Une gifle pour l’Iran, la claque (1) pour Israël et après ? 

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Des manifestants brandissent des drapeaux et un dessin de missile lors d'un rassemblement à Téhéran le 2 octobre 2024, un jour après que l'Iran a tiré une salve de missiles sur Israël. (Photo par ATTA KENARE / AFP)

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Après les explosions de bipeurs et de walkie-talkies, qui ont tué ou blessé des milliers de membres du Hezbollah et les assassinats de plusieurs hauts responsables du parti, dont son secrétaire général Hassan Nasrallah, les gens sonnés, comme au lendemain du 7 octobre 2023, se sont demandé qu’elle serait la suite et même s’il y en aurait une. Après tout, l’Iran n’avait alors toujours pas, deux mois plus tard, riposté à l’assassinat à Téhéran de Hanieh, chef du bureau politique du Hamas. Il y en a qui veulent croire que l’Iran, traumatisé, humilié et vaincu n’a d’autre choix que la soumission aux USA. Circulez, il n’y a plus rien à voir, sinon que les pays arabes de la région (l’ Arabie et le Liban en tête)   vont consacrer la victoire israélienne par la normalisation de leurs relations avec Israël qui annexera la Cisjordanie et Gaza. 

Plus de Palestine. Bon débarras. 

Le Moyen Orient avec ses pétrodollars et la technologie israélienne connaîtra le développement sans précédent auquel il était prédestiné. Il rejoindra alors la coalition économique conduite par les États-Unis pour faire pièce à la Chine qui menace son leadership mondial (2).

C'est plus compliqué, bien sûr. La riposte a bien eu lieu. A en juger par les résultats de celle-ci (quelques blessés légers et un seul mort…palestinien), c'est à se demander si la riposte iranienne du 30 septembre, n’est pas une réédition de celle du 13 Avril à propos de laquelle j'avais écrit, à la suite de CNN :  « l’attaque Iranienne planifiée pour un minimum de dégâts et un maximum de spectacle  » (3). Avec des aéronefs en nombre inférieur et une durée de l’opération encore plus courte, la riposte ne visait apparemment pas la « destruction d'Israël ». Et, les mêmes défenseurs (USA, G.B., France, Jordanie et des pays arabes non spécifiés – honte ou peur de s'assumer ?)  ont aidé à l'interception de la plupart des engins assaillants.  

Israël crie victoire mais menace de riposter à la riposte et l'Iran menace de riposter à la riposte de la riposte. Puisant dans la richesse de la rhétorique journalistique, c'est l'escalade pour les uns ou la descente aux enfers pour d'autres. Les deux trajets, bien que de sens opposés, mèneraient-ils vers l'abîme de la guerre régionale totale, annoncée depuis le début de l’invasion de Gaza en octobre dernier ? 

Mon propos ici n’est pas de tenter de répondre à cette question mais de faire un rapide tour d’horizon de la scène moyen orientale à la lumière de ces événements spectaculaires et d'en livrer ma lecture.

J’essaierai, pour commencer, d’imaginer les taches urgentes que doit accomplir l'Iran en vue de la possible conflagration que certains voient se profiler à l'horizon et dont mon souhait est de voir ce pays émerger en vainqueur. Je ne m'enhardirai pas jusqu’à parler des mesures de protection des sites nucléaires iraniens, enjeu principal de la possible confrontation (plus que les guerres de Gaza et du Liban) dont je n'ai pas la moindre idée. Et je m'en tiendrai à des considérations « apparentes ». 

