''Cinéma, mon amour !'' de Driss Chouika : LE CINEMA NOVO UN MOMENT PHARE DANS L’HISTOIRE DU CINEMA MONDIAL

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« Rio 40° » de Nelson Pereira Dos Santos est considéré comme le film initiateur du Cinéma Novo.

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Cinéma, mon amour ! '' de Driss Chouika - LA NOSTALGIE DES PREMIERS  TELEFILMS

« Seule une culture de la faim, minant ses propres structures, peut se dépasser qualitativement : et la plus noble manifestation culturelle de la faim c’est la violence. […] Une esthétique de la violence, avant d’être primitive, est révolutionnaire, et c’est ici le point de départ pour faire comprendre au colonisateur l’existence du colonisé. […] La faim latine n’est pas seulement un symptôme alarmant : c’est le système nerveux de la société. Ici réside la tragique originalité du Cinéma Novo en face du cinéma mondial : notre originalité c’est notre faim et notre plus grande misère c’est que cette faim, bien que sentie, n’est pas comprise. […] Pour l’observateur européen, les processus de création artistique du monde du sous-développement ne paraissent intéressants que dans la mesure où ils satisfont sa nostalgie du primitivisme  ». Glauber Rocha, « L’esthétique de la faim », 1965. 

UN COURANT ORIGINAL

Rarement un courant cinématographique aussi original aura secoué la scène cinématographique mondiale d’une manière aussi brutale et bruyante. Né dans les années 50, sous trois influences différentes, le Néoréalisme Italien, la Nouvelle Vague Francaise et un certain Cinéma Soviétique, il s’est largement développé jusqu’aux années 70 en s’élargissant à toute l’Amérique Latine. Nelson Pereira Dos Santos, Glauber Rocha et Ruy Guerra sont les plus éminents représentants de ce courant cinématographique qui a développé un traitement original et exclusif des maux sociaux qui affectent les classes les plus défavorisées de la société brésilienne.

UN CINEMA EXCLUSIVEMENT SOCIAL

« Rio 40° » de Nelson Pereira Dos Santos, qui suit la vie quotidienne de cinq enfants des « favelas » de Rio qui se partagent les endroits les plus importants de la ville afin d'y vendre des cacahuètes, est considéré comme le film initiateur du Cinéma Novo. André Bazin en avait dit dans les Cahiers du Cinéma : « Rio 40° est construit de manière unanimiste, imbriquant plusieurs histoires particulières et significatives. Il a été tourné avec de très petits moyens proches de l'amateurisme. [...] Mais tel quel et compte tenu des conditions de travail d'un cinéaste brésilien, c'est un film attachant et qui mérite d'être vu ».

Effectivement, les films de cette école traitent généralement des maux sociaux qui affectaient la classe ouvrière, et plus particulièrement la faim, la violence l’exploitation économique, l’aliénation religieuse, ainsi que le fatalisme qui caractérise la majorité des classes défavorisées. Ces films partagent un certain optimisme politique et multiplient les messages qui sont des sortes d’appels à la résolution des problèmes sociaux de la classe ouvrière.

Ces films recherchent les coins sombres de la vie brésilienne, ainsi que les endroits où les contradictions sociales apparaissent de la manière la plus dramatique. Les thèmes et sujets traités sont généralement soutenus par une esthétique visuelle très proche des styles du documentaire. Ils sont souvent filmés par une caméra portative et tournés en noir et blanc, dans des décors simples et austères, soulignant parfaitement la dureté des paysages et des conditions de vie.

UNE ESTHETIQUE DE LA FAIM

Les critiques et historiens du cinéma sont presque unanimes pour confirmer que Glauber Rocha aura été le plus grand défenseur du Cinéma Novo. Cet éminent représentant de ce courant cinématographique tenait à faire des films susceptibles d’éduquer le public dans les domaines de l’égalité sociale, ainsi que la nécessité de l’art et de la culture. Il a résumé les objectifs de ce cinéma dans le concept de ce qu’il a appelé “l’esthétique de la faim“, sorte de traitement thématique et visuel basé essentiellement sur la violence des rapports sociaux, ainsi que les troubles sociaux et raciaux dont souffrent les classes sociales défavorisées. Ses films, surtout « Le Dieu Noir et le Diable Blanc », sont généralement conçus et réalisés dans l’intention et le but de "suggérer que seule la violence aidera ceux qui sont durement opprimés".

Malheureusement, après l’âge d’or des années 70, le Cinema Novo a fini par péricliter, et comme avait dit Carlos Diegues lui-meme, l’un de ses plus éminents représentants, "On ne peut plus parler de Cinema Novo qu'en termes nostalgiques ou figuratifs parce que Cinema Novo en tant que groupe n'existe plus, surtout parce qu'il s'est dilué dans le cinéma brésilien". 

FILMS LES PLUS REPRESENTATIFS

A titre indicatif, voici une liste de films chisis parmi les plus représentatifs de ce courant du Cinema Novo :

« Rio 40° » (Rio, 40 Graus) (1955) et « Sécheresse » (Vidas Secas) de Nelson Pereira Dos Santos  (1964) ; « O Grande Momento » de Roberto Santos (1958) ; « Aruanda » de Linduarte Noronha (1959) ; « Barravento » (1961), « Le Dieu Noir et le Diable Blanc », « Terre en transe » (Terra em Transe) (1967) et « Antonio das Mortes » de Glauber Rocha (1969) ; « La Plage du désir » (Os cafajestes) (1962), « Les Fusils » (Os Fuzis) et « Les Dieux et les Morts » (Os Deuses e os Mortos) de Ruy Guerra (1970) ; « Ganga Zumba » (1963) et « Les Héritiers « (Os Herdeiros) de Carlos Diegues (1969) ; « A Falecida » (La morte) (1965) et « La fille d’Ipanema » Garota de Ipanema) (1967) de Leon Hirszman ; « O Desafio » de Paulo Cesar Saraceni (1965) ; « Macunaima » (1969) et « Les Conspirateurs » (Os Inconfidentes) de Joaquim Pedro de Andrade (1972).