Ce que l’ISLAM ne voit pas de l’SLAM

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Le récit sur l’Islam livre des images fragmentées, ambivalentes, métaphoriques, symboliques.

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Pour paraphraser Pierre Legendre dans son petit opuscule consacré à ses conférences données au Japon en automne 2003, et publiées sous le titre de « Ce que l’occident ne voit pas de l’Occident », on prend conscience soudain combien l’Islam aussi ne voit pas, ou ne voit plus, ou ignore, beaucoup de choses sur lui-même. « Avoir une conception du monde c’est se former une image du monde et de soi-même, c’est savoir ce qu’est le monde, savoir ce que l’on est » écrivait Carl Gustav Jung, ce qui est le principe même du Récit fondant l’identité, la collectivité, la Cité, la vérité.

Chaque civilisation en élaborant son récit exprime l’image qu’elle se fait du monde, de soi, de l’autre. L’occident en élaborant son récit, nous raconte que l’Occident est le plus grand producteur de modernité grâce aux Lumières, à ses trois grandes révolutions politiques: l’anglaise, l’américaine, la française, ses trois Révolutions techniques et scientifiques: le chemin de fer, l’électricité, l’informatique-télécommunications…mais aussi grâce au fameux judéo-christianisme, à la métamorphose de la religion chrétienne devenu séculière, laïque, rationnelle, et aujourd’hui socle de l’industrialisme, de la techno science, et de ses grandes Institutions: l’Etat, l’Eglise, l’Entreprise etc…

Le récit sur l’Islam livre des images fragmentées, ambivalentes, métaphoriques, symboliques.

C’est un récit qui s’est construit durant la séquence qui s’est passée entre ce que les historiens appellent l’Antiquité tardive et l’ère médiévale. Une séquence de grands croisements, entre plusieurs traditions, greco-arabe, juive, chrétienne, entre plusieurs empires : l’empire byzantin, l’empire Sassanide, la civilisation Ethiopienne, le Yémen, l’Irak…

Il nous livre l’image d’une Arabie plongée dans l’obscurité et les ténèbres, où ne vivaient que quelques obscures tribus païennes, et idolâtres; ou l’image d’une Arabie qui ne connaissait pas le monothéisme alors même qu’il y était depuis des siècles…Il nous livre la fin des temps, l’apocalypse qui  habite la représentation du temps; il nous livre l’ inutilité de l’historicité… Ou encore l’image anthropomorphique du Dieu assis sur un trône, qui possède des mains, un visage, etc…Ou l’image d’un prophète sans visage « d’un homme sans ombre, un être déshumanisé, écarté de l’histoire et de la représentation…une abstraction si puissante qu’elle résiste à toute tentative de représentation »…Ou l’image du Calife sous une forme despotique ou divine…ou le kalam, l’orthodoxie, l’apologisme, le littéralisme comme la quintessence de la pensée islamique, ou enfin l’image d’un Coran incrée qui serait descendu du ciel. 

Et le même récit nous livre le contraire de la chose énoncée: soit l’image d’un Coran créé, c’est à dire d’un codex, un corpus de textes regroupés par des scribes, des « Secrétaires de la Révélation »; l’existence d’un esprit critique à l’intérieur même du domaine religieux bien avant même que l’Occident ne le découvre au 18ème  siècle; l’œuvre des falasifas, ces marginaux que l’ondésignait par Zindîq ( au pluriel Zanâdiqa), que les orthodoxies ont tenté de faire disparaître et dont le meilleur exemple reste l’Averroïsme, la pensée du grand Zindîq Ibn Rushd, l’homme qui va faire scandale en son temps, et 50 ans après sa mort, mais qui tient toujours son rang dans la hiérarchie des questions les plus contemporaines ( psychologie, intelligence collective, le corps et l’imagination, la Raison)… 

Bref, ceci pour dire que le Récit de l’Islam est resté médiéval dans sa forme, et pour devenir un récit de la modernité, il doit adopter une vision distanciée vis à vis de la foi, envisager l’introduction histoire, la philologie, la philosophie dans la religion, et faire preuve d’une plus grande faculté d’interprétation en donnant libre cours à l’imaginaire …Tous ces éléments faisant un peu partie de son ADN, le récit de l’Islam doit reprendre attache avec les penseurs libres de l’Islam classique.

