Communiqué contre Chabat et silence de Benkirane : le périmètre des prérogatives en question

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Le chef de gouvernement désigné est resté aphone devant de telles accusations qui ont servi sa campagne électorale. On aurait pu attendre de lui, en tant que premier responsable du gouvernement sortant, une réaction en lieu et place de celle de l’Intérieur pour défendre, sauvegarder et immuniser la pratique démocratique

C’est en début de soirée de ce vendredi 10 février que le communiqué du ministère de l’intérieur tombe. Il n’est pas loin de 19 heures lorsque la presse reçoit un texte d’une page où le ministère de l’intérieur dit tout le mal qu’il pense des accusations portant sur les menaces pesant sur l’intégrité physique de Hamid Chabat  mises en ligne -avant d’être supprimées- sur le site officiel de l’Istiqlal.  

Le communiqué est cinglant et le ministère aux destinées duquel préside le tandem Hassad-Cherki Drais demande au ministre de la justice d’ouvrir une enquête "pour faire éclater la vérité et poursuivre le ou les individus qui sont derrière ces accusations" mettant en cause des parties voulant "attenter à l'intégrité physique" du secrétaire général du plus vieux parti marocain.

Dans cet article mis en ligne pendant quelques heures seulement durant la journée de jeudi 9 février avant de passer à la trappe, il est question d'État profond et de mainmise sur le jeu politique –un lexique qui a fondé le précédent mandat du gouvernement Benkirane et sorte de synonymes élaborés des crocodiles et autres 3afarites. Le plus grave est à venir, quelques lignes plus loin lorsqu’il est question des menaces sur la vie de l’istiqlalien Hamid Chabat. Les morts de Oued Cherrat sont convoqués laissant entendre que l’uspfpéiste Ahmed Zaidi et le pjdiste Abdallah Baha ne seraient pas décédés de mort accidentelle. La thèse de l’assassinat politique est réhabilitée par le site de l’Istiqlal. En son temps, l’armée digitale du PJD avait fait sienne une telle thèse concernant l’ancien bras droit de Benkirane percuté par un train. Le chef de gouvernement, lui-même, a évoqué en meeting et à mots couverts l’étrange mort de son compagnon de route avant de classer définitivement le sujet.

Une question fondamentale se pose aujourd’hui. Pour quelle raison le ministère de l’intérieur répond-il aux accusations proférées par le site officiel du parti fondé par Allal Al Fassi ? Pourquoi l’intérieur se sent-il visé par l’expression « Etat profond » ? Est-ce à ce département de saisir par écrit le ministre de la justice pour lui demander d’ouvrir une enquête sur les menaces qui pèseraient sur le député de Fès devenu (ir)responsable politique ? Autant de questions qui se posent et donnent à réfléchir sur la réaction du tac au tac du ministère de l’intérieur. Dans toutes les démocraties du monde, le ministère de l’intérieur est un acteur parmi d’autres du jeu politique. Chez nous, les locataires de ce département sont justement apolitiques et n’appartiennent à aucune chapelle politique au nom d’une neutralité, du reste tout à fait subjective. Dès lors, on peut se demander si l’intérieur est dans son rôle quand il s’interroge dans son communiqué “sur les desseins de ce comportement surtout que chaque fois que ce responsable partisan se trouve dans une situation politique délicate ne servant pas ses intérêts, se met à lancer des accusations à tout-va et de façon non responsable au lieu de traiter les problématiques posées avec sagesse et selon les exigences d’une pratique démocratique noble”.

Le chef de gouvernement désigné est resté aphone devant de telles accusations qui ont servi sa campagne électorale. On aurait pu attendre de lui, en tant que premier responsable du gouvernement sortant, une réaction en lieu et place de celle de l’Intérieur pour défendre, sauvegarder et immuniser la pratique démocratique. Le silence d’Abdelilah Benkirane, celui-là même qui a déclaré à Hamid Chabat et à l’Istiqlal, un surprenant et indéfectible attachement, interroge. Un homme d’Etat n’a-t-il pas le devoir de s’élever contre ce que l’intérieur décrit comme “l’invention de faits, la mise en scène de calomnies et la propagation d’allégations erronées, dictées par des calculs politiciens opaques, pour adresser des accusations non fondées sans pour autant fournir les preuves” ?

Cette affaire montre combien le périmètre des prérogatives des uns et des autres reste encore à définir. Pour ce faire, le chef de gouvernement se doit de se débarrasser de toutes ses ambiguïtés et l’intérieur de sa tentation de ne pas être un ministère comme tous les autres.

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