Chronique Cinéma, mon amour ! - ''Fatema : La sultane inoubliable'' UN HYMNE UNIVERSEL A L’EGALITE HOMME/FEMME

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« Fatima Mernissi était une femme de taille, grande par l’importance de son œuvre, riche par ses divers engagements, humaine dans l’effort de réconcilier la société marocaine avec ses fondements. Son œuvre initiatrice et son nom resteront à jamais gravés dans les mémoires » (Latifa El Bouhsini, « Fatima Mernissi (1940-2015) : L’intellectuelle féministe qui a fait connaître son pays, le Maroc »)

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Chronique ''Cinéma, mon amour !'' de Driss Chouika - CES MALEDICTIONS QUI  CONTINUENT A SAINGNER A BLANC LE CINEMA NATIONAL !

« Si les droits des femmes sont un problème pour certains hommes musulmans modernes, ce n’est ni à cause du Coran, ni à cause du prophète (Mohammed) et encore moins à cause de la tradition islamique, c’est simplement que ces droits sont en conflits avec les intérêts d’une élite masculine ». Fatema Mernissi.

Cinéma. "La sultane inoubliable", biopic sur Fatema Mernissi en salle dès  ce mercredi 28 septembre - H24info

Meryem Zaimi incarne avec une grande ressemblance Fatema Mernissi, décédée en 2015 - capture d'écran bande annonce / Mohamed Abderrahman Tazi 

Présenté en ouverture de la 33ème édition des JCC, avec un hommage rendu à son réalisateur Mohamed-Abderrahman Tazi, l’un des pionniers du cinéma marocain, réalisateur notamment du mythique “A la recherche du mari de ma femme“, record jamais égalé du boxe-office national depuis sa sortie en 1993, son dernier film “Fatema : La sultane inoubliable“ est un biopic sur la vie et le parcours de l’une des plus grandes sociologues dans le mondes, la plus éminente dans le monde arabo-musulman, reconnue unanimement sur le plan international.

Latifa El Bouhsini avait conclu son étude bibliographique sur Fatema Mernissi ainsi : « Fatima Mernissi était une femme de taille, grande par l’importance de son œuvre, riche par ses divers engagements, humaine dans l’effort de réconcilier la société marocaine avec ses fondements. Son œuvre initiatrice et son nom resteront à jamais gravés dans les mémoires » (Latifa El Bouhsini, « Fatima Mernissi (1940-2015) : L’intellectuelle féministe qui a fait connaître son pays, le Maroc »). M-A. Tazi, lui dont des rapports humains étroits ont fait croiser sa vie active avec celle de Fatema Mernissi, a choisi d’immortaliser cette grande intellectuelle dans un document visuel d’une richesse socio-humaine étonnante, donnant une image claire sur toute l’effervescence intellectuelle et culturelle de la vie de cette grande dame.   

J’ai eu l’occasion, dans le cadre d’une série de séances de projections/débats de films, d’en consacrer une à ce film, en présence du réalisateur. De cette expérience, il parait clairement que ce film permet un débat riche sur le féminisme et l’égalité hommes/femmes dans les sociétés arabo-musulmanes et les problèmes que cela pose sur les plans politique, social et religieux. J’ai pu savoir, à l’occasion, que le réalisateur est régulièrement invité, par des universités notamment, à des projections suivies de débats sur ce film.

“Fatema : la sultane inoubliable“ est un film intéressant à plus d’un titre et sur tous les plans : technique, esthétique et thématique. Il y a d’abord une performance exceptionnelle dans la direction des comédiens, avec une mention bien spéciale à Meryem Zaimi qui a rendu bien vivante Fatema Mernissi dans toute sa grandeur majestueuse. Il y a ensuite l’approche socio-culturelle judicieuse choisie pour s’attacher à la dimension profondément humaine de la vie de Fatema Mernissi. Et puis il y a ces moments bien expressifs, intelligemment choisis, pour donner des indications précises sur les idées académiquement et intellectuellement défendues par Fatema Mernissi. Pour s’en convaincre, comme cela a été suggéré pendant le débat mentionné, il suffit juste de savoir lire “entre les lignes“ des images sublimes de ce film.

