chroniques
Ce que Yasmina doit à Tanger
Je me demandai o? il ?tait pass?. ?a va faire 5 mois que l?Alg?rie bouillonne et pas un mot de sa part. Ou s?il a parl?, je ne l?ai pas entendu. Il est vrai que les ?chos assourdissants de la rue alg?rienne ont rendu la plupart des t?tes d?affiches des insoumis inaudibles. M?me lui, l?insurg? avant l?heure. Le d?missionnaire de son poste de directeur du centre culturel alg?rien en 2014 pour protester contre un quatri?me mandat de Abdelaziz Bouteflika qui l?y avait pourtant nomm?. Il avait m?me tent? une candidature ? la pr?sidentielle en 2013, mais s?est heurt? au mur des signatures. L?ancien officier de l?arm?e alg?rienne qui a fait ses armes contre l?Arm?e Islamique du Salut et le Groupe Islamique Arm? doit avoir des choses ? nous dire sur le nouveau Robb Djaza?r, Ga?d Salah le bienheureux qui prend le temps de prendre son temps pendant que les Alg?riens tr?pignent d?impatience dans les rues de toutes les conglom?rations d?Alg?rie.?
Je ne le cherchai plus quand le voil? qui surgit, bien au milieu des rayonnages de ma librairie des dimanches matin, ex-place Bourgogne ? Rabat. Un roman en bonne et due forme sorti des presses en avril 2019, et bien en vue, en haut de la premi?re de couv, son pseudo qu?il porte en hommage ? sa femme?: Yasmina Khadra. Mon auteur alg?rien pr?f?r?. Je palpe l?ouvrage comme lui regarderait sous toutes les coutures la confection des intrigues de ses thrillers. C?est que l?ex-baroudeur intello des services sp?ciaux alg?riens, mais vous le savez certainement d?j?, a r?ussi l?une des plus belles reconversions qui soient?: ?crivain. A sa fa?on, le John le Carr? maghr?bin.
Le roman de tous les Tanger
Ce qui ne g?che rien, le r?cit se d?roule ? Tanger, cit? mythique s?il en est. L?outrage fait ? Sarah Ikker* raconte l?histoire d?un jeune lieutenant de police mari? et int?gre, victime d?un adult?re d?guis? en viol qu?il entreprend de d?m?ler ? partir d?un pr?cieux bouton de manchette. Il investigue apr?s avoir ?merg? dans un miteux hotel d?une de d?sillusion 45? sans gla??ons. Il m?ne son enqu?te au pas de charge contre la volont? d?une hi?rarchie n?potique, manipulatrice, abusive et corrompue. Pas grave si l?on en devine en grande partie le d?nouement d?s les premi?res pages, tellement est prenant l?aigre-doux de la narration. La ville du d?troit, son myst?re et ses m?urs, son charme et ses lumi?res, sa bourgeoisie ? la fois ostentatoire et discr?te, son train de vie en vase clos dont le contact avec l?ext?rieur se r?sume aux ordres hurl?s aux domestiques, offrent par moments au roman des scintillements lumineux pour ?clairer le voile sombre dont se couvre le r?cit et adoucir les braises qui consument de l?int?rieur le lieutenant cocu.???
L?auteur ?galement de Ce que le jour doit ? la nuit est ?gal ? lui-m?me. Le lever de rideau se fait sur une police et une jet-set des hauteurs tang?roises pas belles ? voir. Pas plus que ne sont beaux les quartiers populaires de Bni Makada. La trame a pour arri?re-pays le Tiers Monde. Au moment o? la police nationale se plie en quatre et se multiplie par dix pour assurer la s?curit? dans le respect de la loi, c?est un peu injuste. C?est surtout dommageable pour le Maroc dans le regard de lecteurs de contr?es lointaines. Si l?omnipotent g?n?ral alg?rien Mediene ?tait encore en activit?, on aurait pens? qu?il en ?tait le commanditaire. Une pens?e que l?on doit sans doute ? un r?flexe atavique. Et on en aurait voulu ? Yasmina Khadra si bien auparavant il n?avait pas r?serv? dans Qu?attendent les singes* un sort encore plus s?v?re ? sa propre pays, ? sa police et ? sa bourgeoisie. Sur le Tanger qu?il persifle, l?auteur ne peut s?emp?cher de poser un regard affectueux. Et L?outrage fait ? Sarah Ikker en devient un agr?able loisir pour un dimanche de lecture.?
Ce que Yasmina doit ? Tanger?? L?inspiration. Yasmina Khadra nous promet une suite. Peut-?tre nous gratifiera-t-il une trilogie.
*Julliard