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Libye : L'accord de Skhirat, référentiel de base indépassable pour le règlement politique de la crise
L'accord de Skhirat, signé par les parties libyennes en 2015 au Maroc, demeure le référentiel de base pour tout règlement politique de la crise libyenne, notamment après l'échec des initiatives diplomatiques ultérieures à résoudre cette crise qui dure depuis des années. La majorité de ces initiatives manquent de crédibilité, affirme le directeur du Centre Marocain des Études Stratégiques, Mohamed Benhammou.
En dépit du temps écoulé et du contexte qui a changé, l'accord de Skhirat demeure une "base crédible et solide à tout nouvel accord politique", a assuré M. Benhammou dans un entretien accordé à la MAP. En voici les principaux extraits :
Cet accord politique a constitué une importante percée diplomatique ayant débouché sur un appel à la mise en place d'un ensemble d'institutions politiques qui ont été reconnues par la communauté internationale, en premier lieu le gouvernement d'Union nationale.
L'importance de l'accord de Skhirate réside dans le fait qu'il a été signé par les délégations représentant le Parlement de Tobrouk, les députés boycotteurs, les députés indépendants et les mairies de Tripoli et de Misrata, soit pratiquement toutes les factions libyennes, outre le représentant spécial des Nations Unies pour la Libye de l'époque, Martin Kobler
L'accord de Skhirat est venu apporter de nombreuses réponses aux diverses questions en suspens, en fournissant, à travers ses dispositions principales et annexes, un plan intégré de sortie du pays de la crise.
La situation en Libye a été marquée, depuis avril 2019, par le choix de l'option militaire par l'un des protagonistes, en l'occurrence la maréchal Khalifa Haftar, qui a bénéficié du soutien de parties étrangères, et tenté de s'emparer de Tripoli, bastion du gouvernement d'Union nationale.
Face à l'échec de trancher le conflit en sa faveur par des moyens militaires, le maréchal retraité a tenté de trouver une issue diplomatique qui puisse sauver ce qui reste du projet de ses alliés, mais aucune des initiatives lancées n'a reçu d'approbation internationale, ni d'ailleurs de la part des pays voisins et des pays influents.
Les conférences se suivent et se ressemblent
Les succès des forces du gouvernement d'Union nationale ont porté un "quasi-coup de grâce" aux ambitions de Haftar de remporter militairement le conflit en s'emparant de la capitale, poussant certains de ses soutiens à voir en lui "un pari perdant incapable de contrôler la situation en Libye".
La poursuite et l'exacerbation des interventions extérieures ont contribué à faire dévier la crise libyenne de la feuille de route tracée par l'Accord de Skhirate (Haftar ayant annoncé en décembre 2017 son retrait de cet accord et la fin de sa validité).
La France, de son coté, avait supervisé, en mai 2018, la Conférence du dialogue libyen couronnée par la Déclaration de Paris en mai 2018, dans laquelle les protagonistes s'étaient mis d'accord sur l'organisation, dans les proches délais, d'élections présidentielles et parlementaires.
Toutefois, ce plan a dû être reporté suite au refus, lors d'une réunion du Conseil de Sécurité de l'Onu, par les États-Unis, la Russie et d'autres puissances de ses modalités de mise en œuvre. Suite à cet échec de la Conférence de Paris, la ville italienne de Palerme avait à son tour, en novembre 2018, abrité une conférence sur la crise en Libye.
Cette conférence, qui s'est tenue en présence des parties concernées par la crise libyenne, de puissances régionales et internationales, ainsi que de pays voisins, a été marquée par le rejet d'une solution militaire dans le pays et l'approbation de l'accord politique libyen conclu (Accord de Skhirate), comme unique cadre applicable pour un processus durable vers la stabilisation de la Libye.
Face à l'échec des précédentes solutions et la poursuite du conflit, certaines puissances régionales ont tenu, le 19 janvier 2020, la Conférence de Berlin sur la Libye, avec la participation d'onze pays, et la mise à l'écart de pays du voisinage, avec à leur tête le Maroc, Cette réunion a conclu au rejet de la solution militaire, et promis de respecter l'embargo sur les armes imposé à la Libye en 2011 par les Nations-unies. Sans grand succès.
L'on peut ainsi affirmer que l'Accord de Skhirate représente le seul point de lumière dans le conflit libyen, car il est le seul accord à avoir élaboré une feuille de route claire qui permette de parvenir à une solution politique pacifique à la crise.
Le rôle du Maroc en Libye n'émane pas d'ambitions ou d'intérêts personnels, ou de calculs étriqués, mais il s'imbibe des relations historiques qui lient les deux pays. La clarté, depuis le départ, de la position marocaine des développements qu'a connu le dossier libyen, et qui n'a cessé d'inviter les protagonistes à une solution politique et à s'attacher à l'Accord de Skhirate comme référentiel incontournable pour toute solution politique est une constante qui ouvre des perspectives sérieuses aux bonnes volontés.
Le Maroc une position de neutralité féconde
Malgré la difficulté de soutenir telle ou telle partie dans un conflit armé, étant donné que cet appui requiert un financement et un armement, le Maroc a toujours traité le gouvernement d'union nationale en tant que représentant légitime du peuple libyen.
Le Maroc a adopté une position de neutralité qui appelle au dialogue entre les antagonistes, et traite le gouvernement d'union nationale conformément aux dispositions de l'accord de Skhirat en le considérant comme institution légitime, et non en tant que partie au conflit.
Si les différentes parties impliquées en Libye cherchent à protéger leurs intérêts par un soutien direct ou indirect à telle ou telle partie, le Maroc estime que la protection de ses intérêts en Libye passe inévitablement par l'aide aux Libyens à reconstruire l'Etat, sachant que tout partenariat ou coopération doit se faire avec des organes légitimes représentant le peuple libyen.
La Libye, en plus de son positionnement stratégique, est un des pays riches en ressources naturelles, ce qui le place au centre des ambitions des différentes puissances régionales et internationales qui ont cherché à intervenir pour assurer une implantation dans ce pays.
Les conflits d'intérêt flagrants entre les grandes puissances et les pays de la région font ressortir que certains pays voient en le dossier libyen une manne économique dont ils veulent leur part en contrats et les accords, d'autres le traite comme une question de sécurité nationale qui menace leur existence et leur sécurité.
Certains pays ne sont se sentent nullement concernés par la question libyenne, mais uniquement par le contrôle des frontières et l'endiguement des flux migratoires vers l'Europe, tandis que d'autres veulent s'assurer de la poursuite des exportations de pétrole.
La multiplication des interventions résulte en l'accroissement des divisions entre les parties libyennes, ce qui entrave les initiatives diplomatiques à travers le rejet des accords politiques et les tentatives de résoudre les problèmes militairement.