chroniques
Démocratie et développement, de Mao à aujourd’hui (Par Naïm Kamal)
De la mythique place Tiananmen, de là-même où Mao Zedong proclama, il y a 70 ans, la République populaire, la Chine a envoyé au Monde l’image d’un pays, à lui seul un empire, solidement planté dans sa double puissance, militaire et économique. Sept décennies qui l’ont fait sortir d’un retard abyssal pour le propulser au duo de tête qui se dispute la domination du monde.
Il valait mieux suivre le gigantesque double défilé, civile et militaire, directement sur une chaine chinoise, quitte à ne rien comprendre aux commentaires que de subir des commentateurs d’ailleurs s’accrochant désespérément aux particules de la pollution à Pékin pour trouver à redire sur la spectaculaire et foisonnante démonstration de force.
Missiles, bombardiers et drones affichant un degré élevé de technologie, TGV dernier cri made in China, anneaux olympiques pour rappeler, écrit l’AFP, les féériques Jeux de Pékin de 2008 et 70 chars de carnaval pour retracer les accomplissements du régime ne pouvaient laisser le plus récalcitrants des ennemis de Pékin indifférent.
Mettons les choses au point : je ne suis pas dans la fascination béate devant ce que la Chine a réalisé en si peu de temps, bien que ça mérite l’admiration. Mais le Marocain que je suis, ressortissant d’un petit pays, est plus à l’aise et plus heureux dans un monde bi ou multipolaire que sur une planète livrée à la domination d’une seule puissance.
Cela dit, l’Empire du milieu est bien loin de ce 1er octobre 1949 où Mao Zedong proclama la République de Chine. Le grand timonier avait alors le grand souci de sortir ses peuples de la famine en garantissant à chaque chinois un bol de riz, et la majeure préoccupation de résister à l’agressivité de ce qu’il qualifiait de « Tigre de papier », l’impérialisme américain.
C’est aujourd’hui pratiquement chose faite et Pékin peut prétendre, sans trop de risque, tenir la dragée haute à Washington. Du moins au plan économique.
On peut en dire ce que l’on veut aujourd’hui, mais seule la grande histoire, une fois libérée des contingences « idéologiques » et du rapport de forces qui veut diaboliser la Chine « communiste », dira si Mao n’a été qu’un dictateur sanguinaire qui a poussé le culte de la personnalité à son comble, ou le grand leader qui transformé le Chine et les Chinois de fond en comble.
Dans sa suite, un autre grand leader, Deng Xiaoping, trois ans après son décès, a pris son relais, non sans reniement, pour mettre le pays sur la voie du développement. C’est essentiellement à ses choix que la Chine doit ce qu’elle est. Avec son sens particulier de la formule il avait alors lancé : « peu importe que le chat soit gris ou noir du moment qu’il attrape la souris ». Si le système capitaliste pouvait mettre la Chine au diapason des grands de ce monde, va pour le capitalisme. Deng Xiaoping s’est toutefois gardé de donner à l’Occident ce que Gabriel Gorbatchev en Union soviétique, ébloui par les flatteries de ses homologues occidentaux et de leur presse, a cédé sans retour : la nature du régime politique.
Communiste était la Chine, communiste elle restera. Ce faisant, Deng Xiaoping a posé à tous les démocrates qui croient dur comme fer que développement économique et démocratie politique sont indissociables, un grand problème. En même temps qu’il a offert aux partisans de l’autoritarisme un argument de poids.