chroniques
Pendant qu’on ne parle que du Covid 19, la terre continue de tourner
V. Poutine, D. Trump et X. Jinping : le monde sera-t-il "zéro polaire", un monde sans gendarmes, ou au contraire, assistera-t-on au retour de la géopolitique des blocs ?
On ne parle plus, depuis des mois et des mois que du Covid 19 et de temps à autre, de l’élection présidentielle américaine. Pendant ce temps, la Chine poursuit son chemin et consolide ses positions. La réélection possible de Donald Trump donne des sueurs froides aux partisans d’un monde rasséréné et plus sûr. Mais le trumpisme risque de perdurer et la marche vers le retour des blocs reprendre. La pandémie a mit au second plan ce nouvel ordre mondial qui se met en place, alors que l'Occident divisé, rêve de multilatéralisme.
On constate qu’aujourd’hui, le monde, discrètement se réorganise autour de deux blocs, le monde occidental (en partie) mené par les Etats Unis, et un bloc nouveau formé par la Chine, la Russie, l’Iran, et dans une certaine mesure une Turquie hésitante.
Comment, du rêve permis par la chute du mur de Berlin et l’implosion de l’URSS, est-on revenu à un monde bipolaire, s’accompagnant d’une guerre froide revenue. Est-ce là, le "nouvel ordre mondial" attendu ?
Contrairement à l'époque de la Guerre froide, le groupe contestant l’hégémonie américaine, ne le fait pas au nom d'une idéologie puissante, permettant de séduire des partisans à l'étranger. Défendre ses intérêts ne mobilise pas grand monde, hormis l’intéressé. Chacun des Etats appartenant à ce front contestataire de l'ordre américain, a son propre agenda, et sont plutôt des alliés objectifs qu'autre chose.
Les États soumis, appelés pompeusement les Alliés, avaient en réalité perdu leur autonomie et leur pouvoir. Avec le développement des moyens de communication, l’importance prise par la société civile, le niveau d’information et d’éducation des peuples, une telle hégémonie est devenue inacceptable. L’histoire nous apprend qu’un pouvoir hégémonique donne toujours naissance à des périodes de fronde. L’idéologie n’étant plus le ciment du bloc, c’est les intérêts maintenant qui guident le sursaut libérateur.
Aujourd’hui, dans l'esprit américain, spécifiquement depuis la victoire totale de 1991 sur le rival soviétique, tous les pays du monde sont des sujets des Etats-Unis. Ils sont soumis à la puissance du Dollar et à la justice américaine.
Mais les puissances montantes ou revenantes sont ouvertement allergiques à cette suprématie, dépassée à leurs yeux.
Le fait nouveau est l’attitude de l’Europe, qui, petit à petit, « timidement » prend ses distances avec Washington, à la satisfaction de son opinion nationale. Si Donald Trump venait à perdre sa réélection, il est possible que l’on revienne à la situation ante.
Donald Trump a l’air de dire que « la fête est finie » car l'économie américaine a recouvré ses forces et que, bientôt, l'armée américaine sera plus puissante que jamais. C’est ignorer le vrai état du monde et l’avance importante que la Fédération de Russie a pris dans l’armement nucléaire tactique. La multiplication des bases militaires à l’étranger, on parle de plus de huit cent, rend vulnérables les forces armées américaines, comme on a pu le constater en Irak. Avoir des unités implantées en terrain devenu hostile, n’est pas de tout repos. C’est ce que nous a enseigné la deuxième guerre mondiale. Le discours américain continu, pour l’heure, d’être fondamentalement unipolaire. Il représente en filigrane un mode de gouvernement mondial instable et dangereux.
Allons-nous donc vers un nouvel ordre mondial, pas vraiment. Une contestation temporaire, oui, et qui pourrait devenir bien plus violente qu'elle ne l'est actuellement, mais pas un nouvel ordre.
Comment l'Europe peut elle s'inscrire dans un éventuel nouvel ordre mondial ? Alors que la tradition gaullienne de la France a été de ne pas s'aligner, qu'en est-il aujourd'hui ? Où en est Emmanuel Macron dans sa volonté de retrouver une diplomatie mitterro-gaulienne ?
Les Etats européens ont constitué, à ce jour, le noyau primordial des vassaux de l'Amérique, le pilier de son pouvoir mondial – ce que disait feu Brzezinski, d'ailleurs.
L'Europe n'existe pas comme acteur géopolitique, pour plusieurs raisons. La première est l’absence dans l’Union de la Russie, la deuxième est que l’Union européenne ne parle pas d’une seule et même voix. L’’Union européenne pourrait devenir ce troisième bloc, garant de la Paix, si elle apportait une réponse à ces deux handicaps.
Le monde sera-t-il "zéro polaire" (pour reprendre la formule de Laurent Fabius), un monde sans gendarmes où les puissances se montreraient impuissantes à peser sur les conflits régionaux et à assurer un équilibre mondial ? Ou au contraire, assistera-t-on au retour de la géopolitique des blocs ?
Pour le moment on occupe les opinions publiques par des communiqués chiffrés, de l’avance ou le recul du virus, du nombre des contaminés et des morts. Pour l’avenir du monde, on verra plus tard. Mais le train continue sa marche et lorsque nos gouvernants reprendront le dossier, il sera vraisemblablement trop tard. Les jeux seront faits.