LE PIRE DES MONDES - PAR MUSTAPHA SAHA

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Quand se dédaigne la résolution européenne n° 2361 du 27 janvier 2021 qui recommande « de s'assurer que les citoyens et citoyennes sont informés que la vaccination n'est pas obligatoire et que personne ne subit de pressions politiques, sociales ou autres pour se faire vacciner

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Paris. Lundi, 12 juillet 2021. Le discours présidentiel annonce un été de mobilisation pour la vaccination partout, à tout moment. Les non-vaccinés sont désormais harcelés, persécutés, criminalisés. Un ministre commente : « Il s’agit de convaincre, voire de cogner sur les non-vaccinés… ». Les soignants qui refusent la vaccination obligatoire, « ne pourront plus travailler. Ils ne seront plus payés ». S’ils ne se plient pas aux injonctions gouvernementales, ils seront licenciés, excommuniés, pestiférées. Brebis galeuses. Boucs émissaires mis au ban de la société.

L’avant-projet de « loi relatif à l’adaptation des outils de gestion de la crise sanitaire » prévoit l’extension du passe sanitaire, l’obligation vaccinale des soignants, des sanctions contre les opposants. Le passe sanitaire se généralise à tous les lieux publics recevant plus de cinquante personnes, aux déplacements de longue distance par transports publics, aux restaurants, aux débits de boisson, aux foires, aux salons professionnels, aux centres commerciaux. Des sanctions pénales et pécuniaires sont prévues contre les récalcitrants, six mois de prison et dix mille euros d’amande pour les clients, un an de prison et quarante-cinq mille euros d’amande pour les responsables des établissements qui ne contrôlent pas la conformité des passes sanitaires. Le Parlement est sommé de voter le texte de la loi dans les plus brefs délais. Les garde-fous juridiques sont neutralisés. S’instaure un régime disciplinaire qui broie toutes les libertés à marche forcée. Le contrat social se fracture.

La déontologie médicale se méprise.Serment d’Hippocrate actualisé par l’Ordre des médecins en 2012. « Au moment d’être admis à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité. J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. Admis dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés. J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité. Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré et méprisé si j’y manque ».

Se dédaigne la résolution européenne n° 2361 du 27 janvier 2021 qui recommande « de s'assurer que les citoyens et citoyennes sont informés que la vaccination n'est pas obligatoire et que personne ne subit de pressions politiques, sociales ou autres pour se faire vacciner, s'il ou elle ne souhaite pas le faire personnellement, de veiller à ce que personne ne soit victime de discrimination pour ne pas avoir été vacciné, en raison de risques potentiels pour la santé ou pour ne pas vouloir se faire vacciner ». Se bafouent les lois internationales et nationales qui interdisent la vaccination obligatoire, ou indirectement obligée par un passe sanitaire. « Une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu’après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé. Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l’intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques. La personne concernée peut, à tout moment, librement retirer son consentement » (Article 5 de la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine, dite Convention d’Oviedo, du 4 avril 1997). Chaque patient et chaque patient peut demander aux vaccinateurs des informations exhaustives sur l’acte médical proposé et le refuser (Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002). « Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment » (Article L1111-4 du Code de la Sécurité de la Santé Publique). « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable » (Loi sur le respect du corps humain insérée dans le Code civil, Articles 16-1 et suivants, 29 juillet 1994). 

31 mai 2021. La loi n°2021-689, intitulée gestion de la sortie de crise sanitaire, valide le passe sanitaire sans le moindre seuil d’application. Elle permet au gouvernement de continuer à prendre des mesures contraignantes. Le passe sanitaire impose, de fait, une surveillance généralisée des corps. Il acte un régime de ségrégation. Les droits d’aller et venir, d’avoir une vie sociale, d’entretenir des activités culturelles, sont subordonnés au statut sérologique. S’exigent, de manière discrétionnaire, un test antigénique négatif, un certificat d’immunité, une attestation de vaccination, pour vaquer aux occupations quotidiennes. S’institue une catégorie de citoyens damnés pour avoir refusé d’obtempérer aux semonces du biopouvoir.  S’inaugure une société caporalisée, robotisée, régulée algorithmiquement, où la population est réduite à sa seule existence biologique. Une société désensibilisée, déresponsabilisée, moutonnisée, livrée aux modélisations numériques. La crise sanitaire sert d’alibi pour l’élargissement des fichiers de police aux convictions syndicales et politiques. Visages sous masques. Corps sous perfusions. Pensées sous chapes de plomb.

