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Le gouvernement sud-africain dans une ultime tentative de faire passer le projet de budget 2025 - Par Hamid Aqerrout

L’Alliance démocratique (DA), principal parti de la coalition gouvernementale aux côtés du Congrès National Africain (ANC), a refusé une augmentation de deux points de pourcentage de la TVA.
Confronté à un déficit colossal et à une coalition fragilisée par les désaccords sur la TVA, le gouvernement sud-africain joue gros ce mercredi au Parlement. Le rejet d’un troisième projet de budget en deux mois pourrait faire basculer le pays, écrit Hamid Aqerrout du Bureau MAP à Johannesburg, dans l’austérité, voire l’instabilité.
Par Hamid AQERROUT - MAP
Une coalition au bord de la rupture
Johannesburg - Tous les regards sont rivés sur le Parlement sud-africain où une troisième tentative de faire passer le projet de budget sera essayée mercredi, après que des différends entre les partenaires de la coalition gouvernementale sur des projets d’augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ont fait échouer deux épreuves précédentes.
Le gouvernement sud-africain a été confronté, ces derniers mois, à une pression immense pour combler un déficit budgétaire béant de 4 milliards de dollars (75 milliards de rands) dans le projet de budget, tout en essayant de maintenir le cap sur la stabilisation de la dette qui a atteint des proportions alarmantes, plus de 75% du PIB.
Il s’agit de sa troisième tentative de présenter le projet de budget en seulement deux mois, ce qui suscite à la fois des attentes et des appréhensions.
Le premier projet, présenté le 19 février dernier devant l’Assemblée nationale, a été retiré à la dernière minute lorsque l’Alliance démocratique (DA), principal parti de la coalition gouvernementale aux côtés du Congrès National Africain (ANC), a refusé une augmentation de deux points de pourcentage de la TVA.
Lorsque le ministre des Finances, Enoch Godongwana, est revenu le 12 mars avec une proposition plus souple visant à diviser la hausse de la TVA en deux augmentations de 0,5 point de pourcentage sur deux ans, la DA a porté le combat devant les tribunaux.
Un déficit abyssal et une croissance moribonde
Confronté à des poursuites judiciaires et à une éventuelle rupture de la coalition, le ministre des Finances a complètement abandonné la hausse, laissant un trou de plus de 4 milliards de dollars dans le budget. Mais ce montant pourrait exploser, car la croissance économique sud-africaine semble vouée à croître à un rythme plus lent que prévu, sachant que le PIB n’a augmenté que de 0,7% par an en moyenne durant la dernière décennie.
Dans ce contexte, les analystes économiques avertissent qu’un autre échec dans l’adoption du budget pourrait entraîner une réduction des dépenses dans tous les secteurs prioritaires, notamment le soutien aux entreprises publiques en difficulté comme la compagnie d’électricité publique en faillite Eskom.
Reste que face à l’abîme d’un trou noir et à un endettement excessif, le trésor n’a d’autres alternatives que de procéder à d’importantes coupes budgétaires s’il ne veut pas être inspiré dans le vide.
L’économiste Dawie Roodt a déclaré que cette fois-ci Godongwana n’a pas droit à l’erreur et doit s’assurer d’avoir le soutien de l’Alliance démocratique, son principal partenaire de coalition. «La question était de savoir s’il y aurait une nouvelle réduction des différentes subventions sociales et des salaires des fonctionnaires», a-t-il dit.
Pressions sociales et attentes internationales
Pour sa part, le parti ActionSA a appelé le gouvernement d’unité nationale à cesser de tergiverser et à mettre en œuvre de véritables réformes pratiques pour faire face à la crise croissante de l’emploi en Afrique du Sud. Le taux de chômage officiel du pays est passé de 31,9% au quatrième trimestre 2024 à 32,9% au premier trimestre 2025, ce qui pose un grand défi pour le gouvernement.
Idem pour la principale centrale syndicale du pays, la Cosatu, qui estime que l’exécutif ne peut pas se permettre un retour aux coupes budgétaires brutales et austères inspirées par une croyance erronée dans le néolibéralisme. «Le Service des recettes sud-africain doit lutter contre l’évasion fiscale et la fraude douanière et augmenter le taux de conformité fiscale de 64 % à 70 % pour générer 120 milliards de rands supplémentaires par an», a-t-elle suggéré.
Quant au chef de file de la DA, John Steenhuisen, il s’est montré optimiste quant à ce troisième projet de budget, malgré la situation budgétaire difficile du pays. «Je pense que le ministre Godongwana va réaliser un exercice d’équilibre efficace qui ne verra aucun emprunt supplémentaire et aucune taxe supplémentaire», a-t-il dit.
Le Parlement dispose de 16 jours ouvrables à compter du dépôt du budget pour approuver le cadre fiscal et les propositions de recettes, après quoi il doit adopter deux autres textes législatifs : le projet de loi sur la répartition des recettes et le projet de loi de crédits. Le gouvernement peut dépenser jusqu’à 45 % du budget de l’année précédente jusqu’à ce que le Parlement adopte le nouveau budget. Après cela, les dépenses devront être réduites.
Le cadre budgétaire remanié, qui fixe les limites globales des dépenses publiques, sera suivi de près par les Agences internationales de notations qui devraient revoir leur note.
Un résultat crédible pourrait garantir la première amélioration de la note de l’Afrique du Sud depuis deux décennies, tandis que l’inverse pourrait entraîner une hausse des coûts d’emprunt futurs et freiner l’appétit des investisseurs pour les actifs locaux.