Le Ramadan entre prières surérogatoires et péché de bombance

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Les théologiens les mieux inspirés diront si le Ramadan tel que vécu a été détourné de ses objectifs spirituels et si l’affluence exceptionnelle que connaissent les prières surérogatoires (tarawih) rachètera le péché de gourmandise

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Par Abderrahmane SAJI (MAP avec Quid)

En théorie, le mois de Ramadan se présente comme l’opportunité de débarrasser le corps des toxines accumulées et de purifier l'âme des scories du bas monde. En pratique il est e mois qui connaît la pire propagation des modes de consommation excessive, trop salée et trop sucrée, qu’il en devient synonyme de le gaspillage et d’abus, qui non seulement éloignent de Dieu mais nuisent énormément à la santé mentale et physique des individus.

On laissera aux théologiens les mieux inspirés de nous dire si le Ramadan tel que nous le vivons a été détourné ou pas de ses objectifs spirituels en dépit de l’affluence exceptionnelle que connaissent les prières surérogatoires (tarawih)

Ce que l’on peut en revanche affirmer c’est que malgré la flambée des prix des denrées alimentaires sur les marchés et une inflation qui a atteint en février le taux inédit de plus de , %, la consommation atteint des records pendant le mois de Ramadan. Les conseils des médecins, les orientations des oulémas appelant les jeûneurs à la retenue et à la modération pour leur propre bien et pour permettre au rituel religieux d’atteindre la réconciliation du corps et de l'âme pour l'élévation de l'esprit, rien n’y fait.

Comment expliquer ce phénomène qui, chaque année fait son retour, bravant en toute bonne conscience les prescriptions aussi bien religieuses qu’hygiéniques ?  

Le Ramadan et l'exacerbation et la transformation des modes de consommation qu’il induit, aux yeux des sociologues, reviennent au fait qu’en plus d'être une obligation religieuse et un rappel intensément spirituel de Dieu, il a revêtu une dimension festive et sociale qui se caractérise par "l’économie du gaspillage"  aux antipodes de l’économie rationnelle basée sur le profit, la rentabilité et la recherche d'équilibre entre production et consommation.

D'un point de vue psychologique, Khalid Dahmani, psychologue, a considère, qu'une consommation excessive pendant le mois de Ramadan correspond à une forme de réaction du système de récompense ("reward system") dans le cerveau au manque résultant de la non-satisfaction pendant la journée des besoins physiologiques.

Après de longues heures d'abstinence, ce système s’active lors de la rupture du jeûne (Iftar), surtout après la consommation de sucres et de graisses. L'Iftar est ainsi, explique-t-il, un moment attendu par le jeûneur pour répondre à ses besoins physiologiques, d'une manière souvent abusive.

Les raisons de ces excès, M. Dahmani les attribue au cerveau du jeûneur qui se focalise sur les besoins physiologiques insatisfaits, notant que les campagnes publicitaires basées sur le neuromarketing (utilisation des neurosciences cognitives pour influencer les comportements des consommateurs) jouent sur cette corde en s'employant à stimuler le système de récompense chez le jeûneur. D'où, selon lui, la fièvre acheteuse constatée dans les marchés et la consommation excessive pendant le mois de Ramadan.

Quand on va au marché en ayant faim et soif, on achète autant avec les yeux qu’avec le ventre vide. Toutefois, le psychologue note que malgré ces facteurs, le jeûneur peut parfaitement contrôler sa consommation. Toute personne dispose d'un système d'autorégulation qui lui permet d'orienter ses comportements en général, et ses habitudes de consommation en particulier, vers la réalisation des objectifs physiques et psychologiques escomptés du jeûne. La plupart du temps, sauf si l’on est boulimique, les tables ramadanesques bien garnies le restent après la rupture du jeûne, le sucre dont on abuse dans les gâteries étant un rassasiant rapide.

L’écrivain et chercheur en études islamiques Mohammed Abdelwahab Rafiki rappelle ce que l’on apprend dès l’enfance à tout musulman : "le jeûne en Islam, comme c'est le cas dans toutes les religions, est un exercice spirituel qui vise la sublimation et l'élévation de l'âme en s'abstenant des plaisirs auxquels on s'adonne volontiers les autres jours de l'année".

Il serait donc plus naturel que la consommation et les dépenses d'une personne pendant le Ramadan soient bien inférieures à celles des autres mois, de sorte que les objectifs et les finalités pour lesquels le jeûne a été prescrit soient atteints. Ainsi on remplit correctement l'aspect spirituel du Ramadan

Ceux qui en se gavant de nourriture depuis la rupture du jeûne jusqu'à l'aube, croyant ainsi compenser les heures d'abstinence pendant la journée, ne comprennent pas le sens du jeûne et ne remplissent pas ses objectifs liés à la préservation de la santé mentale et physique, mais compromettent, au lieu de cela, leur santé, leur bien-être et leur équilibre alimentaire et font défaut à une exigence.

Rituel religieux important, le Ramadan est aussi une occasion motivante, compte tenu de sa dimension collective et fédératrice, pour adopter des règles alimentaires saines basées sur l'élimination, ou du moins, la réduction des aliments nuisibles afin de préserver le bien-être de l'âme et du corps. En théorie, en pratique la gloutonnerie que l’on peut appeler euphémiquement les plaisirs de la table l’emporte.

 

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