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LES ETUDIANTS FRANÇAIS A L’ENCAN – PAR MUSTAPHA SAHA
47 % des étudiants franciliens sont contraint d’habiter chez leurs parents. Les autres s’entassent dans des réduits où il ne reste pas un pouce pour se consacrer à son travail. Le spectacle d’étudiants absorbés par leur ordinateur dans un jardin public se banalise
Paris. Lundi, 30 octobre 2023. Le cabinet de conseil américain McKinsey frappe encore. La gouvernance française n’a dans son catalogue que des recettes répressives, absurdes, socialement catastrophiques. Deux mille deux cents étudiants seront expulsés de leur logement universitaire pendant les Jeux Olympiques 2024 pour héberger policiers, vigiles, pompiers. Ils recevront un lot de consolation dérisoire, honteux, cent euros. S’oublient les quatre cent mille logements vacants en Île de France, les cent vingt-six mille résidences secondaires non occupées dans Paris intra-muros. Les étudiants sont jetés à la rue sans autre forme de procès.
La précarité estudiantine atteint un degré de désespérance jamais vu. Selon une étude de l’Institut Paris Région, 47 % des étudiants franciliens sont contraint d’habiter chez leurs parents. Les autres s’entassent dans des réduits où il ne reste pas un pouce pour se consacrer à son travail. Le spectacle d’étudiants absorbés par leur ordinateur dans un jardin public se banalise. Les Restos du Cœur, en difficulté financière, ne peuvent plus fournir des repas aux bouches. Le président de l’association, qui a déjà servi 170 millions repas en 2023 contre 140 millions en 2022, déclare avec amertume : « Nous allons devoir massivement dire non à des personnes que nous aurions pu accueillir avant l’inflation. Nous allons devoir réduire la quantité de ce que nous donnerons aux personnes qui entrent dans nos critères. Aujourd’hui, nous ne sommes pas suffisamment solides pour absorber le flux de personnes qui ont besoin d’aide alimentaire ». Or, 40 % des étudiants français recourent régulièrement aux soupes populaires pour survivre. Les appels à un plan d’urgence alimentaire ne rencontrent que des oreilles sourdes.
La France, septième puissance économique mondiale et troisième puissance économique européenne, précarise, fragilise, marginalise sa jeunesse. Des jeunes, mentalement détruits, délirent en pleine rue. Des jeunes, abandonnés à leur sort, dorment sous les ponts. Des jeunes, hallucinés, mendient dans les transports en commun. Le Quartier latin, de plus en plus maussade, de plus en plus cafardeux, n’offre plus l’effervescence juvénile d’antan. Depuis la crise covidaire, les magasins ferment les uns après les autres. Foisonnent les restaurants rapides et les bazars pour touristes impécunieux. La Sorbonne interdite aux visiteurs. Le Boul’Mich assourdi de sirènes hurlantes. La police veille et surveille. Les bouquinistes sont, à leur tour, sommés de disparaître des quais de Seine pour laisser place nette au fétichise olympique.
Bio express. Mustapha Saha, sociologue, écrivain, artiste peintre, cofondateur du Mouvement du 22 Mars et figure nanterroise de Mai 68. Sociologue-conseiller au Palais de l’Elysée pendant la présidence de François Hollande. Livres récents : Haïm Zafrani Penseur de la diversité (éditions Hémisphères/éditions Maisonneuve & Larose, Paris), « Le Calligraphe des sables » (éditions Orion, Casablanca).
Mustapha Saha