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Blasée des applis de rencontre, la génération Z retourne en Espagne aux ''bonnes vieilles méthodes des parentss''
Le « Slow dating club » à Madrid le 29 décembre 2024. Déçus par les applications de rencontres, mais pas découragés dans leur quête d'amour, 20 jeunes célibataires se sont réunis à Madrid pour partager des activités et des sourires flirteurs (Photo de Pierre-Philippe Marcou/AFP)
Un soir d'hiver à Madrid, autour d'une grande table, vingt célibataires discutent, partagent activités et sourires complices: lasse des échecs sur les applications de rencontre, Eva Sanchez a créé un club de "slow dating", pour rompre le "pessimisme amoureux" en renouant avec le réel.
A peine une heure auparavant, ces dix femmes et dix hommes âgés de 25 à 35 ans se jaugeaient avec appréhension pour leur première participation à ce "slow dating club".
Un concept qui a conquis de nombreuses grandes villes européennes et qu'Eva Sanchez, 28 ans, a souhaité développer à Madrid après un "énième +ghosting+": un prétendant avec qui elle discutait en ligne s'est volatilisé sans aucune explication.
"Ma génération souhaite une relation saine mais les applications ont créé du pessimisme en amour, on a du mal à y croire", confie à l'AFP cette directrice de création.
Familiarisée aux codes du marketing, la jeune femme promeut son "club" en placardant sur les murs de Madrid des affiches "Pas confiance dans les applis de rencontre", avec le nom de sa page Instagram.
Une fois par mois, l'Hispano-Péruvienne organise un apéritif avec un thème et un lieu différents, durant lequel les participants "n'ont pas l'impression d'être en rendez-vous", moyennant une trentaine d'euros.
Pour briser la glace, elle organise des jeux, des activités manuelles, "tout est un prétexte pour faire ressortir son côté le plus mignon".
Des applis en perte de vitesse
A Madrid, le Britannique Tom Hopcroft s'est lui aussi lancé dans l'organisation d'événements autour du "dating" à travers sa page Instagram au nom provocateur -"Guiri de mierda" ("Touriste de merde").
Il cible des célibataires du monde entier fraîchement installés dans la capitale espagnole ou à Barcelone et affiche complet à chaque session.
A l'inverse, les applications de rencontre connaissent un certain désamour: les téléchargements de Tinder, Bumble, Meetic, Grindr ont chuté de près de 20% depuis 2020, selon les données de Sensor Tower, agence d'analyse des données numériques.
La valorisation en bourse de Match Group (Tinder, Hinge, Meetic), le leader de la rencontre en ligne, a quant à elle fondu, passant de 47 milliards d'euros à son plus haut en 2021, après le pic de l'épidémie de Covid-19, à 7,7 milliards aujourd'hui.
"Il y a un ralentissement continu de l'utilisation des applications en ligne", analyse Seema Shah, responsable chez Sensor Tower. "La génération Z (née à la fin des années 90), préfère se rencontrer en personne plutôt qu'en ligne".
Face à la chute de leurs revenus, les acteurs du dating en ligne ont été contraints de se renouveler en proposant également des activités en groupe ou des rencontres amicales.
Damián, 33 ans, a laissé derrière lui les applications de rencontre dont il connaît "les dessous peu reluisants" pour avoir travaillé sur leurs algorithmes comme développeur informatique.
"J'ai décidé de rencontrer des gens en réel, en sortant et en socialisant, c'est plus dur", reconnaît le Franco-Espagnol, rencontré lors d'un événement pour célibataires organisé par Eva Sanchez.
"Désenchantement" --
"Nous sommes devenus tellement habitués à l’écran que nous avons perdu cet attrait pour l'interaction directe avec les gens comme le faisaient nos parents", confie Isabel, une juriste chilienne de 28 ans: "Quand on sort avec des copines, on a presque peur de s'approcher d'une table. On a peur de paraître un peu bizarres ou intrusives".
Parmi les jeunes patients qu'elle reçoit dans son cabinet madrilène, la psychologue Esther Jiménez constate "un désenchantement".
"Ils consomment des rendez-vous comme un divertissement sans intention de vraiment se connecter avec l'autre, ce qui fait apparaître beaucoup de désespoir chez les jeunes qui voudraient trouver quelqu'un. L'estime de soi est affectée", remarque cette spécialiste du couple, également sexologue.
"Nous vivons dans une société où nous sommes connectés 100 % du temps et pourtant le sentiment général de solitude est très effrayant. En fin de compte, nous sommes des êtres grégaires, c'est pourquoi nous recherchons des connexions", ajoute-t-elle.
D'après la thérapeute, "le +slow dating+ fonctionne puisque vous supposez que vous allez trouver d'autres personnes qui veulent la même chose, les jeunes se sentent en sécurité dans ces réunions".
Mais "l'accent ne devrait pas être mis tant sur le support que sur la manière dont nous l'utilisons: consommons-nous des gens ou recherchons-nous des connexions ?" (Quid avec AFP)