chroniques
Avenue l’Allégeance - Par Seddik MAANINOU
La bourgade comptoir devenue cité et en passe de devenir un hub
Dans mes mémoires «Jours d’antan», je reviens sur ma visite à Dakhla un 04 mars 1980 pour couvrir la visite du Roi Hassan II et la tenue de la toute première cérémonie d’allégeance sur le territoire du Sahara marocain.
Jean-Marie Ehouzou, ancien ministre des Affaires étrangères du Bénin, s’est livré à une autocritique romancée de ses anciennes positions sur la Sahara et raconte comment naïvement comment il a demandé aux autorités frontalières d’Alger de viser son passeport avant de se rendre à Tindouf en territoire algérien
La visite royale a constitué un défi inédit, car effectuée dans des conditions politiques, militaires et diplomatiques d’une extrême complexité. Dans mes mémoires, je raconte mes échanges avec Hassan II que je reconstitue dans les moindres détails.
Deux ruelles, sans plus
Me revoilà à Dakhla pour ma quatrième visite ! Nul ne peut rester insensible aux charmes de cette belle ville envoutante qui s’ouvre généreusement sur l’Océan Atlantique. Aéroport élégant, artères ombragées, rondpoints perlés de fontaines et de jets d’eau. «L’avenue» qui a abrité la cérémonie d’allégeance il y a 43 ans était d’à peine 200 mètres. Aujourd’hui, la même artère, baptisée depuis Avenue l’Allégeance, s’étend sur une distance de cinq kilomètres asphaltés, gracieusement éclairée. Dakhla ne comptait en tout et pour tout que deux ruelles étroites. Hassan II a baptisé la première du nom de Allal El Fassi et la seconde du nom de Mohamed Belhassan El Ouazzani.
Avenue l’Allégeance
Dakhla se déploie désormais en des dizaines de rues, des centaines de magasins commerciaux, de cafés et de restaurants. Un large réseau d’écoles et de lycées forme son infrastructure éducative comportant un Institut supérieur de commerce et un autre d’électronique. Celle que l’occupation coloniale avait baptisé Villa Cisneros se targue d’une dizaine d’hôtels de différentes catégories et dont certains, pieds dans l’eau, accueillent des milliers de touristes épris de sports de glisse ou en quête de dépaysement. Capitalisant sur sa situation géographique, adossé à son immense port atlantique en cours de construction, le chef-lieu de Dakhla-Oued Eddahab s’apprête à servir de hub aux échanges internationaux entre l’Afrique et l’Europe. Conjuguant commerce et tourisme, pêche maritime et agriculture, Dakhla s’impose progressivement comme une destination phare sur l’océan atlantique. Déjà bien visible sur la carte des destinations à ne pas manquer, elle se dessine éminemment en ville du futur.
Le Maroc en Afrique
Sous le signe «le Maroc en Afrique : Un choix royal pour un continent global et intégré», Maroc diplomatique a tenu son deuxième forum annuel, du 03 au 05 mars au Palais des congrès à Dakhla.
Une rencontre de deux jours qui a vu se succéder à la tribune plus d’une trentaine d’intervenants, dont de hauts responsables nationaux et africains, des universitaires, des chercheurs, des hommes d’affaires...
L’ancien Premier ministre de la République centrafricaine Martin Ziguélé et les ministres des Affaires étrangères du Sénégal, des Îles Comores et du Bénin y ont réitéré leur soutien à l’intégrité territoriale du Royaume et appelé à déloger de l’Union africaine la «république maquette de Tindouf».
Sous haute tension
Je ne puis m’empêcher de revenir à certains Sommets africains que j’ai eu à couvrir. Je revis toujours l’ambiance électrique qui planait sur ces rencontres chaque fois que la question du Sahara revenait à l’ordre du jour. Je ne saurai oublier les charges violentes et agressives de l’ancien président béninois Mathieu Kérékou, de 1972 à 1991. Distillant une rhétorique ultragauchiste trempée dans le vitriol, il servait de porte-parole officieux d’autant plus zélé que l’Algérie pétrolière était bien alléchante. Dans mes mémoires, je suis longuement revenu sur le climat délétère dans lequel se déroulaient les travaux des Sommets africains.
Aveu et autocritique
J’ai été agréablement surpris en écoutant l’autocritique de l’ancien ministre des Affaires étrangères du Bénin Jean-Marie Ehouzou au sujet du Sahara marocain !
Revenu d’une utopie fantasmagorique, il a raconté comment, étudiant à l’université, il ne jurait que par le marxisme-léninisme et comment, à ce titre, il soutenait férocement la «Rasd» qu’il considérait comme un Etat avec un peuple et un territoire que lui aurait spolié de force un Royaume expansionniste, conservateur et réactionnaire. Choisi parmi les heureux étudiants béninois devant visiter la «république» fantoche, il se rappelle avoir transité par Alger où il a rencontré d’abord les responsables avant de reprendre l’avion à destination de Tindouf.
Vous gagnerez !
M. Ehouzou assure qu’il était enthousiaste et excité à l’idée de rejoindre les territoires libérés de la «république», et croyant quitter l’Algérie à destination d’un vrai Etat constitué, il avait naïvement demandé aux autorités frontalières à Alger de viser son passeport pour se retrouver, quelques heures après, au milieu de nulle part dans l’immensité d’un camp de misères sans être sorti du territoire algérien.
C’est le début de sa déception qui sera suivie bien plus tard par la désillusion. Sa ‘’RASD’’ était un vaste taudis soumis à un système de contrôle militarisé des mouvements des personnes, rongé par les luttes tribales et commandé par la sécurité militaire algérienne, survivant par la seule grâce des aides humanitaires.
Bien qu’il ait été pour plusieurs années ambassadeur de son pays en Algérie, ses convictions ont été ébranlées, une mystification qu’il regrette et entend réparer par l’exigence de l’expulsion de l’enceinte de l’Union Africaine d’un simulacre de république qui n’existe que dans une vue de l’esprit de ceux qui ont tout fait pour vendre l’illusion et la division. Il a conclu sobrement son autocritique par un : « Tenez bon, les Marocains, vous allez gagner ! »