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10ème édition du tableau de bord stratégique de L’IRES : une bonne sécurité, mais moins de bonheur ! Par Abdeslam Seddiki
Au chapitre de l’évolution dite « inapproprié » ou défavorable, il est question, entre autres, de richesse globale par habitant, de souveraineté alimentaire, hydrique et énergétique, de gestion des ressources en eau, de la qualité du système éducatif, du modèle de financement de la santé…
L’IRES (Institut Royal des Etudes stratégiques) vient de publier la dixième édition du tableau de bord stratégique (octobre 2022). Il s’agit d’un document contenant une mine d’informations quantitatives et de connaissances utiles à la prise de décision portant sur plus de 200 indicateurs stratégiques, classés selon dix domaines de veille prospective (DVP).
On le devine, le travail déployé pour collecter l’information, la classer, l’analyser n’est pas un simple exercice. Il faut pour cela une « machine bien rodée » et une méthodologie bien élaborée. Les informations relatives aux différents indicateurs, quand elles ne sont pas produites par l’IRES, ont été recueillies à partir de sources variées, à savoir : les organismes nationaux tels que le Haut-Commissariat au Plan, les départements ministériels, l’Office des Changes... ou les institutions internationales telles que la Banque Mondiale, le FMI, l’OCDE, le PNUD, l’OMS, la FAO, le CEPII (Centre d’Etudes Prospectives et d’informations).
Le lecteur pressé aura à sa disposition, au début du rapport, un tableau récapitulatif précisant les domaines dans lesquels le Maroc avance, ceux dans lesquels il recule et enfin ceux où il stagne. De même, chaque DVP peut être lu indépendamment des autres en fonction de l’intérêt de tout un chacun.
L’analyse synthétique des résultats de cette dixième édition est présentée dans le rapport comme suit :
Une évolution favorable qui concerne des indicateurs relatifs à l’attachement aux constances de la Nation et aux valeurs identitaires, à la solidarité traditionnelle, à la transparence des politiques publiques, au système financier, à la gestion de la crise de la Covid-19, à la lutte contre les effets du changement climatique, à la réduction de l'empreinte écologique, à la gestion migratoire, à la connectivité aérienne et maritime, à l’Open data, à la contribution à la paix et à la sécurité internationales et à la lutte contre la cybercriminalité ;
Une évolution intermédiaire qui porte sur des indicateurs inhérents à l’Etat de droit, à la stabilité politique, à la gouvernance, à l'efficacité des institutions publiques, au développement humain et au bien-être social, aux libertés publiques, à la confiance institutionnelle, à la solidarité institutionnelle, à la lutte contre la corruption et l'opacité financière, à la compétitivité économique, à l’attractivité des investissements directs étrangers, à la transition énergétique, à l'attractivité du secteur touristique, au Soft Power, à la marque-pays, à l’inclusion numérique, à l’innovation, ainsi qu’à la paix intérieure, la sécurité/défense, la lutte contre le terrorisme et la sécurité sanitaire.
Enfin, une évolution dite « inapproprié » ou défavorable où il est question de richesse globale par habitant, de souveraineté alimentaire, hydrique et énergétique, de gestion des ressources en eau, de l’état de dégradation de la biodiversité, de bien-être de la mère, de la qualité du système éducatif, du modèle de financement de la santé, de l’encadrement médical, du développement de villes intelligentes, de préparation aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, du lien politique, des inégalités de genre, de la mobilité sociale et des perspectives d’avenir de la jeunesse.
Cette appréciation globale, largement partagée et qui demande à être affinée, traduit grosso modo la dynamique sociale et le développement contrasté du pays. On avance dans un domaine, on stagne ou on recule dans un autre. Le rapport a le mérite de nous indiquer là où les choses avancent et là où ça bloque.
