chroniques
Doit on enterrer le panarabisme ? - Par Samir Belahsen
Le président égyptien Nasser et son homologue syrien de l’époque Shukri al-Quwatli en 1958
« L'Histoire ne se répète pas, mais ses rendez-vous se ressemblent. »
Gabriel de Broglie
« L'Histoire se joue d'abord comme un drame et se répète comme une comédie. »
Jacques Ellul
Par panarabisme, on désigne le mouvement politique, culturel, et idéologique séculier qui tendait à unifier les peuples arabes qu’ils soient Musulmans (Sunnites et Chiites), Juifs ou Chrétiens .
Pour ses adeptes seule l’unité permet de défendre l'identité arabe.
Le chérif de La Mecque Hussein ben Ali est souvent cité comme le fondateur de ce mouvement.
Dans leurs manœuvres pour se partager les dépouilles de l’empire Ottoman pendant la Première guerre mondiale, les Britanniques et les Français avaient réussi à instrumentaliser le nationalisme arabe. La promesse illusoire d’un grand État Arabe cachait en fait les Accords Sykes-Picot. La révolte Arabe contre l’Empire a permis de l’affaiblir encore plus.
Lawrence d’Arabie symbolise une partie des manœuvres Franco-Britanniques.
Le panarabisme serait donc né dans les années 1920 de la frustration d’un monde arabe divisé par les puissances occidentales en protectorats- pays.
Le panarabisme, mouvement nationaliste, laïc et socialiste, militait pour l’unification des pays arabes contre l’impérialisme occidental et les monarchies qu’il a installées.
Avec la prise de pouvoir de Gamal Abde Nasser en Égypte et du parti Baath en Syrie, le panarabisme occupera la scène politique et culturelle.
Nasser en deviendra le leader « Zaim » avec la nationalisation du canal de Suez en 1956.
La République arabe unie présidée par Nasser, en 1958, formée par l’Égypte et la Syrie devait permettre l’instauration du grand État arabe, but ultime du panarabisme.
S’enclenchaient alors des révoltes nationalistes en Irak, au Liban et au Yémen. En Irak, les officiers qui ont renversée la monarchie avaient annonçé leur intention de rejoindre prochainement la République Arabe Unie. Ils étaient communistes, nassériens et baathistes
Le Yémen du Nord s’est rapidement joint à l’union égypto-syrienne pour former les Etats Arabes Unis.
Rapidement, les dissensions ont succédé à l’euphorie et aux idéaux.
L’Irak n’a jamais rejoint les Etats Arabes Unis. Les Syriens n’ont jamais toléré la suprématie de l’Égypte et vont rapidement rétablir leur indépendance en 1961. C’était l’enterrement officiel la RAU et de la confédération des États arabes unis.
Malgré cet échec, les idéologies nassérienne et baathiste qui représentaient la panarabisme actif, continuaient à dominer les débats et cristalliser les revendications. Les aspirations à l’unité arabe à la libération de la Palestine permettaient la survie du panarabisme comme espoir populaire, malgré les dissensions.
Le camp a dû revoir ses ambitions à la baisse et ne revendiquait plus que la solidarité entre ses membres. C’est la défaite Arabe lors de Guerre des Six jours en 1967 qui a marqué la fin des espoirs placés dans le mouvement.
Après l’Égypte, la Syrie et l’Irak, le camp nationaliste (KAWMI) a pu intégrer la Libye. Mouammar Kadhafi après avoir renversé le roi Idriss Ier en 1969, avait tenté de donner un nouveau souffle au panarabisme en essayant sans succès d’unifier la Libye, l’Égypte et la Syrie au sein de l’Union des Républiques arabes.
Les pays du Maghreb, et particulièrement le Maroc et la Tunisie, étaient presque épargnés par l’euphorie du panarabisme malgré quelques influences.
A la suite du décès de Nasser, Kadhafi manifestera même l’ambition de s’y substituer et longtemps en constituera l’avatar dérisoire et ridicule.
Les rivalités internes entre les pays arabes, entre leurs Zaims, les différences politiques, les conflits nationaux, les défis économiques et les interventions étrangères ont tous sapé les efforts visant à réaliser l'unité arabe.
Panarabisme et littérature
Les écrivains et intellectuels arabes ont été profondément influencés par les idéaux du panarabisme, ils ont exploré ses thèmes et ses implications à travers leurs écrits et leurs réflexions philosophiques.
Parmi les écrivains et philosophes les plus importants qui ont témoigné de son évolution, peut citer :
1. Taha Hussein : Ce grand érudit égyptien a été une figure majeure de la littérature arabe au 20e siècle. Ses idées ont souvent reflété les aspirations du panarabisme, mettant l'accent sur l'importance de l'unité culturelle et politique.
2. Sadiq Jalal Al-Azm : Ce philosophe syrien avait abordé les questions de modernité politique. Il avait critiqué les échecs du panarabisme et a influencé les débats intellectuels sur l'identité arabe et les défis politiques de la région.
3. Naguib Mahfouz : L'écrivain égyptien, lauréat du prix Nobel, est connu pour sa contribution à la littérature arabe moderne. Ses romans ont souvent exploré les tensions politiques et sociales dans la société égyptienne, reflétant indirectement les tensions qui ont affaibli le mouvement panarabe.
Ces écrivains et philosophes, parmi d'autres, ont exploré les thèmes de l'identité arabe, de la lutte pour l'unité politique et culturelle, ainsi que les défis et les échecs du panarabisme à travers leurs œuvres. Leurs écrits ont contribué à façonner les discussions intellectuelles et littéraires sur le rôle du panarabisme dans la société arabe et son déclin ultérieur.
Les défis posés par les idéologies concurrentes, tels que l'islam politique et le panislamisme, ont également contribué à son déclin.
Si le panarabisme n'a pas pu surmonter ces obstacles et a considérablement décliné en tant que mouvement politique dominant dans la région arabe, l'idée de l'unité arabe continue d'influencer la politique au Moyen-Orient et demeure un sujet important.
Maintenant que l'islam politique a fait sont temps, quand on aura digéré le génocide de Gaza, ne pourrait-on pas assister à un renouveau du panarabisme ?