chroniques
8 MARS : LA LONGUE MARCHE DE LA PARITE
Le Roi Mohammed VI, dès le début de son règne, en 1999, avait inscrit cette problématique au rang des priorités. Il s'agit là de convictions chevillées au corps.
Evidemment, chacun va y aller de son couplet à l'occasion de la célébration de la Journée de la Femme, ce lundi 8 mars. Oui, sans doute. Et après ? Il faut être juste : de grandes avancées ont été enregistrées dans le domaine de la promotion féminine. Il vaut, ici, de les rappeler à grands traits.
Pour commencer, la Constitution de 2011 a consacré l'égalité - pas seulement politique - des droits de l'homme et de la femme mais également pour ce qui est des domaines civil, économique, social, culturel et environnemental (art.19). Il faut ajouter que dans le second alinéa de ces mêmes dispositions, il est précisé que "l'Etat œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes". Il est bien dit "œuvre", ce qui veut dire " travaille", agit au service d'une cause. Ce n'est pas normatif, sans indication ni imposition de règles applicables...
Bien avant cette loi suprême, SM le Roi, dès le début de son règne, en 1999, avait inscrit cette problématique au rang des priorités. Il s'agit là de convictions chevillées au corps. D'un projet de société. Et d'une vision. L’on a parlé à cet égard d'un "féminisme d'Etat" qu'il fallait instaurer, se déclinant autour de quatre axes : les droits économiques avec notamment la lutte contre la pauvreté et la marginalisation économique, les droits des femmes et la nécessité de leur protection, la question sociale (alphabétisation, éducation et formation), enfin la féminisation du champ religieux et politique. S'y ajoute encore l'insertion de la condition féminine dans la cellule familiale et plus largement dans la cohésion sociale,
L'institution d'un quota consensuel sur la base d'une liste nationale réservant 30 sièges aux femmes dans la Chambre des représentants en 2002 a été ainsi un premier pas. Pour le Souverain, l'aspiration est celle-ci : que la femme marocaine bénéficie d'un traitement plus juste et équitable dans tous les domaines de la vie nationale". Mais au-delà de cette discrimination positive, il appelle de ses vœux "un renouveau global par une transformation profonde des mentalités archaïques et de la conscience collective".
Le Code de la famille de 2004 a été un marqueur de la politique royale en faveur de la promotion des droits de la femme. Il instaure plusieurs changements : mariage et responsabilité des époux, capacité matrimoniale à 18 ans, accord de deux volontés requis contre le mariage forcé, suppression de la tutelle matrimoniale pour la femme majeure, durcissement de la polygamie, suppression de la répudiation, instauration du divorce judiciaire, ...
Dans le champ religieux, la réforme met en place un cadre d'intégration de la femme dans l'exercice de fonctions traditionnellement dévolues aux hommes (mourchidates, imams et conseils régionaux - 36 membres - et même le Conseil supérieur des Oulémas où l'on en compte 7, femmes adouls d'un total de 277 en juin 2020. Il faut aussi mentionner d'autres secteurs sociaux et économiques où des politiques d'amélioration ont été mises en œuvre (droits sociaux tels que le RAMED et l'éligibilité aux mêmes droits de la CNSS), sans oublier la loi relative à la lutte contre les violences. De même, les programmes d'alphabétisation, de scolarisation des filles dans le monde rural. Enfin, la mise en œuvre de l'égalité genre sur la voie de l'autonomisation des femmes en facilitant l'accès aux ressources économiques ; l'un des principes se fonde sur les objectifs du développement durable des Nations unies consacrant l'égalité entre les femmes et les hommes à l'horizon 2030.
Une tendance à la hausse
Où en est-on en 2021 ? En 2011, le taux de représentation féminine au Parlement a été de près de 17 %; en 2016, il a été amélioré avec 20,51 % Au plan communal, des changements sont intervenus dans ce même sens, Par suite de la réforme du code électoral de 2008, un quota de 12% a été réservé aux femmes lors du scrutin local de juin 2009. Il sera ensuite de 21,8 % en 2015.
Pour les deux décennies écoulées, la tendance générale traduit bien une hausse de la représentation féminine. Aux législatives, elle s'est située dans la fourchette 10,77 % / 10,46 % (2002 puis 2007) avant une progression de plus de cinq points en 2011 ( 16,96%) jusqu'à atteindre 20,51 en 2016. Aux élections communales, elle s'est également située à hauteur de 21,8% en 2015 après 12,61 % en 2009 ... et 0,54 % en 2003. La poussée féministe se retrouve surtout au niveau des candidatures avec 21 % dans les scrutins locaux et 38 % dans les régionaux. Aujourd'hui, pas moins de 6.673 femmes sont membres de conseils communaux et régionaux.
La délibération parlementaire actuelle sur les lois électorales apporte d'importantes modifications en la matière. La liste nationale des femmes de 60 sièges est remplacée par des circonscriptions électorales régionales. Ce qui a été retenu intéresse la réservation de deux sièges de chacune de ces listes à deux femmes. Cela assure au moins 90 sièges à la représentation féminine dans la nouvelle Chambre des représentants sans tenir compte d'autres dans des circonscriptions. Dans cette même ligne, il est prévu d'accentuer le processus de renforcement de la représentation féminine locale et ce sur la base d'un quota. Ainsi, le projet de loi organique accorde aux femmes un tiers des sièges dans chaque conseil préfectoral ou provincial. Un chiffre de 30 % est proposé, par ailleurs, pour les conseils communaux. Ce n'est pas la parité consacrée par la loi suprême, mais c'est une grande avancée, relevée d'ailleurs par les mouvements féministes et les ONG. La longue marche continue…