Le président : « Nous déploierons la vaccination au plus près du terrain, et nous irons vacciner celles et ceux qui sont aussi le plus loin des soins. Pour les collégiens, les lycéens, les étudiants, des campagnes de vaccination spécifiques seront développées dans les établissements scolaires dès la rentrée… En complément de la vaccination, nous mettrons en place de nouvelles mesures… Nous ferons porter les restrictions sur les non-vaccinés… Le passe sanitaire sera étendu aux lieux de loisirs et de culture. Il faudra, pour accéder à un spectacle, un parc d’attraction, un concert ou un festival, avoir été vacciné ou présenter un test négatif récent… Le pass sanitaire s’appliquera dans les cafés, les restaurants, les centres commerciaux, ainsi que dans les hôpitaux, les maisons de retraites, les établissements médico-sociaux mais aussi dans les avions, les trains et les cars… Nous nous poserons la question de l’extension du passe sanitaire à d’autres activités encore… La vaccination n’est pas tout de suite obligatoire pour tout le monde, mais nous allons étendre au maximum le passe sanitaire pour pousser le maximum de personnes à se faire vacciner… ».

30 avril 2021, le président confie au quotidien Le progrès : « Jamais un droit d'accès qui différencie les Français ne saurait être obligatoire pour accéder aux lieux de la vie de tous les jours comme les restaurants, les théâtres et les cinémas ». Deux mois plus tard, il agite l’épouvantail du variant Delta pour se dédire et torpiller l’égalité des citoyens devant le droit. Les restrictions s’accumulent, s’alourdissent, s’annoncent avant leur passage par le filtre parlementaire. Le sanitaire, devenu sécuritaire détruit les libertés tous azimuts, dans un excès de zèle jamais vu. Le pistage systématique multiplie les barrages, transforme chaque individu en policier de lui-même et des autres.

La bienveillance étatique veille sur le bonheur de tous. L’allégresse abstinente. La traçabilité permanente. La béatitude immanente. La claustration libératrice. La privation salvatrice. La frustration consolatrice. Littérature officielle, courtoise, déférente, consensuelle. Œuvres contestataires, saisies pour exercice illégal de l’écriture. Un juge unique, le grand ordinateur judiciaire. Règlement de travail de la Compagnie d’Analyses Générales : « Les principales qualités attendues des travailleurs de l’entreprise sont l’esprit d’équipe, l’efficacité dans le service, le respect de la discipline intérieure. Tout manquement aux normes établies par le présent règlement sera passible de renvoi immédiat ». Les soignants opposés à la vaccination obligatoire sont prévenus. Circulaire de la Caisse Nationale d’Assurance Médicale Unifiée : « Les agents de la Police Médicale auront les plus larges pouvoirs de surveillance et d’investigation pour sanctionner les contrevenants ». Arrêté ministériel : « Pour jouir de la plénitude de ses droits civiques, tout citoyen doit être enregistré au Fichier Central de la Population. Les agents de la Police du Fichier, relevant du ministère de la Sécurité Publique, auront toute qualité pour interpeller les contrevenants ». Les indisciplinables sont condamnés à la mort civile. (SOS Bonheur, Scénario de Jean Van Hamme, dessins de Griffo, bande dessinée, éditions Dupuis)

Le président laisse entendre que la vaccination est la panacée universelle, qui délivrera l’humanité des géhennes covidiennes. Des fantômes se profilent au fond du décor. La fondation Bill et Melinda Gates, l’un des principaux financiers de l’Organisation Mondiale de la Santé, dispose d’un pouvoir d’influence gigantesque. Bill Gates, philanthrope planétaire, incarne, dans toute sa force attractive, le soft power américain. Dans une tribune publiée par le journal Le Monde du 12 avril 2020, dont il sponsorise par ailleurs la rubrique Monde Afrique, Bill Gates se déclare pour une approche globale de la lutte contre le coronavirus. Il suggère aux dirigeants de la planète, aux membres du G20 notamment, «que les professionnels de la santé soient testés en premier et bénéficient d’un accès aux équipements de protection individuelle  Je crois beaucoup au capitalisme, mais certains marchés ne fonctionnent tout simplement pas en temps de pandémie, et celui des fournitures vitales est un parfait exemple. Le secteur privé a un rôle important à jouer, mais si notre stratégie de lutte contre le Covid se fonde sur la loi du plus offrant, cette maladie fera encore plus de victimes qu’elle n’en ferait autrement ». La philanthropie comme soupape de sécurité du néolibéralisme.

