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SAHARA MAROCAIN : LA DIVAGATION DE LA PARTITION – Par Mustapha Sehimi

Staffan Di Mistura à Alger avec Ramatan Lamamra alors chef de la diplomatie algérienne
Voilà que l'élucubration d'une partition dans les provinces méridionales récupérées ressort! On la doit à une certaine Hannah Rae Amstrong dans un article d'une dizaine de pages publié dans la revue américaine Foreign Affairs sous le titre : " Plaidoyer pour la participation du Sahara occidental - Comment convaincre le Maroc d'accepter la moins mauvaise solution". De la désinformation. Et de la manipulation... que Mustapha Sehimi décortique
Qui est-elle celle-là ? Elle se présente comme une écrivaine et conseil - 1ère politique; elle allègue aussi qu'elle a une expérience en Afrique du Nord Afrique et au Sahel. Passons. Elle avance que le "conflit peut sembler gelé" et que "ses contours sont sur le point de changer dangereusement". Elle considère cependant en creux qu'il y a aujourd'hui" un autre développement potentiellement positif", référence faite à la recommandation de Staffan de Mistura, envoyé personnel du Secrétaire général de l'ONU, en octobre dernier, au Conseil de sécurité: la partition. Elle estime, de manière péremptoire que c'est finalement "la bonne solution - et peut-être la seule". Cet émissaire onusien, nommé voici plus de trois ans, le 6 octobre 2021, n'a donc rien trouvé de mieux pour avancer dans la recherche d'un règlement négocié. Il a tout essayé, des visites dans la région, des rencontres avec "Le Groupe des amis du Sahara occidental" (France, Russie, Espagne, Royaume-Uni et États-Unis). Et même à Pretoria, à la fin janvier 2024, avec Naledi Mansisa Pandor, ministre sud- africaine des Affaires étrangères…
Une proposition de... Bouteflika
Partition ? Mais n'est-ce pas de la part de M. De Mistura, une reprise de la proposition faite, voici plus d’une vingtaine d’années, par le président Bouteflika à James Baker, alors Envoyé personnel du Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, à Houston, sur le partage de l'ex-Sahara occidental entre son pays et le mouvement séparatiste. Cette information a été rendue publique le 19 février 2002 dans le rapport du Secrétaire général de l'ONU présenté au Conseil de sécurité (S/2002.178, 19 février 2002):" L'Algérie et le Polisario seraient disposés à examiner ou à négocier une division du territoire comme solution politique au différend du Sahara occidental". Une proposition catégoriquement rejetée par le Maroc dans une lettre au Président du Conseil de sécurité (S/2002/192) sur son refus de "toute proposition visant à porter atteinte à l'intégrité territoriale du Royaume et à sa souveraineté sur ses provinces du Sud".
Un "business deal" pour Trump
Cela dit, cet auteur ne se borne pas à une nouvelle ressucée du partage de Bouteflika de 2001 mais elle y apporte des innovations, si l'on ose dire: d'abord en substituant le Maroc à l'Algérie; ensuite en s'aventurant jusqu'à dessiner des frontières entre le Maroc et le "nouvel "État du mouvement séparatiste, respectivement "les deux tiers nord du territoire" et le reste couvrant le contrôle d'"une bande côtière inexploitée et riche ressources". Elle mentionne même le cas particulier de la péninsule de Dakhla juste au sud de la ligne de démarcation de 1976 : elle pourrait faire l'objet d'un renoncement des revendications séparatistes et ce en "échange d'autres concessions marocaines (droits pétroliers et gaziers offshore ou de territoires à l'est du mur).
