantant les bienfaits de ce produit, le minist?re se consid?rant donc interpell? de r?agir ?tant donn? qu'il est le garant de la protection de? la sant? des citoyennes et des citoyens.

L'autorit? gouvernementale reprend aussi les arguments de l'OMS qui "n'a jamais consid?r? les cigarettes ?lectroniques comme moyen d'aide au sevrage tabagique, et ne dispose pas de preuves scientifiques permettant de confirmer l'innocuit? et l'efficacit? du produit", fermant ainsi la voie ? toute tentative visant ? consid?rer ces appareils comme des alternatives au tabac ? combustion.

Comme le minist?re de la sant?, la communaut? m?dicale reste vigilante ? l'?gard de ce nouveau produit face auquel elle ne dispose pas de recul, tout en minimisant l'ampleur du ph?nom?ne au Maroc, par rapport ? l'Europe, par exemple.

Le Dr. Abdelali Boudlal, pneumologue ? Sal?, affirme d?conseiller ce produit "commercial" ? ses patients en sevrage tabagique et qui sont tr?s peu ? le r?clamer.

"Je pr?f?re prescrire des produits valid?s par la pharmacop?e et test?s scientifiquement et cliniquement, dans le cadre de protocoles d'aide au sevrage qui ont d?montr? leur efficacit?", souligne-t-il.

D'apr?s ce praticien, les sevrages les plus r?ussis sont ceux qui surviennent brusquement, notamment suite ? une maladie. La volont? et le d?clic sont essentiels, r?sume-t-il.

Pour le Pr. Mohamed Bartal, pr?sident de l'Association marocaine de Pr?vention et d'Education pour la Sant? (AMAPES-Stop Tabac), qui "approuve les fortes r?serves du Minist?re m?me si elles peuvent para?tre excessives de contrecarrer la transgression publicitaire sur l'e-cigarette qui v?hicule des informations souvent non ?tay?es sur l'aide au sevrage des fumeurs".

"Nous ne disposons pas d'?tudes importantes comparant cet ??outil?? aux classiques m?dicaments d'aide au sevrage", confie cet ancien chef du service des Maladies Respiratoires du CHU Ibn Rochd de Casablanca. Pour ce praticien, "n'importe quoi peut aider au sevrage si la motivation du fumeur est forte", mais "il reste important de ne pas remplacer une addiction par une autre".

Entre la position intransigeante du minist?re de la sant? et celle vantant les pouvoirs miraculeux de la e-cigarette, il peut s?rement y avoir des compromis, ? condition de privil?gier l'int?r?t de la sant? publique. La finalit? de la lutte contre le cancer et les maladies cardiovasculaires li?s au tabac ne m?rite-elle pas qu'on s'int?resse davantage ? l'e-cigarette, en termes d'?tudes et de recherche, et qu'on l'adopte dans les strat?gies? d'aide au sevrage ?

Ce serait aussi tenir compte d'une tendance favorable ? ce produit dans le monde. En t?moigne cette lettre ouverte ? la directrice g?n?rale de l'OMS que viennent d'adresser 53 ?minents scientifiques dans le monde qui consid?rent que les e-cigarettes "peuvent faire partie des innovations sanitaires les plus? importantes du 21e si?cle, pouvant peut-?tre sauver des millions de vies". Car "fumer, c'est un peu prendre l'autoroute en contresens, vapoter, c'est rouler ? 140 km/h au lieu de 130 km/h", comme le r?sume le Pr. Bertrand? Dautzenberg, pneumologue ? la Piti?-Salp?tri?re (Paris) et pr?sident de l'Office fran?ais de pr?vention du tabagisme (OFT).

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