« Ce n’est qu’en immunisant tout le monde que nous pourrons mettre fin à cette pandémie ». Bill Gatt s’exprime comme un chef d’orchestre. « Nous devons concevoir des règles communes. Les dirigeants des pays développés et en voie de développement devraient travailler avec l’Organisation mondiale de la santé et avec ses partenaires pour rendre ces règles officielles. Tous les pays devraient accepter ces règles publiquement pour être tenus de les respecter. Ces accords seront d’une importance toute particulière une fois qu’un vaccin contre le Covid-19 sera enfin disponible, car ce n’est qu’en immunisant tout le monde que nous pourrons mettre fin à cette pandémie ». Les mêmes éléments de langage structurent les communications gouvernementales. « Il est impératif d’allouer des fonds suffisants à la recherche et au développement d’un vaccin ». Se découvrent sans complexes les raisons de l’énigmatique générosité. « La science nous offre une rare lueur d’espoir. Notre Fondation Bill et Melinda Gatesle Wellcome Trust et divers gouvernements ont lancé la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies – la CEPI (The Coalition for Epidemic Preparedness Innovations). L’objectif était d’accélérer le processus de test des vaccins et de financer en premier lieu de nouvelles méthodes plus rapides d’immunisation. Si un nouveau virus devait commencer à se propager dans le monde entier, nous voulions être prêts. La CEPI développe déjà au moins huit vaccins potentiels pour le Covid-19, et les chercheurs sont confiants dans le fait qu’ils en auront au moins un de prêt dans les dix-huit mois. Il s’agira alors du délai le plus court de l’histoire entre l’apparition d’un nouveau pathogène et le développement d’un vaccin pour s’en protéger. Toutefois, ce calendrier dépend des financements…  L’innovation est pleine d’imprévus, mais les pays du G20 devraient s’engager résolument. Ils devraient établir clairement que ce financement est octroyé pour le développement du vaccin uniquement, et non pour sa fabrication ou sa distribution. Cela nécessitera encore davantage de fonds et de planification… Nous ne savons pas encore quel vaccin sera le plus efficace. Chacun d’entre eux requiert une technologie particulière pour être fabriqué. Cela signifie que les pays doivent investir dans de nombreuses infrastructures de fabrication, tout en sachant que certaines ne seront au final jamais utilisées… Si le secteur privé est prêt à intensifier ses efforts et à produire ce vaccin, il ne devrait pas perdre de l’argent pour le faire… Depuis vingt ans, j’encourage les dirigeants du monde à investir dans la santé des populations les plus pauvres du monde… Après tout, l’humanité n’est pas uniquement liée par des valeurs communes et des liens sociaux. Nous sommes aussi reliés les uns aux autres sur le plan biologique par un réseau microscopique de germes qui lient la santé d’une personne à celle de toutes les autres. Dans cette pandémie, nous sommes tous interconnectés… ». La vaccination, bouée de sauvetage de l’humanité, motrice d’intelligence artificielle, locomotive invisible de transgénisme.

Il suffit de constater que la Fondation Bill et Melinda Gates est une omnipotence financière à l’échelle mondiale, qu’elle dispose d’un budget plus important que le produit intérieur brut de plusieurs pays africains, pour saisir son impact sur les décisions politiques. C’est Bill Gates, acteur international majeur dans le domaine de la santé, qui aiguillonne la recherche en matière de vaccins, lance le challenge insensé de produire sept milliards de vaccins, impulse les décisions gouvernementales. Cette bienfaisance massive interroge d’autant plus qu’elle soutient activement les organismes génétiquement modifiés dans l’agriculture et les vaccinations massives au détriment des alternatives naturelles. La même fondation finance des programmes de lutte contre la famine et la malnutrition alimentés par des industries destructrices de l’environnement, (Lionel Astruc, L’Art de la fausse générosité. La Fondation Bill et Melinda Gates, éditions Actes Sud, 2019). En 2016, Microsoft a obtenu l’autorisation d’héberger des données de santé en travaillant avec des hôpitaux et des établissements spécialisés français. La fondation Gates a subventionné, en 2019, une équipe du Massachusetts Institute of Technology (MIT) pour tester un carnet de vaccination injecté sous la peau au Kenya et au Malawi. Ces carnets de nanocristaux à base de cuivre, appelés boîtes quantiques (quantum dots) serviront également, selon Bill Gates, à savoir qui a été vacciné contre le covid, qui a été contaminé, qui a guéri, autrement dit à fixer une identité sanitaire à chaque individu, immédiatement consultable sur smartphone. Microsoft et les autres géants mondiaux d’hébergement de données, comme Google et Amazon, se constituent des big data pour entraîner des intelligences artificielles à l’analyse d’images et d’informations en quantités considérables. Quand il s’agit d’un secteur sensible comme la santé, toutes les inquiétudes sont permises.

