Chronique « Cinéma, mon amour de Driss Chouika : LAHCEN ZINOUN, LA FUSION DE LA CHORÉGRAPHIE ET DU CINÉMA

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Fidèle à lui-même, à sa vision et à ses principes, Lahcen Zinoun a émergé comme une figure artistique marquante, fusionnant les mondes du cinéma et de la danse au Maroc

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Cinéma, mon amour !'' de Driss Chouika - LE CINÉMA UNDERGROUND : QUAND  L'AMÉRIQUE FAISAIT SON CINÉMA EXPÉRIMENTAL

« Lorsque j’ai voulu défendre mon scénario devant la commission (de l’Avance sur Recettes du CCM), une personne m’a dit : mais pourquoi la danse ? Je me suis dis : mais ce n’est pas possible (!), on est encore dans la même situation. Toujours le rejet du corps. Le corps pose problème. Depuis que l’anathème a été jeté sur notre corps, on souffre de ce tabou ». Lahcen Zinoun.

Né le 14 septembre 1944 et décédé le 16 janvier 2024 à Casablanca, premier danseur-étoile marocain, chorégraphe reconnu sur le plan international par les plus grands de ce domaine artistique créatif, ayant conçu des chorégraphies pour plusieurs films marocains et étrangers, dont “La dernière tentation du Christ“ de Martin Scorsese, “Un thé au Sahara“ de Bernardo Bertolucci et “Les beaux jours de Shahrazade“ de Mostafa Derkaoui, avant de devenir lui-même cinéaste et réalisé des courts et longs métrages d’une profonde valeur thématique et esthétique, créateur en 1978, avec son épouse Michelle Barette, de la première école marocaine de danse “Le Ballet-Théâtre Zinoun“, puis en 1986 de la mémorable Troupe Nationale des Arts Traditionnels, réalisateur de plusieurs éditions du Festival National des Arts Populaires de Marrakech depuis 2003, création de plusieurs spectacles de ballet-théâtre présentés au Maroc et à l’étranger…, Lahcen Zinoun aura été l’artiste marocain pluridisciplinaire le plus accompli et le plus créatif durant les dernières décennies.

ENTRE CHORÉGRAPHIE ET CINÉMA

Oui, fidèle à lui-même, à sa vision et à ses principes tel que je l’ai connu il y a des décennies, Lahcen Zinoun a émergé comme une figure artistique marquante, fusionnant les mondes du cinéma et de la danse au Maroc. Sa carrière polyvalente en tant que cinéaste et chorégraphe a contribué de manière significative à l'enrichissement du paysage culturel marocain. Puis, en tant que cinéaste, et après avoir prouvé ses compétences hautement créatives dans la chorégraphie, tant dans le ballet-théâtre que dans les films, Lahcen Zinoun a exploré dans ses propres films des thèmes diversifiés, capturant les nuances de la vie au Maroc avec une perspicacité artistique unique. Ses œuvres cinématographiques ont été saluées pour leur engagement social, leur esthétique hautement visuelle et leur capacité à transcender les frontières culturelles.

Et même contrarié dans sa liberté d’expression artistique, passant par une traversée du désert éprouvante, il a trouvé l’inspiration et le courage néceaaires pour surmonter les obstacles et diversifier ses voies d’issues artistiques.

ENGAGEMENT SOCIO-CULTUREL

Lahcen Zinoun s’est toujours distingué par son approche immersive dans la culture marocaine à travers ses chorégraphies, ses spectacles de danse et ses films. Ses œuvres de ballet-théâtre, “Flagrant délire“, “Isli-Tislit“, “Farhat Doukkala“..., capturent et explorent les traditions, les dilemmes sociaux contemporains et les histoires humaines profondes qui caractérisent la société marocaine. Ses films, courts et longs, explorent souvent des questions sociales pertinentes telles que les inégalités, les défis socio-culturels et les conflits générationnels. La narration sensible de Zinoun offre une réflexion profonde sur ces enjeux, invitant le public à une introspection significative.

En tant que réalisateur, Lahcen Zinoun accorde une importance particulière à l'esthétique cinématographique. Son utilisation créative de la caméra, des cadres visuels et de la bande sonore contribue à la création d'une expérience immersive pour les spectateurs. D’une grande sensibilité humaine, il est également reconnu pour son expertise particulière dans le domaine de la danse et de la chorégraphie. Ce qui lui a permis de réussir une fusion et une convergence harmonieuses de ces deux formes d'art, créant des projets uniques qui explorent la synergie entre le mouvement corporel et la narration visuelle. Il a développé une approche de la chorégraphie profondément engagée, utilisant le langage du mouvement pour exprimer des idées et des émotions complexes, ses productions chorégraphiques étant toujours influencées par des questions sociales et culturelles pertinentes.

Zinoun a également favorisé des collaborations interdisciplinaires, invitant des danseurs à participer à des projets cinématographiques et vice versa. Cette convergence a permis la création d’œuvres où le langage visuel et le langage corporel s'entrelacent de manière harmonieuse. Il a ainsi contribué de manière significative à l'enrichissement culturel du Maroc et au-delà. Son travail transcende les frontières géographiques, offrant des perspectives nouvelles sur la culture marocaine tout en suscitant des échanges fructueux sur des problématiques sociales universelles. D’ailleurs, ses œuvres ont été présentées dans des festivals de cinéma et de danse à travers le monde, apportant une reconnaissance internationale à la richesse de l'expression artistique marocaine.

En plus de sa carrière artistique, Lahcen Zinoun, qui a pu insuffler sa passion à ses deux propres fils, s'est totalement investi dans l'éducation artistique. Il a tenu à partager ses compétences et son savoir-faire avec les jeunes générations, contribuant ainsi à la formation de nouveaux talents dans le domaine du cinéma et de la danse au Maroc.

En somme, Lahcen Zinoun incarne la puissance de l'expression artistique polyvalente, fusionnant la magie du cinéma avec la grâce de la danse pour créer des œuvres captivantes. Son influence va continuer de se faire sentir, car il a laissé une empreinte indélébile sur le paysage culturel marocain.

FILMOGRAPHIE DE LAHCEN ZINOUN

LM : « Oud Alward – Beaté éparpillée »  (2007) ; « Femme écrite » (2011).

CM : « Flagrant délire » (1991) ; « Assamt » (2001) ; « Piano » (2002) ; « Faux pas » (2003).

 

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