Le retour des MRE jette une lumière crue sur l’impérieuse question d’une flotte nationale

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Est-il sain que le Maroc, qui possédait naguère plusieurs vraquiers, n’en possède pratiquement plus aucun aujourd’hui pour le transport de ses plusieurs dizaines de millions de tonnes de produits comme le blé, le charbon, le pétrole et les phosphates ?

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La Canard Libéré, lève un lièvre dans son édition du 17 juin 2021. Le site de Abdellah Chenkou relève que « la décision du gouvernement de soutenir au prix fort les tarifs de la traversée pour les MRE entre en résonance avec une triste réalité : La disparition du pavillon national et la dépendance du Maroc vis-à-vis de la flotte étrangère pour le transport de passagers et de marchandises. »

‍Quelque 2 milliards de DH !, écrit-il, c’est l’enveloppe que l’État marocain devrait mobiliser au titre de la subvention exceptionnelle des tarifs de la traversée maritime pour les MRE vivant en Europe dans, le cadre de l’opération Marhaba 2021. C’est le prix à payer - et il est colossal - pour obtenir un prix préférentiel des billets aller-retour conformément aux instructions royales pour faire bénéficier les Marocains du monde de tarifs abordables et désamorcer la flambée des prix au-delà du raisonnable sur les parcours de contournement  des ports espagnols habituels notamment Algesiras) décidés par le Maroc » 

Privatisation

Ce gâchis a un nom, la privatisation à tout crin qui a sévi au Maroc dans la foulée du plan d’ajustement structurel au point que parler de la préservation des « bijoux de famille » vous faisait passer pour un ringard. Ce gâchis « rappelle une triste réalité : le démantèlement incompréhensible du transport maritime national, fret et passagers dans le sillage de la faillite de Comarit de Mohamed Abdelmoula et la disparition d’IMTC de Mohamed Karia, précédées par la privatisation en 2007 de l’armateur public Comanav » livré sans autre forme de réflexion à l’armateur français CMA-CGM. « Résultat, précise le Canard Libéré : le Royaume a quitté la navigation sur le détroit alors qu’il assurait jusqu’à 1996, grâce à ses armateurs, près de 75% du trafic passagers sur ce bras de mer de 15 kilomètres… Est-il sain que le Maroc, qui possédait naguère plusieurs vraquiers, n’en possède pratiquement plus aucun aujourd’hui pour le transport de ses plusieurs dizaines de millions de tonnes de produits comme le blé, le charbon, le pétrole et les phosphates ? 

Révolu donc l’âge d’or du pavillon national « quand l’armement marocain comptait 66 navires qui assuraient 25% du commerce extérieur du pays. Aujourd’hui, la flotte marocaine avoisine zéro […] Outre son coût social non négligeable […] le grand naufrage du maritime se traduit pour le budget de l’État par un coût financier exorbitant qui confine au scandale : quelque 25 milliards de DH pour le fret et quelque 4 milliards de DH (auxquels il faut ajouter la subvention actuelle de 2 milliards de DH) pour le transport passagers.  Soit un manque à gagner total en devises de plus de 30 milliards de DH (à revoir à la hausse suite à la flambée du prix du fret en raison de la crise sanitaire) qui profite exclusivement au pavillon étranger qui assure plus de 95% du commerce extérieur national. »

« Comment un pays réputé pour son passé maritime prestigieux qui dispose de deux façades maritimes longues de plus de 3.000 kilomètres et construit l’un des meilleurs ports sur la Méditerranée (Tanger Med) a-t-il pu laisser mourir son armement sans réagir ? La question mérite d’être posée surtout que la tendance mondiale n’est pas au désengagement des États du secteur maritime. Bien au contraire » précise le site.

« […] Aucun responsable n’a fourni jusqu’ici la moindre réponse à cette interrogation légitime… Ironie de l’histoire, la disparition de l’armement national de la carte mondiale intervient à un moment où le Maroc a noué une série d’accords commerciaux avec ses partenaires notamment africains et arabes. Comment développer concrètement ces échanges et les hisser à un niveau souhaitable sans une flotte nationale digne de ce nom qui lui permettra de se réapproprier son destin maritime ? 

« Pour un pays qui jouit d’une position stratégique exceptionnelle et fort de deux belles façades maritimes s’étirant sur plus de 3.000 kilomètres, il y a de quoi s’interroger sur les subtilités ayant poussé les responsables à laisser mourir le secteur maritime national […] Est-il normal que le Maroc dépende de compagnies étrangères pour le transport de sa diaspora installée en Europe?

« Un saignement aussi colossal doit en principe interpeller les gouvernants et les pousser à prendre le problème maritime à bras-le-corps.  Ce n’est pas avec des études qui restent dans les tiroirs, à l’image de celles confiées la plupart du temps à des cabinets étrangers, qui puisent leurs données auprès des professionnels du secteur, que le transport maritime national, trusté depuis 2011 par deux ministres  islamistes (Abdelaziz Rabbah  puis Abdelkader Amara qui ne comprennent que dalle au maritime ), ayant montré suffisamment leur incapacité à relancer ce secteur stratégique sur de nouvelles bases,  renaîtra sur des bases solides. Seul le génie qui a conçu le port Tanger Med peut dans une démarche volontariste et experte redonner au maritime son prestige d’antan. Vivement le retour d’un grand ministère de la Mer dans le prochain gouvernement ! »

‍L’air aujourd’hui à l’Etat régulateur et à l’Etat stratège et « […] sans flotte nationale digne de ce nom, le Royaume ne saurait […], dans le droit de fil de la vision africaine ambitieuse de S.M le Roi Mohammed VI et sa volonté forte de développer le partenariat sud-sud, être en mesure de renforcer ses échanges commerciaux avec les pays du continent. Le même handicap maritime frappe la relation économique du Maroc avec ses pays partenaires du monde arabe dont, faut-il encore le rappeler, il est lié pour certains d’entre eux par des accords de libre-échange…Il serait utopique dans ce sens de compter sur les armateurs étrangers pour mettre en place des dessertes compétitives. »

Lire l’intégral de l’article du Canard Libéré :

Un acte de générosité dans un grand naufrage

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