Gabriel Banon répond à Michael Zaoui : quelle gouvernance mondiale ? quelle démondialisation ?

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Par Gabriel BANON, géopoliticien, consultant international 

Le 6 mai dernier, lors d’un débat organisé au Maroc par le Club marocain d’études en relations internationales, Michael Zaoui (membre de la Commission Spécial sur le Nouveau Modèle de Développement NDLR), banquier d’affaires, connu et reconnu sur la place financière de Londres, est intervenu*. 

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C’est des États-Unis, où il est confiné, qu’il a donné son analyse de la crise sanitaire due au coronavirus, qui frappe le Monde. Il a développé sa contribution sur six axes : la mondialisation qui est remise en question, la gouvernance mondiale défaillante, l’état protecteur heureusement de retour, la relocalisation, la production industrielle qui retrouvera des couleurs qu’en 2023 et enfin la place nouvelle des scientifiques. 

Je me dois de préciser à Michael Zaoui que : 

-La mondialisation n’est nullement remise en cause, si tant est que l’on puisse remettre en cause une évolution. La mondialisation n’est pas une organisation pensée, voulue et ordonnée par je ne sais quel suprême pouvoir, mais tout simplement une évolution des relations internationales, que l’on peut éventuellement ralentir, mais surement pas arrêter. 

- Il n’y a pas et il n’y a jamais eu de gouvernance mondiale. C’est méconnaître les réalités de la géopolitique. L’ONU n’a jamais été chargée de gouverner le monde, mais d’éviter des conflits armés, essentiellement par la négociation. Lorsque les casques bleus interviennent, c’est principalement comme des forces d’interposition et jamais en faveur d’un des belligérants. Le Conseil de sécurité intervient, en urgence, dans les cas de menaces pour la paix. L’OMS est surtout un organe d’études et ne peut que formuler des recommandations. Elle n’a aucune autorité pour intervenir dans aucun état. S’il y a eu forfaiture, elle ne peut venir que de la gouvernance des pays concernés. 

- Michael Zaoui salue le retour de l’État protecteur. Cela m’étonne de la part d’un banquier qui devrait être attentif à l’économie libérale. Si l’État assume les risques des entreprises, il faut vraiment que cela soit limité dans le temps, car c’est la porte ouverte aux dirigismes qui mène directement au totalitarisme. 

D’une façon plus générale, faire des citoyens dépendants n’a jamais été au bénéfice de la grandeur d’un peuple, à moins que nous acceptions le dirigisme économique et la suprématie de l'État. Sommes-nous prêts à devenir tous des assistés ? Je ne le crois pas

 - Michael Zaoui pense que les entreprises rattraperont les pertes de production pas avant 2023. Il y a deux catégories de productions, celles liées à la presse-papier, la restauration, l’industrie hôtelière, le transport et le tourisme. Dans ces activités, les pertes sont irrattrapables, car elles sont du genre consommable. Par contre les industries liées à l’équipement, les besoins sont différés et donc seront rattrapés. 

- L’utopie des relocalisations n’est pas partagée par Michael Zaoui, heureusement, car ce qu’il ne dit pas, est que le consommateur est le juge final et par conséquence, les causes étant toujours là, c’est le prix de revient qui peut éventuellement justifier une relocalisation. 

- Les scientifiques ont toujours été honorés par tous les régimes, mais si Michael Zaoui fait allusion au corps médical, il faut souligner que l’on a assisté à des empoignades d’égos qui n’avaient pas leur place par ces temps de crise. Certains médecins ont tout simplement voulu se substituer au pouvoir politique et cela a été plutôt contre-productif. 

Par contre, je n’ai aucune critique à faire sur ses commentaires financiers, Monsieur Zaoui est un orfèvre en la matière. Une dernière remarque, il ne faut pas conclure en partant d'une situation de crise, où l'émotionnel l'emporte sur la raison.

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