Ce que l’ISLAM ne voit pas de l’SLAM

bouchra boulouiz

7 mai 2021

Pour paraphraser Pierre Legendre dans son petit opuscule consacré à ses conférences données au Japon en automne 2003 , et publiées sous le titre de « Ce que l’occident ne voit pas de l’Occident », on prend conscience soudain combien l’Islam aussi ne voit pas, ou ne voit plus, ou ignore, beaucoup de choses sur lui même. « Avoir une conception du monde c’est se former une image du monde et de soi-même, c’est savoir ce qu’est le monde, savoir ce que l’on est » écrivait Carl Gustav Jung, ce qui est le principe même du Récit fondant l’identité , la collectivité, la Cité, la vérité.

Chaque civilisation en élaborant son récit exprime l’image qu’elle se fait du monde, de soi, de l’autre . L’occident en élaborant son récit, nous raconte que l’Occident est le plus grand producteur de modernité grâce aux Lumières, à ses trois grandes révolutions politiques: l’anglaise, l’américaine, la française, ses trois Révolutions techniques et scientifiques:  le chemin de fer, l’électricité, l’informatique-télécommunications…mais aussi grâce au fameux judéo-christianisme, à la métamorphose de la religion chrétienne devenu séculière, laïque, rationnelle, et aujourd’hui socle de l’industrialisme, de la techno science, et de ses grandes Institutions: l’Etat, de l’Eglise, de l’Entreprise etc… 

Le récit sur l’Islam livre des images fragmentées, ambivalentes, métaphoriques, symboliques. 

C’est un récit qui s’est construit durant la séquence qui s’est passée entre ce que les historiens appellent l’Antiquité tardive et l’ère médiévale. Une séquence de grands croisements, entre plusieurs traditions, greco-arabe, juive, chrétienne, entre plusieurs empires: l’empire byzantin, l’empire Sassanide, la civilisation Ethiopienne, le Yemen, l’Irak…

Il nous livre l’image d’une Arabie plongée dans l’obscurité et les ténèbres, où ne vivaient que quelques obscures tribus paiennes, et idolâtres; ou l’image d’une Arabie qui ne connaissait pas le monothéisme alors même qu’il y était depuis des siècles…Il nous livre la fin des temps, l’apocalypse qui  habite la représentation du temps; il nous livre l’ inutilité de l’historicité…Ou encore l’image anthropomorphique du Dieu assis sur un trône, qui possède des mains, un visage, etc…Ou l’image d’un prophète sans visage « d’un homme sans ombre, un être déshumanisé, écarté de l’histoire et de la représentation…une abstraction si puissante qu’elle résiste à toute tentative de représentation »…Ou l’image du Calife sous une forme despotique ou divine…ou le kalam, l’orthodoxie, l’apologisme, le litéralisme comme la quintessence de la pensée islamique, ou enfin l’image d’un Coran incrée qui serait descendu du ciel .

Et le même récit nous livre le contraire de la chose énoncée: soit l’image d’un Coran créé, c’est à dire d’un codex, un corpus de textes regroupés par des scribes, des « des Secrétaires de la Révélation »; l’existence d’un esprit critique à l’intérieur même du domaine religieux bien avant même que l’Occident ne le découvre au 18 me siècle; l’oeuvre des falasifas, ces marginaux que l’ondésignait par Zindîq ( au pluriel Zanâdiqa), que les orthodoxies ont tenté de faire disparaître et dont le meilleur exemple reste l’Averroisme, la pensée du grand Zindîq Ibn Rushd, l’homme qui va faire scandale de son temps, et 50 ans après sa mort, mais qui tient toujours son rang dans la hiérarchie des questions les plus contemporaines ( psychologie, intelligence collective, le corps et l’imagination, la Raison)…

Bref, ceci pour dire que le Récit de l’Islam est resté médiéval dans sa forme, et pour devenir un récit de la modernité, il doit adopter une vision distanciée vis à vis de la foi, envisager l’introduction histoire, la philologie, la philosophie dans la religion, et faire preuve d’une plus grande grande faculté d’interprétation en donnant libre cours à l’imaginaire …Tous ces éléments faisant un peu partie de son ADN, le récit de l’Islam doit reprendre attache avec les penseurs libres de l’Islam classique. 

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