Voilà ce que cela donne. L’Iran devrait s'attacher à :   a/ Reconstituer le commandement décimé du Hezbollah en faisant « assurer l’intérim » des responsables libanais tués et incapacités par des cadres expérimentés recrutés au Liban, en Syrie, en Iraq, en Iran et ailleurs. b/Nettoyer ses rangs et ceux du Hezbollah des taupes dont les derniers événements on clairement révélé la profondeur de la pénétration des dispositifs de sécurité de l'Iran et du Hezbollah. c/ Rattraper son retard technologique en cyberdéfense et cyber attaque. Il est sidérant, en effet, de constater que le Hezbollah, conseillé par des experts en cyber sécurité iraniens, a été incapable de sécuriser une télé-réunion, obligeant Nasrallah à s'y rendre en personne à un moment où Israël éliminait, les unes après les autres, les cibles figurant dans sa « Target Bank » méthodiquement constituée sur de nombreuses années. Nasrallah y figurait depuis 18 ans selon Haaretz généralement bien informé. 

Pendant ce temps, Israël continuera son pilonnage du Liban pour repousser le Hezbollah aussi loin au nord que possible et détruire ses capacités militaires, en préparation de son invasion terrestre, tout en gardant un œil sur Gaza. 

La pression sur le Hamas baissera, lui permettant de reconstituer ses forces (mises a mal par près d'un an de guerre asymétrique totale, face à la première armée de la région appuyée par la première puissance mondiale, mais non vaincu). Il poursuivra sa guérilla pour empêcher le re-colonisation de la bande de Gaza. 

Et Sinwar (dont plus personne ne parle) ? Tout contact entre lui et les dirigeants du Hamas à Doha et les négociateurs Qataris et Égyptiens a été coupé depuis des semaines, donnant à penser qu’il a été tué. Mais les analyses d’ADN sur des cadavres enlevés de force, par Israël, dans les hôpitaux de Gaza où son corps aurait pu se trouver (Haaretz) n’ont rien donné. Sinwar serait bien vivant mais intraçable. 

Une explication possible de la mise en stand by de la guerre à Gaza (pas plus que quelques dizaines de morts par jour pour tromper l’ennui des soldats de Tsahal comme aux stands de tir de nos fêtes foraines rurales) et de l’attaque du Liban pourrait être comprise comme suit:  Ce qui pouvait être présentée comme « victoire totale » à Gaza ( la dépouille de Sinwar), devient  irréalisable avec l’impossibilité de localiser ce dernier. Israël trouve alors un substitut à la « victoire totale » en annonçant que le but de la guerre est de permettre aux 70 000 déplacés des habitants du nord d’Israël (à la portée des tirs du Hezbollah) de rentrer chez eux. Mais, malgré les moyens colossaux et inédits qu'il y a mis, il n’y parviendra pas plus qu'il n'y a réussi en Juillet-Aout 2006.  Cette diversion lui fait gagner du temps en attendant l’arrivée du messie Trump qui ne fera pas mieux pour lui que Biden, du simple fait que ce dernier aura déjà  atteint les limites du possible.

Dans cette vision des choses, Nasrallah apparaît comme un substitut à l’introuvable Sinwar. Une victime collatérale : Selon Haaretz, le Mossad aurait présenté, il y a quelques mois, à Netanyahu un plan pour l'éliminer que le P.M. israélien aurait rejeté (ce qui expliquerait l’imprudence de Nasrallah en se rendant à la réunion fatale dont Israël aurait été informé peu auparavant). Sinwar, plus sur ses gardes, aurait choisi la clandestinité totale (je n’abandonne pas l’idée qu’il aurait quitté Gaza exprimée dans d'autres chroniques, au contraire !) (4)

Bref, Israël marque des points, donne l’illusion d’avoir rétabli son image de puissance invincible (à entendre les applaudissements qui éclatent partout en Israël, en Occident et même, plus discrètement, dans certains pays arabes) mais ne se rapproche pas de la victoire.

  • Applaudissement, en général à la fin d'un spectacle médiocre, par des spectateurs stipendiés.
  • Aaron Friedberg, professeur de politique et d’affaires internationales à l’université de Princeton, dans son livre « Stopper le prochain choc chinois : une stratégie collective pour contrer le mercantilisme de Pékin ».
  • Que s'est il passé dans le ciel d’Israël dans la nuit du  13 avril ? Quid.ma du 16/4/24
  • ChatGpt, Yahia Sinwar et moi. Quid.ma  1 & 16/9/24