Mais il y a plus. Tout l'article s'articule pratiquement autour de cette base de travail: conduire le président Trump à faire pression sur le Maroc pour adhérer à ce partage. En faisant miroiter l'option transactionnelle qui est le marqueur de sa diplomatie - le crédo des "business deals". Elle écrit ainsi que "les États-Unis ont beaucoup à gagner d'une partition négociée". Et de faire valoir qu'en dernière instance, ce serait du "win-win" pour tout le monde. Pour Washington avec les opportunités offertes aux grandes compagnies américaines avec de "nouveaux projets énergétiques potentiels en Algérie" et des ventes des fabricants d'armes à un pays qui a pratiquement doublé ses dépenses en franchissant la barre des 25 milliards de dollars en 2025. Il faut y ajouter deux autres données: l'accès au gisement de minéraux rares du mont sous-marin Tropic, entre l’île El Hierro (Canaries) et la côte atlantique marocaine; la possibilité aussi de mettre fin à la Minurso, "devenue sans but, obsolète" et "coûteuse " avec un budget de 75 millions de dollars pour cette année fiscale.
En poursuivant dans ce même registre, Hannah Rae Amstrong cède à l'alarmisme. A ses yeux, le danger est le risque d'escalade qui serait lié au retrait de cette Mission de maintien de la paix, sans victoire des parties et confortant l'impasse actuelle. Et d'insister sur la nécessité d'un "compromis sur le territoire". La faisabilité de cette solution dépendrait de l'Algérie et de sa capacité à faire pression sur le mouvement séparatiste; des intérêts bien compris de l'administration Trump tant économiques que géopolitiques et sécuritaires en pacifiant un territoire; de ceux aussi du Royaume qui verrait la consécration juridique et internationale de sa souveraineté sur les deux tiers des provinces du Sud; de l'Algérie également qui pourrait se rapprocher des États-Unis et normaliser ses relations avec le Maroc; du mouvement séparatistes encore qui devrait se rallier à un accord de partage, non pas " un arrangement temporaire" mais "permanent et contraignant"; et du Maroc enfin, le "plus difficile" est de le " convaincre de négocier... "Peine perdue!
Titres historiques et juridiques du Maroc
Cet auteur a tout faux ! Pas un pouce de terrain ne fera l'objet de quelque partage dans les provinces méridionales récupérées : il est illusoire de tabler sur cette hypothèse ! La cause nationale est plus consolidée que jamais: en interne, l'intégrité territoriale et la souveraineté de ce territoire sont sacrées ; à l'international, de grandes avancées ont été capitalisées avec le soutien de 120 pays, celui aussi de 19 États membres des 27 de l'UE et des deux tiers de l'UA ; celui de son prolongement territorial d'une trentaine de consulats généraux à Dakhla et Laâyoune; enfin, celui de la maîtrise militaire sur cette région sécurisée et où les bandes des milices armées séparatistes accusent les échecs dans leurs opérations sporadiques à l'extérieur du mur.
Alors ? Alors, il convient de rappeler à cet auteur" franchisé" par Alger -elle aussi, comme De Mistura…- les termes dans lesquels se pose en ce début 2025 la question nationale. Il y a ainsi, consacré par le Conseil de sécurité, un processus de règlement dont la dernière expression est la résolution 2756 du 31 octobre 2024. Des paramètres de négociation ont été de nouveau revalidés (format des tables rondes avec les quatre parties Maroc, Algérie, Mauritanie et mouvement séparatiste; prévalence de l'Initiative marocaine d'autonomie du 11 avril 2007; recensement des réfugiés dans les camps de Tindouf). Telle est la voie définie par la haute instance onusienne et soutenue par la majorité de la communauté internationale. Il n'y en a pas d'autre ! Ce sont là des fondamentaux ! Et les titres historiques et juridiques sont du côté du Maroc, pas de celui de l'Algérie et du" Polisario" qui se sont mis en dehors des résolutions de du Conseil de sécurité, respectivement en rejetant le cadre négociatoire onusien et en dénonçant le cessez-le feu le 20 novembre 2020 après l'intervention des FAR pour la liberté de circulation à Guerguerat.
Dans les prochaines semaines, au mois d'avril, rappelons-le, il est prévu une réunion informelle du Conseil de sécurité sur la question nationale. Staffan de Mistura va certainement acter sa démission par suite de son échec depuis pas moins de quarante deux mois - il a failli parce qu'il a été partial et partisan. Il appartiendra alors au Conseil de sécurité d'appréhender cette situation en faisant montre sans doute de davantage de volonté décisionnaire...