Le serment blessé ou l’éthique de la parole donnée profanée

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Si l’identité africaine doit renaître, cela passera par des institutions honnêtes qui tiennent leur rôle et par des valeurs humaines, plaide Amadou Elimane Kane

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Amadou Elimane Kane, poète écrivain, éditeur, enseignant et chercheur dans le domaine des sciences cognitives. Né à Dagana, sur les rives du fleuve Sénégal. Il est le fondateur de l'Institut Culturel Panafricain et de Recherche de Yene-Todd au Sénégal. Auteur d’une riche bibliographie, il vient de publier Le Serment blessé aux éditions Lettres de Renaissances, que Michèle Sellier, directrice littéraire, l’a lu.

Avec ce nouveau roman, Amadou Elimane Kane revient sur les terres africaines pour un récit plus intime mais qui sait se saisir des défis contemporains. Le temps a passé et nous sommes à un moment crucial de l’existence de Boubacar, personnage phare de son œuvre romanesque. Boubacar est en proie à une douleur profonde face à une trahison amoureuse qui le dépouille de tous ses biens, de tout son être et de toutes les valeurs qu’il porte. Au cœur de cette catastrophe humaine, sa seule alliée est la voix de l’équilibre, incarnée par Fatimata, représentante de la Maât égyptienne.

Seune Gnedia, celle par qui la tragédie arrive, semble être une victime de la société sénégalaise qui place la réussite sociale dans les labyrinthes d’une destruction psychique sans retour. Emprisonnée par son histoire familiale, ses mensonges, ses désillusions, ses propres trahisons, elle n’a pour seul recours que celui de tromper l’autre. Cette fabrication devient une armure et une arme pour réussir à sauver l’ampleur du désastre. Le duo que forme le couple est bâti sur une illusion que seule la justice antique saura réparer.

La question de l’intégrité morale semble être au cœur des enjeux de la société sénégalaise, nous dit l’auteur. L’argent facile, les apparences, les faux-semblants, l’imitation, la corruption sont les caractéristiques flagrantes de l’aliénation mentale. La question de l’éthique bafouée semble gangréner toutes les relations où le serment n’est plus tenu. Car la justice n’est pas seulement l’affaire du tribunal, elle s’incarne à travers non seulement la conjugalité mais également à la lumière des mythes et des symboles. Et si l’identité africaine doit renaître, cela passera par des institutions honnêtes qui tiennent leur rôle et par des valeurs humaines qui s'appuient sur l’engagement mental et sur le miroir du patrimoine mémoriel. Ce récit s’appuie sur des faits réels même s’ils sont travestis pour les besoins romanesques.

*Le serment blessé, Amadou Elimane Kane, roman, éditions Lettres de Renaissances, Paris, juin 2023, 15€

 

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