Afrique du Sud : Lorsqu’une grève violente met à nu le manque de leadership

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La situation est vite devenue incontrôlable causant des morts, des destructions, des pillages et surtout beaucoup de détresse aux citoyens

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Par Hamid AQERROUT  (Bureau de la MAP à Johannesburg) 

Le Cap (Afrique du Sud - La violente grève des taxis en cours dans la ville sud-africaine du Cap (1470 km de Pretoria) a mis à nu le manque de leadership des responsables et révélé l’énorme fossé entre le gouvernement local et celui national sur la meilleure façon de gouverner les villes.

Le Cap, une ville portuaire qui borde l’océan Atlantique Sud, est en proie, depuis une semaine déjà, à l’anarchie et à la violence sur fond de grève observée par les chauffeurs de taxi pour protester contre l’adoption d’une réglementation plus stricte de la circulation.

La situation est devenue incontrôlable causant des morts, des destructions, des pillages et surtout beaucoup de détresse aux citoyens qui sont ainsi privés de moyens de transport et qui, de ce fait, se croient dans une scène de guerre. La saisie sans précédent d’au moins 6 000 taxis sous prétexte d’appliquer des règlements de circulation s’est avérée coûteuse pour une ville qui, pourtant, se targue d’être une attraction touristique de choix.

En réaction, le Conseil national des taxis en Afrique du Sud (Santaco) a décidé d’observer une grève ouverte pour protester contre l’adoption de cette nouvelle réglementation municipale de la circulation, jugée brutale par les professionnels du secteur.

Comme c’est le cas dans la majeure partie de l’Afrique du Sud, l’aménagement du territoire sous l’ère de l’apartheid a fait en sorte que les Noirs vivent dans les townships, à la périphérie des villes où ils travaillent, les taxis-minibus étant le mode de transport le plus utilisé.

Alors que la violence associée à la grève doit être condamnée, l’impact causé par la saisie des taxis sur les plus pauvres du Cap devrait également être un sujet de préoccupation pour tous.

Plusieurs voix se sont alors élevées pour condamner les violences et les destructions en cours dans la ville, lesquelles renseignent sur un mauvais leadership. Pour de nombreux observateurs, la surcharge, l’excès de vitesse, la conduite d’un véhicule avec un disque périmé ou en mauvais état devraient justifier une amende de circulation et non la saisie trop zélée dont les chauffeurs de taxis ont été témoins.

Tout en condamnant la violence, les pertes en vies humaines et la destruction de biens qui ont été associées à la grève, la ministre des Transports, Sindisiwe Chikunga, a accusé la Mairie du Cap de cibler les chauffeurs de taxi avec des règlements allant au-delà de ce qui est autorisé par la loi nationale sur les transports.

Une ville ne pourrait pas «se définir en dehors des paramètres des lois nationales et mettre en œuvre des sanctions qui seraient en décalage avec ces lois», dit-elle.

Alors que la grève des taxis-minibus a fait des ravages, offrant un paysage apocalyptique avec des bus et des véhicules brulés, des routes barricadées et des pneus enflammés, le Premier ministre du Cap-Occidental, Alan Winde, a déclaré que la sécurité des résidents et des usagers de la route est d’une importance capitale.

«Je suis en colère qu’à la suite de la grève, les résidents n’aient pas pu rentrer chez eux ou retrouver leurs familles, leurs écoles, leurs magasins et d’autres lieux», a-t-il déploré.

Le Président sud-africain, Cyril Ramaphosa, quant à lui, s’est dit "troublé" et «consterné» par les violences qui se déroulent dans Le Cap. "Nous ne pouvons pas tolérer ce qui se passe dans cette ville", a-t-il déploré.

Cette grève paralysante, qui se poursuit toujours, représente un sérieux test pour le Maire du Cap, Geordin Hill-Lewis. Il doit résister à vouloir "gagner" ce bras de fer contre le Conseil national des taxis sud-africain en faveur d’un résultat négocié qui rétablit la paix et l’activité économique dans la ville qu’il dirige.

Certes, les victoires judiciaires sont importantes et le caractère sacré de l’État de droit est essentiel, mais Lewis sait que la Haute Cour du Cap occidental ne peut pas résoudre cette impasse.

Il devra simplement trouver un moyen de permettre à Santaco et à ses membres de continuer à transporter des milliers de travailleurs capétoniens vers et depuis leur domicile. Le Maire doit aussi s’élever au-dessus de la politique mesquine du Congrès National Africain (ANC au pouvoir) et être un leader pour tous les habitants du Cap, y compris les milliers d’habitants dont les moyens de subsistance dépendent d’un système de transport public fonctionnel.

Il va sans dire que les images affreuses d’une ville du Cap en flammes et ravagée par la violence ont fait beaucoup de tort à l’industrie du tourisme. Le moment appelle donc au dialogue, au pragmatisme, à l’arrêt immédiat de la grève et à la fin des violences.