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UN LIVRE De ABDELMALEK ALAOUI : " LE TEMPS DU MAROC, 2020-2021" – Par Mustapha SEHIMI
La pandémie a imposé un "stress test" national. Une digue a été mise sur pied, elle a porté ses fruits ; mais elle a conduit aussi à réaliser un pont porteur d'ambition et d’avenir
Voici un livre qui vient à point nommé. Publié à la veille de la Fête du Trône, son auteur, Abdelmalek Alaoui a tenu à raconter au premier chef les 500 jours du Maroc confronté à la pandémie de la Covid 19. Un récit factuel, oui sans doute, mais plus encore : un morceau de ce que l'on pourrait appeler l'histoire immédiate. De multiples séquences, avec des allers-retours, mises en perspective autour de deux lignes de force qui les articulent : le Maroc tel qu'en lui-même et le Roi Mohammed VI.
Sur le Maroc, l'auteur a beaucoup à dire. Servi depuis l'enfance par un capital social particulier - il est le fils de Moulay Ahmed Alaoui - longtemps il a baigné dans un environnement en veille, attentif à la longue marche d'un royaume adossé à un Etat en édification mais qui prolongeait et confortait sous l'égide de la modernité le legs des siècles - un empire,une nation, une communauté plurielle mais rassemblée à chaque fois face aux vicissitudes de l'histoire. La crise sanitaire et ses pendants sociaux et économiques, a été une grande épreuve, ce n'est guère contestable. Elle a pu être surmontée pour deux raisons cumulatives d’ailleurs : "la maturité du peuple marocain " et la forte implication royale". Abdelmalek Alaoui souligne à cet égard l'esprit de responsabilité et de décision du Souverain qui dès le début "a pris la menace du virus très ausérieux".
Refonder le lien social
Dans un autre schéma, après tout n'était-ce pas l'affaire du gouvernement que cette gestion de la crise sanitaire ? Si tel avait été cas, à juste titre, il estime que "cela aurait été dramatique". D'où le ferme volontarisme royal. Avec un cap. Et le suivi sourcilleux des politiques publiques menées depuis dix huit mois. Mais il y a plus, référence étant faite à la sagacité de SM Mohammed VI de saisir l'opportunité de la situation pour accélérer la transformation plus précisément la voie des réformes. Loin de se borner à faire face, il est allé plus loin, convaincu qu'il fallait en même temps refonder le lien social, la communauté nationale mesurant que sa survie et même son destin étaient en cause. Au dehors, une même dynamique a marqué son empreinte. Il s'agit pour le Maroc de continuer et de persévérer à assumer sa différence. Les séquences en sont connues : la normalisation des relations diplomatiques avec Israël, la légalisation du cannabis à des fins industrielles et médicales, la coopération Sud-Sud, le redéploiement en Afrique, le rapprochement accentué avec les Etats-Unis ...
Au dedans, la crise sanitaire a été un révélateur des insuffisances d'un modèle de développement. Le Roi en a avait déjà fait le constat en octobre 2017 devant le Parlement. Il aura fallu plus de deux ans et demi pour que le rapport de la commission ad hoc mise sur pied en décembre 2019 remette son rapport. L'état des lieux est établi - il avait été dressé depuis des lustres. Ce qui était attendu c'était autre chose : une vision du Maroc à l'horizon 2035. Les inégalités sociales et territoriales se sont accusées ; les attentes et les aspirations sont plus pressantes et plus contraignantes. Le Roi n'ignore pas tout cela, toujours en veille, et servi au surplus par une intuition aigue. Par-delà les rapports des uns et des autres, il réussit toujours, à faire montre d'une capacité réactive et proactive.
Une perspective à long terme
Il a en charge un pays, un peuple, une nation et il lui fait insérer ses actes dans une perspective à long terme - le makhzen gouverne au-delà de l'agenda électoral. Ce qui préoccupe le Souverain c'est, au fond, depuis le début de son règne voici maintenant vingt deux ans, c'est l'instauration d'une plus grande solidarité sociale. Mais qui peut la porter sinon l'Etat ? L'Etat bousculé sur le quel pèsent tant de pesanteurs, de corporatismes et d’intérêts : voilà le challenge. Abdelmalek Alaoui décrit avec finesse un "système" ou "les Marocains et leur classe politique ont souvent préféré le confort d'un système implicite qui trouve ses racines dans des temps immémoriaux, mâtinés de tribalisme, d'alliances tactiques et d'ouvrage social complexe". Ce sera l'annonce d'une protection sociale de grande ampleur déclinée jusqu'en 2025. Le Roi n'a pas hésité ; il lui fallait, par suite de la crise sanitaire, enjamber cette situation et offrir une perspective. Le Maroc se distingue de nouveau avec la présentation de ce nouveau dispositif de protection sociale - il sera le premier en Afrique...
La pandémie a imposé un "stress test" national. Une digue a été mise sur pied, elle a porté ses fruits ; mais elle a conduit aussi à réaliser un pont porteur d'ambition et d’avenir : celui de la cohésion nationale renforcée et d'une assignation collective et mobilisatrice vers de nouveaux horizonsdeprogrès social et de développement. C'est ce que l'auteur résume ainsi : "Le temps du Maroc a sonné" - il fait face aux urgences et aux contraintes du moment en même temps qu'une anticipation des défis de demain. Ce même livre aurait-il été le même sans cette pandémie ? Pas vraiment. Abdelmalek a saisi cette conjoncture particulière pour nous livrer une maturation de ses réflexions et de ses interrogations déjà prégnantes dans ses travaux. Mais en l'espèce, il se "lâche"... Une contribution significatrice à l'appréhension d'un Maroc en marche. Un livre de référence.