Je relis Le Meilleur des mondes (Brave New World) d’Aldous Huxley (traduction française éditions Plon, 1932). L’anticipation dystopique décrit une société mondialisée où les humains sont dopés au Soma, la drogue du bonheur obligatoire, aux effets euphoriques, narcotiques, hallucinogènes, qui permet de calmer l’anxiété, la tristesse, la colère, et de se sentir dans un état de félicité permanente. Une minorité de sauvages, perpétuant la reproduction vivipare, est parquée dans des réserves, protégées par de hautes barrières électrifiées. Les habitants du Meilleur des mondes sont en des transhumains, créés en laboratoire.  Les fœtus évoluent dans des flacons. Les traitements subis par les embryons déterminent leurs aptitudes, leurs inclinations, leurs comportements. Les castes inférieures, formées de clones parfaitement identiques,  sont des forces de travail produites en série, par division cellulaire pendant la fécondation in vitro. Les enfants reçoivent un enseignement hypnopédique pendant le sommeil, qui génère une morale commune enracinée dans les subconscients. Les esprits sont ainsi définitivement formatés. La société est composée de cinq castes. Les Alphas constituent les élites dirigeantes, les technocrates vêtus de gris. Les Betas sont des travailleurs intelligents occupant des postes de responsabilité. Les Gammas composent la classe moyenne. Les Deltas et les Epsilons, travailleurs manuels, forment les couches inférieures. Tous les individus, consommateurs irréprochables, se satisfont de leur condition. « Le monde est stable à présent. Les gens sont heureux. Ils obtiennent ce qu'ils veulent. Ils ne veulent jamais ce qu'ils ne peuvent obtenir. Ils sont à l'aise. Ils sont en sécurité. Ils ne sont jamais malades. Ils n'ont pas peur de la mort. Ils sont dans une sereine ignorance des passions et de la vieillesse… Ils sont conditionnés de telle sorte que, pratiquement, ils ne peuvent s'empêcher de se conduire comme ils le doivent. Et si par hasard quelque chose allait de travers, il y a le soma… La dictature parfaite. Une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s'évader. Un système d'esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l'amour de leur servitude ».Dans son essai Retour au meilleur des mondes (traduction française éditions Plon, 1959), Aldous Huxley écrit : « Les prophéties faites en 1931 se réalisent bien plus tôt que je le pensais… Aujourd’hui, il semble pratiquement possible que cette horreur s’abatte sur nous… un seul totalitarisme supranational suscité par le chaos social résultant du progrès technologique ».

La mémoire collective garde vive la souvenance du sang contaminé. Scandale sanitaire et politique. Mutisme coupable des décideurs administratifs et médicaux. Alors que la première information suggérant un lien entre les transfusions sanguines et le sida remonte à 1982, ce n’est qu’en 1991que la presse rend public le rapport confidentiel du Centre national de transfusion sanguine (CNTS) qui révèle le scandale de médecins ayant délibérément laissé contaminer des patients en mettant des considérations économiques au-dessus des impératifs éthiques. Un hémophile sur deux contaminé, près de deux mille personnes. Le directeur Michel Garretta démissionne de son poste de directeur du CNTS en recevant trois millions de francs d’indemnités. Deux semaines plus tard, il est inculpé, en compagnie du docteur Jean-Pierre Allain, du docteur Robert Netter et du professeur Jacques Roux, pour infraction à la loi de 1905 sur les fraudes pour avoir laissé sur le marché des produits corrompus et toxiques. L’infamie prend une tournure plus monstrueuse quand se dévoilent les motivations financières et les responsabilités politiques. La confiance des malades dans leurs médecins s’altère. Les risques, longtemps occultés, des produits sanguins éclatent au grand jour. Les spécialistes médicaux et la Haute Administration se retrouvent mis à nus dans un domaine qu’ils considèrent une zone d’exercice de plein droit échappant aux investigations journalistiques et aux poursuites judiciaires. Les rapports occultes entre médecine, politique et industrie pharmaceutique sont brutalement démasqués. L’honnêteté des professions médicales est radicalement remise en cause. L’affaire du sang contaminé, où la recherche aveugle du profit prime sur le souci de la santé publique, décrédibilise définitivement le mythe de l’Etat protecteur, garant de l’intérêt général et du bien-être des citoyens.

L’instrumentalisation politique de la pandémie débouche sur la tyrannie sanitaire. Michel Foucault décrit pertinemment le biopouvoir. Le dénominateur commun entre l’individu et la masse est la norme statistique. Le pouvoir disciplinaire s’exerce sur le corps à travers les techniques de surveillance et les institutions punitives. Le biopouvoir s’exécute sur la population, la vie et les vivants. La gouvernementalité libérale s’est inscrite dès le milieu du XVIIIème siècle dans la gestion rationnelle des phénomènes sociaux dans leur naturalité. La vie humaine devient l’enjeu central des stratégies politiques. Apparaissent des mécanismes régulateurs qui encadrent la vie des corps et contrôlent les processus biologiques.

