Accueil des dirigeants du G7 a Borgo Ignazia (Italie), vue par The Guardian

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Le Première ministre italienne n’a fait aucun effort pour dissimuler l’aversion que lui inspire le président français Emmanuel Macron

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Traduit par Mohamed Chraibi

Les dirigeants du monde, l’air tourmenté, ont été, l’un après l’autre, accueillis par leur hôte la présidente du conseil italien. Fourbus, brisés, à leur sortie de champs de bataille électoraux, c'était un défilé de morts-vivants.  Chacun a eu droit à une poignée de main réconfortante et une photo avec Melloni.

Ces hommes d'État avaient le regard de gens qui savaient que c'était leur dernier sommet, et qui, s'ils avaient pu, auraient sauté la session d'ouverture sur l'Afrique et l’Emigration et se seraient plutôt dirigés directement vers la clinique de bien-être et s’y seraient enfermés.

Pour arriver à Melloni, ils devaient défiler, à intervalles d'environ trois minutes sous un « Arc de la défaite" et l’un des premiers à le faire fut Charles Michel, le président sortant du Conseil européen qui aurait comploté pour bloquer la présidente de la commission, Ursula von der Leyen, vers un deuxième mandat. Après une rapide poignée de main, Michel fut envoyé par Melloni signer une déclaration inutile, une sorte de livre de visiteurs du G7. Il avait l'air aussi enthousiaste qu'un homme qui signait son propre arrêt de mort.

Le second fut Rishi Sunak, à 21 jours de ce qui pourrait être la plus grande déroute du parti conservateur de l'histoire. Lors du dernier sommet du G7, au Japon, Sunak portait les chaussettes rouges de l'équipe de baseball d'Hiroshima, Toyo Carp. Cette année, les chaussettes étaient noires funèbre et après son départ précoce, désormais notoire, des commémorations du jour J en Normandie, la seule instruction de son chaperon était, visiblement, de rester jusqu'à ce que le dernier verre fût lavé et rangé. Melloni, la rebelle de circonstance et Sunak, le titulaire, sont peut-être des compagnons en euro-scepticisme, mais planant dans des directions opposées.

Ensuite, à travers l'Arc est venu ce grand ciseleur de mots, Olaf Scholz, le chancelier allemand, qui rumine toujours son score de 13,9 %, un niveau record pour le parlement européen, pire que le parti d’extrême droite, « Alternative für Deutschland », marqué du sceau de l’infamie.
À peine Melloni a-t-elle fait signe à Scholz que le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, s'est montré, encore sonné depuis qu’il a découvert, deux jours auparavant, que sa popularité était tombée à 21 %, un autre record le mettant en danger d'être expulsé de son propre parti en septembre prochain. Et le voyant se diriger pour signer la déclaration de mort du G7, Melloni avait le pressentiment qu’elle ne le reverrait pas l’an prochain au Canada.

Le suivant à franchir « l'Arc de la défaite », est un autre canard boiteux, bien que bien portant beau (costume bleu, chaussures marrons, grand sourire et une côte de popularité record pour son parti). J’ai nommé Justin Trudeau, Premier ministre du Canada où la traditionnelle détestation des politiques le promet à une défaite certaine l'an prochain.
Le suivant n’est autre qu’Emmanuel Macron, encore dans sa tenue de pompier pyromane qui a fait exploser la politique française, et peut-être, détruit son propre parti. Dans leur bref échange, Melloni chercha vainement à déceler chez cet homme, intellectuellement affecté par sa lutte désespérée contre les populismes, un résidu de bonne santé mentale. Melloni, avec les racines fascistes de son parti, incarnant, ce qu’il essaie de démasquer et vaincre en France, l'échange entre les deux fut juste courtois.
Et comme il en manquait encore un à accueillir, on dut se résoudre à une pause, suivie d'une autre pause, et d'une autre. Melloni, pour faire bonne figure, adoptait une variété infinie de poses patientes dans l’attente du président des États-Unis. Entre temps, elle a inspecté une conduite d'eau, qui avait été mise là on ne sait pourquoi, a pris un selfie avec les photographes, a fait signe vers une chaise et a même jeté un coup d'œil méprisant sur les drapeaux en nylon qui gâchaient l'authenticité du décor de sa réception.
Melloni a, peut-être même, médité sur la nature éphémère du pouvoir, ou à la question de savoir si le chauffeur de Joe Biden s'était perdu dans le village médiéval. Heureusement, avec 21 minutes de retard, le président est arrivé, avec ses lunettes sombres et sa démarche-prudente sous  l'Arc et sur la scène, en humble  témoignage de sa mortalité.
Au regard de l'immensité de l'ordre du jour du sommet et du pouvoir collectif des économies du G7,  tout cela n’était pas tout à fait rassurant. Peut-être que la première session du sommet devrait porter sur les questions politiques.

Traduction-adaptation de « Melloni in the pink as she consoles procession of dead men walking Patrick Wintour 

Remarque personnelle: Poutine éjecté du G7 pour une durée indéterminée en 2014, devait savourer le spectacle du fond du Kremlin. De même que Yahia Sinwar, qualifié de « mort-vivant" par Netanyahu (Voir ma chronique dans Quid). Mais je doute qu'il ait accès à la télé du fond de son QG, des dizaines de mètres sous terre probablement.

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