Sans analyser dans le détail l’ensemble des indicateurs, c’est l’objet du rapport, on reteindra trois exemples illustratifs du classement ci-dessus : favorable, intermédiaire, défavorable. Chaque cas peut être lu de la manière suivante selon la légende arrêtée par l’IRES. Un indicateur favorable peut être en progrès, en stagnation ou carrément en recul. Ainsi, à titre d’exemple, la sécurité digitale est dans une situation favorable mais enregistre un recul (2014-2020) ; l’attachement à la nation connait une situation favorable, mais stagne dans le temps (2009-2016) ; enfin l’accès à l’eau et à l’électricité est dans une situation favorable et en amélioration (1998-2021). Le même constat peut être fait pour les indicateurs en situation défavorable ou intermédiaire.
Passons maintenant à une analyse de certains DVP. Le premier est intitulé : « préserver la souveraineté alimentaire et énergétique et assurer la transition écologique du pays ». On constate au niveau des ressources alimentaires une accentuation, sur le long terme, de la dépendance extérieure en céréales en raison de l’augmentation de la population et de la fréquence élevée des sécheresses. Ainsi, le taux de dépendance des importations de céréales est passé de 14% entre 1963-1972 à 42,5% entre 2009-2021 ! Par ailleurs, le positionnement international au niveau de l’indice de la transition énergétique a reculé de 10 places entre 2021 et 2022 passant du rang 26 au rang 36. Ce qui est dû, principalement, aux performances insuffisantes enregistrées par le pays dans le domaine de l'"innovation propre" et au manque de suivi et d'encouragement des innovations écoresponsables durant l'année 2021.
Au niveau du DVP « défendre l'intégrité territoriale du pays et renforcer sa résilience face aux menaces transnationales », Le Maroc figure dans le top 30 des nations les plus sûres dans le monde et il est considéré, en 2021, le pays africain le plus sûr. Son positionnement au titre de cet indice (World’s Safest Countries) s'est nettement amélioré, entre 2019 et 2021, grâce notamment à sa bonne gestion de la crise sanitaire. Par contre, au niveau de l’indice global du terrorisme, le Maroc, qui faisait partie dans un passé récent des pays "sans impact terroriste", figure, depuis 2019, dans la catégorie des pays "à très faible impact". Toutefois, les efforts menés par les autorités sécuritaires dans la lutte contre ce fléau, notamment, les actions continues pour le démantèlement des cellules terroristes, saluées par la communauté internationale, vont certainement permettre au Royaume de retrouver dans un avenir proche sa place parmi les pays ‘’sans impact terroriste’’.
Au niveau du DVP intitulé « Répondre aux besoins essentiels et aux aspirations des citoyens », pratiquement tous les indicateurs sont dans une position défavorable ou intermédiaire confirmant ainsi le mauvais positionnement international en matière de développement humain. Par exemple, dans l’indice mondial du bonheur, le Maroc a un positionnement international peu enviable. Pour que ce positionnement s'améliore à l'avenir, il devra achever, dans les meilleures conditions, la généralisation de la couverture sociale et améliorer la qualité de vie de ses habitants, est-il indiqué dans le rapport.
Au chapitre «Assurer la transformation structurelle de l'économie marocaine et réussir l'émergence du pays », le Maroc représente les caractéristiques d’un pays en « voie d’émergence » dans la mesure où les principaux indicateurs relatifs à ce DVP sont au niveau intermédiaire. Par exemple, pour ce qui est de l’indice global de compétitivité, on relève une légère amélioration du positionnement international du Maroc, en lien avec les efforts déployés par les pouvoirs publics en matière de développement soutenu des infrastructures et de renforcement de la compétitivité logistique. Idem pour l’indice Doing Business dans lequel le Maroc a réalisé un véritable bond en gagnant 75 places entre 2004 et 2020. A contrario, en matière de l’indice global des libertés économiques, le pays semble faire du surplace quand il ne régresse pas en raison de sa timidité dans la lutte contre la corruption.
En somme, L’IRES, en tant que centre de réflexion et de propositions, s’est acquitté comme il se doit de sa mission. Aux pouvoirs publics et aux décideurs d’agir pour corriger les imperfections et valoriser davantage les atouts de notre pays. Le développement humain, la promotion de la démocratie et des droits humains, la réduction des inégalités sociales et territoriales demeurent la priorité des priorités.