Le biopouvoir déborde sa légitimation législative sous prétexte de protéger la santé publique en situation d’urgence. La discipline individualisante, fragmentante, atomisante, et le biopouvoir homogénéisant, uniformisant, massifiant, se superposent. Les êtres vivants dans sont ciblés dans leur singularité et leur multiplicité, de la naissance à la mort, en passant les maladies saisonnières, les pathologies récurrentes, les épidémies, facteurs de soustraction des forces, comme « masse globale affectée de processus d’ensemble propres à la vie ». Les mécanismes d’assistance et d’assurance ne sont que des moyens de surveillance et de contrôle. L’objet de la biopolitique n’est autre que la population considérée comme un problème scientifique et politique. Il n’est pas anodin que le président s’entoure d’un comité scientifique et d’un conseil militaire pour donner une caution morale à ses décisions autocratiques. Il n’est laissé aux individus qu’une alternative, la soumission volontaire ou la contrainte policière. « On demeure attaché à une certaine image du pouvoir-loi, du pouvoir-souveraineté que les théoriciens du droit et de l’institution monarchique ont dessinée. Et c’est de cette image qu’il faut s’affranchir, c’est-à-dire du privilège théorique de la loi et de la souveraineté, si on veut faire une analyse du pouvoir dans le jeu concret et historique de ses procédés. Il faut bâtir une analytique du pouvoir qui ne prendra plus le droit pour modèle et pour code » (Michel Foucault). Il se faut se déprendre des codes juridico-politiques par lesquels le pouvoir se sacralise. Le pouvoir ne fonctionne pas sur le droit, qui n’est que son alibi réglementaire, mais sur les techniques de répression qui écrasent toute velléité de désobéissance. Le biopouvoir met en jeu la vie pour normaliser les individus jusque dans leurs corps, jusque dans leur intangible intimité. L’état d’exception, dernière forme de légitimation, rend visible la structure cachée du pouvoir, la conjonction de la violence et du droit. Retour au droit de vie et de mort du souverain sur ses sujets. « La souveraineté se présente comme une incorporation de l’état de nature dans la société ou, si l’on préfère comme un seuil d’indifférence entre nature et culture, violence et loi, et c’est justement cette indistinction qui constitue la spécificité de la violence souveraine... L’Etat moderne, en plaçant la vie biologique au centre de ses calculs, met en lumière le lien secret qui unit le pouvoir et la vie… Ce qui caractérise la politique moderne n’est pas l’inclusion de la zoé dans la polis, en soi très ancienne, ni simplement le fait que la vie comme telle devient un objet éminent de calculs et de prévisions du pouvoir étatique. Le fait décisif est plutôt que, parallèlement au processus en vertu duquel l’exception devient partout la règle, l’espace de la vie nue, situé en marge de l’organisation politique, finit par coïncider avec l’espace politique, où exclusion et inclusion, extérieur et intérieur, bios et zoé, entrent dans une zone d’indifférenciation irréductible ». (Giorgio Agamben, Homo Sacer. Le Pouvoir souverain et la vie nue, Editions du Seuil, 1997). La logique de la sphère étatique est l’exception.

Puisque le biopouvoir utilise la raison médicale comme moteur de la tyrannie sanitaire, il faut penser la vie comme levier de la résistance à son despotisme. Il faut se défaire du modèle léviathanien de Thomas Hobbes définissant le pouvoir conçu comme foyer central, défini en termes juridiques. Le pouvoir s’analyse à partir de « ses techniques et de ses tactiques de domination ». Puisque le biopouvoir évince la vie naturelle pour se constituer en vie politique, la vie doit mobiliser sa puissance naturelle pour se retourner contre le système qui la contrôle.Chaque personne doit s’opposer aux assujettissements opérés par les technologies du pouvoir, s’approprier le droit à la vie, à la santé, au bonheur. (Michel Foucault, La Volonté de savoir, éditions Gallimard, 1976. Michel Foucault, Il faut défendre la société. Cours au Collège de France, 1976, éditions Gallimard / éditions du Seuil, 1997. Sécurité, Territoire, Population. Cours au collège de France, 1977-1978, éditions Gallimard / éditions du Seuil, 2004. Michel Foucault, La Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France, 1978-1979, éditions Gallimard / éditions du Seuil, 2004.)

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