PRODUIRE DES ELITES : L'EXEMPLE CHINOIS (Par Mustapha SEHIMI)

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L'Université Tsinghua domine les 600 universités de la partie continentale de la Chine dans le Classement académique des universités du monde

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Comment ne pas s'inspirer de la Chine au moins pour ce qui est de la place accordée à l'économie du savoir et à un système éducatif axé sur 1a connaissance ? Les uns et les autres y font référence à l'occasion comme si c’était une figure de style imposée - sans plus… Il n’y a que Fathallah Oualalou qui s'est investi dans ce domaine avec des publications interpellatrices. Mais est-il entendu ? Pas vraiment...

Avec le classement Shanghai, institué depuis 2003, le monde de l'enseignement supérieur est mieux appréhendé. Une politique élitiste est ainsi élargie et activée suivant des modalités variables dans les pays. Elle est un stimulateur des politiques des universités. En Chine, elle est pratiquement au cœur du système depuis une bonne vingtaine d'années. Après les deux premières modernisations (agriculture et industrie), la troisième sera celle des sciences et des technologies avec la perspective d'un système s'apparentant à celui des meilleures universités mondiales, surtout les campus américains. Les talents et les compétences : voilà le mot d'ordre. C'est ce processus qui a fini par conduire au classement de Shanghai sur la base de plusieurs critères (nombre de prix Nobel et de médailles Fields des diplômés et des enseignants, nombre d’articles publiés dans les revues Nature et Science,..).

De ce point de vue, les progrès de la Chine sont remarquables. Voici dix ans, les universités de ce pays figuraient dans le top 500 ; aujourd'hui, elles sont plus de 50 ; plus encore, quatre d'entre elles se trouvent dans le top 100. Il est désormais admis, au-delà de ces seules indications chiffrées, que les scientifiques chinois sont au premier rang, notamment dans les domaines du spatial, de l'intelligence artificielle ou de la génétique. Un hymne national à la science ! Celle-ci c’est le "rêve chinois " auquel fait constamment référence le président Xi Jinping. Depuis huit ans, il avance à marche forcée pour faire de la Chine "un pays innovant" en 2020, puis "un des pays les plus innovants en 2030 " et enfin "la principale puissance innovante" à l'horizon 2049 -cent ans après la création de la Chine communiste…

L'Université chinoise intègre pleinement les exigences de la science et de la recherche qui sont objectives. Mais elle est également partie prenante dans un vaste projet collectif, à contenu politique et idéologique. Cela porte un nom : le "techno-nationalisme". Il se caractérise par une priorité avec la mobilisation de grands moyens financiers. Mais il se décline et se prolonge aussi à 1’international avec une massification accentuée des études de l'étranger. En 1998, 1es effectifs estudiantins atteignaient à peine 20.000 ; en 2019, ils sont de l'ordre de 680.000. Autre particularité : seuls 10% d'entre eux bénéficient de l'aide de l’Etat ; les 90% restant se financent eux-mêmes. Etudier surtout aux Etats-Unis : voilà 1e rêve de tout parent chinois - même le président Xi Jinping y a cédé en envoyant son pays chez 1’Oncle Sam… Le système éducatif chinois s’est ainsi engagé dans une «Longue Marche". Il s’adapte fortement en réformant le gaokao (baccalauréat) avec la prise en compte de la personnalité des étudiants pour mieux tenir compte des tests et des particularités des universités américaines. Avec plus de 390.000 d'entre eux aux Etats-Unis, il y a là une forte insertion dans la mondialisation universitaire et scientifique.

Enfin, un dernier trait n'est pas le moins significatif : tant s’en faut. Référence est faite au retour constantes des étudiants. Il n'y a pas, comme dans de nombreux pays du Sud surtout, de fuite des compétences. Il a été établi que sur les 3,2 millions d'étudiants qui ont achevé leur cursus à l'étranger, plus de 82% soit 2,6 millions d'entre eux sont revenus en Chine. Par choix personnel, pas par contrainte.

Une mobilité traduisant un phénomène intéressant une mondialisation en marche avec cependant une grande part de... relocalisation des élites. Des allers et des retours donc, devenus structurants dans le système universitaire. Un fait de capillarité qui se prolonge ailleurs : 60% des membres de l'Académie des sciences ont un diplôme occidental ; la production scientifique chinoise témoigne, elle aussi, de la place des chercheurs justifiant d’un cursus mixte en Chine et surtout aux Etats-Unis où ils se sont installés. Ce qui rappelle au passage ce hadith du Prophète Sidna Mohammed: "Cherchez le savoir même jusqu’en Chine"...