UNE APPROCHE SOCIOLOGIQUE RATIONNELLE

Fidèle à ses choix cinématographiques, basés essentiellement sur la vie socio-culturelle du pays, M-A. Tazi (Voir le N° 29 de cette chronique “M-A. Tazi, Parcours d’un cinéaste du tiers-monde“, www.quid.ma) a opté pour une approche sociologique similaire à celle suivie par Fatema Mernissi dans la construction de l’ensemble de son œuvre académique et éditoriale. Et c’est cette approche sociologique rationnelle, défendue et didactiquement suivie par Fatima Mernissi, qui a permis au réalisateur de déceler les moments les plus significatifs dans la vie sociale, humaine et intellectuelle de Fatema Mernissi.

En regardant attentivement le film, on est subjugué par ces tranches de vie d’une humanité débordante de ce personnage public hors du commun. On sent qu’elle respire la vie et qu’elle transmet toutes les joies de vivre autour d’elle, dans tous les milieux qu’elle fréquente. Que ce soit dans ses milieux familiaux, amicaux, académiques, artistiques, intellectuels, associatifs, ou humains en général, les scènes choisies dégagent les effluves d’instants animés d’une vie humaine d’une intensité positive inégalable.

Sur le plan esthétique, le rendu est bien attachant. Les costumes, les décors et les lieux naturels choisis représentent toute la richesse et la diversité du Maroc. Le film permet ainsi, en parallèle, un voyage dans les méandres de la richesse intellectuelle et culturelle de l’oeuvre de Fatema Mernissi, véritable trésor de créativité dans la lignée des plus grands dans le monde arabo-musulman, et dans la richesse naturelle et architecturale originale du Maroc.

Un film à voir, revoir et en débattre entre cinéphiles pour ses grandes qualités esthétiques et intellectuelles.

Pour conclure j’aimerais signaler, comme dans le film, que Fatima Mernissi a reçu en 2003 le Prix Prince des Asturies en littérature. Elle a reçu également en 2004 le Prix Erasme, créé en 1958 par le prince Bernhard des Pays-Bas, dont ont été lauréats, notamment dans le domaine du cinéma, Charlie Chaplin et Ingmar Bergman. Et depuis 2019, l’Université Nationale Autonome du Mexique (UNAM) a ouvert une chaire à son nom. La cérémonie de lancement avait eu lieu à Mexico « avec pour objectif de créer un espace institutionnel pour l’enrichissement et la diversification des activités d’enseignement, d’intégration et de rayonnement universitaires ». 

FILMOGRAPHIE DE M-A. TAZI (LM)

"Le Grand Voyage" (1981) ; "Badis" (1988) ; "A la recherche du mari de ma femme" (1993) ; "Lalla Hobby" (1996) ; "Les Voisines d’Abou Moussa" (2003) ; « Al Bayra » (2013) ; « Fatema la sultane inoubliable » (2021).

LIVRES DE FATEMA MERNISSI

« Beyond the veil : male-female dynamics in modern Muslim society »  (Indiana University Press, 1987) ; « Sexe, Idéologie, Islam), (Éditions Maghrébines, 1985) ; « Al Jins Ka Handasa Ijtima'iya » (Le Fennec 1987) ; « Le monde n'est pas un harem » (Albin Michel, 1991) ; « Sultanes oubliées : femmes chefs d'État en Islam » (Albin Michel / Éditions Le Fennec 1990) ; « Le harem politique : le Prophète et les femmes » (Albin Michel 1987) ; « La Peur-Modernité : conflit islam démocratie » (Albin Michel / Éditions Le Fennec 1992) ; « Nissa Ala Ajnihati al-Hulm » (Éditions Le Fennec 1998) ; « Rêves de femmes : une enfance au harem » (Le Fennec 1997 - Albin Michel 1998) ; « Les Aït-Débrouille » (Le Fennec 1997) ; « Êtes-vous vacciné contre le harem ?, Texte-Test pour les messieurs qui adorent les dames » (Le Fennec 1998) ; « Le Harem et l'Occident » (Albin Michel 2001) ; « Les Sindbads marocains, Voyage dans le Maroc civique » (Marsam 2004).

DRISS CHOUIKA