La jeunesse face à la classe politique

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On ne peut que s’incliner face au civisme, au caractère pacifique, de la mobilisation massive en Algérie. Le pouvoir a réussi, par la candidature de Bouteflika, ressentie comme une humiliation par un peuple dont les moins de 40 ans sont majoritaires, à mettre dans la rue des millions de personnes. Les revendications aujourd’hui dépassent le système politique, pour rejeter le système rentier qui a construit des fortunes ex-nihilo.

Mais ce mouvement, comme beaucoup d’autres proches de nous, a une caractéristique : il rejette l’ensemble des corps intermédiaires, y compris les partis d’opposition. Dès lors, il y a un vrai problème de représentation.

Si on veut éviter le chaos il faut une transition et qui dit transition dit négociation et donc des personnalités acceptées par les gens mobilisés. C’est une vraie problématique.

La jeunesse algérienne est ulcérée par le manque de démocratie, mais aussi par la rapine généralisée, protégée et nourrie par le FLN. Mais elle ne fait aucunement confiance à des opposants, trop souvent conciliants à son goût. Si le mouvement de contestation ne se structure pas, ne dégage pas ses propres cadres, ses propres représentants, il est difficile d’envisager une issue heureuse à cette crise. La défiance vis-à-vis des élites établies est à son paroxysme, elle est justifiée par des décennies de pratiques peu vertueuses, mais, sans alternative constructive, elle obstrue l’avenir.

Au Maroc, avec un contexte politique différent, nous constatons, la même défiance vis-à-vis des institutions représentatives, de l’intermédiation politique et syndicale.

Les organisations de jeunesse, autrefois ailes marchantes des partis, sont squelettiques. Le taux de participation aux élections est très faible, alors même que 6 millions de Marocains en âge de voter ne sont même pas inscrits et cette tendance s’aggrave structurellement. Les partis payent parfois pour remplir une salle lors des meetings.

Nous vivons une ère de vraie misère de la politique. Ce n’est pas uniquement une question de vacuité des programmes, tous, ou dans leur majorité, d’essence libérale, peu imaginatifs, mais plutôt de crédibilité des politiques.

A l’ère de la transparence, les fonctionnaires qui deviennent milliardaires dès qu’ils entament une carrière politique, les nains opportunistes qui sont à longueur de temps dans ces combinaisons mafieuses, peu éthiques, ont fini par disqualifier la classe politique auprès des jeunes et de manière quasi-irréversible.

Pourtant le Maroc a connu de grands hommes, passionnés par la chose publique, qui ont défendu leurs idées, et sont partis sans laisser le moindre patrimoine matériel à leurs enfants ; Abdellah Ibrahim, Abderrahim Bouabid, Ali Yata et bien d’autres ont été de ceux-là.

La politique doit retomber sur ses pieds, c’est-à-dire recruter des profils prêts à servir leur pays, sans se servir, à écouter les doléances du peuple et à répondre par des propositions réalistes.

La défiance actuelle fragilise les institutions et jette son ombre sur l’avenir. Notre environnement nous rappelle cette vérité. Il serait suicidaire de continuer comme si de rien n’était.