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En finir avec les plans à trois
Le Roi Mohammed VI recevant le conseiller à la sécurité nationale israélien, Meir Ben-Shabbat au palais royal de Rabat, 22 décembre 2020
La pérennité du rapprochement maroco-isréalien court un gros risque si ce rapprochement n’arrive pas à se frayer son propre chemin. Ce qui induit un besoin immédiat de sensibilisation contre les préjugés et les idées reçues
Depuis que les bureaux de liaison entre le Maroc et l’État d’Israël ont repris leurs activités à Tel-Aviv et à Rabat, on assiste à une forte mobilisation communicative de la part des Israéliens vers les Marocains. L’ambassadeur Govrin qui s’adresse aux Marocains en arabe, qui accorde un entretien au site de la deuxième chaine de télévision marocaine, qui multiplie les rencontres avec des responsables et des décideurs économiques locaux. Des efforts louables et dont l’impact est sans doute important sur les Marocains qui savent très bien apprécier ce genre de gestes de proximité communicative.
Mais tout cela, à lui seul, ne saurait suffire pour parvenir à une véritable normalisation des relations entre les deux pays. Et vous remarquerez que le mot « normalisation » ne me fait pas peur car je crois fermement qu’il est normal, voire naturel, que l’on normalise enfin ces relations et que l’on arrête de faire dans la démagogie et le déni de la réalité.
Tout cela n’est pas suffisant car il existe encore un certain nombre de choses que nous sommes censés faire pour basculer enfin dans la normalité au lieu de rester dans « le faire semblant » qui ne pourra pas survivre à la dissipation de l’engouement contextuel.
Nous sommes donc appelés à agir sur plusieurs fronts pour faire changer les choses – dans le bon sens – et aller vers un véritable rapprochement qui aurait des retombées positives sur tout le monde.
Il y a donc des choses que nous sommes censés régler chacun de son côté et d’autres que nous sommes appelés à régler ensemble. Ainsi, du côté israélien, il est nécessaire de démontrer, sans tarder, l’existence d’une volonté sincère de rapprochement qui va au-delà des intérêts électoraux conjoncturels, et que la normalisation avec le Maroc n’est pas une question d’agenda électoral. Le deuxième point important est de sortir, au plus vite, de l’aspect « folklorique » de la communication entre les deux pays. Les Marocains ne marchent pas uniquement à l’émotionnel et l’effet de la séduction n’a pas d’effet durable sur eux. Dans le pourtour méditerranéen, ils font plus l’exception que la règle puisqu’ils sont un mélange unique d’émotivité et de pragmatisme. Outre leur côté sentimental, il faut donc, aussi, draguer leur coté utilitariste.
Du côté des Marocains, nous devrions sortir de la doctrine selon laquelle nous avons rétabli nos liens avec Israël dans le cadre d’un troc qui serait « le Sahara contre la normalisation ». Certes, le discours officiel a été on ne peut plus clair à cet égard en dissociant les deux dossiers, mais tous les Marocains établissent un lien direct entre les deux affaires. Ce qui suppose un gros risque pour la pérennité du rapprochement s’il n’arrive pas à se frayer son propre chemin. Outre cet aspect, il y a un besoin immédiat de sensibilisation contre les préjugés et les idées reçues concernant à la fois l’État d’Israël et le judaïsme en général. Tant que ce pays est vu, au Maroc, uniquement à travers le prisme du conflit israélo-palestinien sous sa version la plus subjective, il n’y aura pas de véritable rapprochement. Et, sur un autre aspect, il est temps d’œuvrer sérieusement et honnêtement à balayer tout l’antisémitisme cultivé par le Wahabisme dans notre culture religieuse. Une purge par tous les moyens s’impose.
Enfin, pour ce qui est des choses que nous sommes censés faire ensemble. Je pense qu’il existe vraiment deux aspects sur lesquels il faut se concentrer : s’affranchir des barrières psychologiques de la méfiance et oser, dorénavant, appeler les choses par leurs noms. Aucune coopération multidimensionnelle ne peut être construite dans la méfiance. Mais pour surpasser cela, les deux parties devraient aller vite sur des projets conjoints ayant une aussi grande dimension stratégique qui, à elle seule, prouverait l’existence de la foi dans un avenir commun de part et d’autre. Et enfin, il est temps de commencer à « se tutoyer » et à se parler clairement et directement. Il faut en finir avec les plans à trois.