Liban : Origines et espoirs - Par Samir Belahsen

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Un homme regarde les destructions sur le site d'une frappe aérienne israélienne sur le quartier de Ruwais dans la banlieue sud de Beyrouth, le 1er octobre 2024. (Photo par AFP)

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“ L'espoir, une des rares choses que l'on entretienne à peu de frais - souvent même pour rien.”

Pierre Daninos / La première planète à droite...

“L'espoir est une mémoire qui désire.”

Honoré de Balzac

Dans ses œuvres, Amin Maalouf aborde avec sérénité, lucidité et audace les thèmes de l'identité et des conflits culturels. 

Il aborde les complexités de l'identité, souvent marquées par la dualité entre l'Orient et l'Occident, et les conflits qui en découlent . Il prône la tolérance et le dialogue interculturel, mettant en avant des récits de coexistence pacifique entre différentes communautés religieuses 

Ses personnages sont parfois des nomades, reflétant des parcours d'exil et de quête d'identité, symbolisant les migrations libanaises et leurs impacts.

Maalouf intègre des éléments historiques pour illustrer les luttes et les espoirs de ses ancêtres, reliant le passé au présent. 

Ces thèmes résonnent avec la situation actuelle du Liban.

Dans « Les identités meurtrières » il mettait en lumière les dangers du nationalisme religieux, un problème déjà exacerbé aujourd'hui et qui reviendra à l’ordre du jour dès la fin de la guerre. Si fin de guerre il y a…

Dans son dernier roman, «  Sur l'île d'Antioche », il explore une dystopie où la communication est rompue, symbolisant l'isolement et la désillusion face à un monde en crise.

Dans Le naufrage des civilisations, au ton désenchanté, il explique comment la guerre de 1967 a renforcé le conflit israélo-arabe, solidifiant les positions des deux parties et compliquant les perspectives de paix. Il y reproche à Israël de ne pas avoir saisi sa victoire pour apaiser sa société et travailler à la coexistence régionale, regrattant que c’est plutôt son arrogance et ses appétits qui se sont épaissis. 

Maalouf exprimait un pessimisme bien compris face à l'avenir du Liban. Le pays est devenu un contre-modèle de coexistence identitaire en raison de la violence sectaire et du nationalisme religieux et sectaire.

L’agression en cours de l’entité Sioniste, appuyée comme on devait s’y attendre par l’occident hypocrite, on est amené à partager ce pessimisme. Avec un monde arabe qui regarde ailleurs, on ne peut qu’imaginer l’ampleur de la tragédie Libanaise…

Si Amin Maalouf a bien identifié les dangers des divisions sectaires au Liban, soulignant que celles-ci alimentent la violence et compromettent la coexistence pacifique, il n'a pas suffisamment anticipé l'impact des agressions de l’entité sioniste sur la dynamique libanaise. 

Origines : l’histoire

Il était une fois deux frères, Gebrayel et Botros, nés dans ce Liban de la fin du XIXe siècle encore partie intégrante de l'Empire ottoman. 

Gebrayel rêve de conquérir le monde et quitte l'Orient natal pour faire souche à Cuba. 

Le second, Botros, homme de pensée et de livres, reste au pays. 

Ainsi commence la saga des Maalouf, sédentaires ou nomades, emportés par l'histoire dans une diaspora familiale, et que relient, du Brésil à l'Australie et des Etats-Unis à la France, le bruissement d'un nom et la conscience d'une origine commune. 

C'est à sa famille / tribu, dont il reconstitue l'histoire avec la rigueur d'un archiviste et l'empathie d'un romancier amoureux, que l'auteur rend un magnifique hommage d'amour et de fidélité. 

En retraçant l'histoire des Maalouf, Amin Maalouf évoque les migrations, les luttes identitaires et les tensions communautaires qui ont marqué leur existence. Maalouf souligne comment ces expériences personnelles reflètent les défis contemporains du Liban, notamment la fragmentation sociale et les conflits sectaires. En mettant en lumière ces récits, il invite à une réflexion sur l'identité collective et l'importance de la mémoire dans un pays en quête de réconciliation et d'unité.

Divisions et fragilités

La situation actuelle au Liban est, certainement complexe et multifactorielle. 

Peut-on dire que l'ouverture du Liban sur le monde et sa nature démocratique ont contribué à sa fragilité ?

Le Liban était connu pour sa diversité religieuse et culturelle. Cette ouverture a fait du pays un carrefour culturel et économique incontournable dans la région. Cette diversité a parfois conduit à des tensions intercommunautaires, exacerbées par des influences extérieures et des intérêts géopolitiques. Il fut un temps où plusieurs régimes arabes avaient des organisations politiques libanaises à leurs soldes.
Le système politique libanais repose sur un équilibre délicat entre différentes communautés religieuses, ce qui peut mener à une gouvernance complexe et à une instabilité politique. Les pactes de partage du pouvoir (comme celui de Taef en cours), conçus pour assurer une représentation équitable, ont souvent entravé une prise de décision efficace et fini par accentuer les divisions.

En plus, le Liban fait face à des défis économiques importants, notamment la dette publique élevée, la faiblesse des infrastructure et crise économique sévère . La corruption endémique et une mauvaise gestion des ressources publiques sont loin d’être maitrisées à cause de la faiblesse de l’État.

Ainsi, le Liban est devenu vulnérable aux pressions régionales et internationales en raison de sa position géographique et de sa structure politique sectaire.

Espoirs

Quels seraient le sources d'espoir, même fragiles, qui pourraient contribuer à un avenir meilleur pour le Liban ?

Le Liban possède des ressources naturelles, notamment des réserves de gaz offshore, qui, si elles sont gérées correctement, pourraient contribuer à la relance économique et à la création d'emplois.

Le Liban est aussi un pays avec un patrimoine culturel et historique riche qui continue d'attirer des touristes.

La population libanaise, en particulier les jeunes, aussi bien au Liban qu’au sein de la diaspora, montre un engagement croissant envers la justice sociale et les réformes. 

L’engagement de la diaspora à travers des investissements, des initiatives humanitaires et des projets de développement devrait aider à stabiliser et à développer le pays.

Les Botros et les Gebrayel d’aujourd’hui devraient être unis pour la renaissance du Liban.
Que cette jeunesse innove et s'adapte malgré la crise, c’est un fait mais c’est insuffisant, il est temps qu’elle investisse le champ politique…

Encore faut-il que la géopolitique les laisse faire…

“L’espoir fait vivre.”

Casablanca le 1 octobre 2024