société
In memoriam : GABRIEL BANON, UNE VIE, DES VIES... - Par Mustapha SEHIMI
Gabriel Banon avec Yasser Arafat le défunt leader de l’Organisation de Libération de la Palestine, décédé suite à une agonie suspecte
Gabriel Banon est décédé à l’âge de 96 ans, ne daignant pas accorder à la vie un siècle d’existence, déjà bien pleine de son énergie et de dons de sa pensée et ses actes produisaient. Mon ami Mustapha Saha, sociologue, auteur et peinte, chroniqueur au Quid aussi, en apprenant l’ultime voyage de Gab le Magnifique, m’a envoyé ces mots : « Natif de Casablanca. Une vie foisonnante de capitaliste paradoxal, schizophrène, rhizomique, profondément attaché à ses racines marocaines. Un jour, je lui demande : "Comment peut-on être pro-palestinien et pro-israélien ?" Il me répond : "C'est mon malheur" ». Il était ainsi un pro-israélien de la paix, ami des Palestiniens et de Yassine Arafat, qui a aussi gratifié bénévolement le Quid de ses chroniques. Je n’ai jamais eu l’occasion de l’en remercier. Dans ce texte, Mustapha Sehimi, une amitié particulière les liait, parle de son « long parcours décliné autour de multiples séquences professionnelles à 1'international. Mais au cœur, toujours, cette flamme : celle du Maroc. » Naïm Kamal
Il nous a donc quittés, i1 s'est teint dans la nuit du dimanche lundi dans une clinique de Casablanca. Âgé de 96 ans - i1 était né en 1928 dans cette même métropole. La tristesse, évidemment, tant i1 est vrai qu'il paraissait enjamber les décennies comme s'il était mu par quelque grâce olympique. Un long parcours décliné autour de multiples séquences professionnelles à 1'international, oui sans doute. Mais au cœur, toujours, cette flamme : celle du Maroc. Sa marocanité ? Un héritage millénaire qu'il assumait : son père, proche du Sultan Mohammed V, était président de la communauté israélite de Casablanca; sa judéité était assumée mais sans bigoterie rabbinique par exemple. Il y voyait avec bonheur sa consécration dans le préambule de la Constitution de 2011 sur la nature plurielle de 1'identité marocaine. Une réappropriation culturelle et historique dont il savait gré à SM Mohammed VI...
‘’Gaby", comme l'appelaient ses proches et ses familiers, était une personnalité complexe avec un cursus qui l'avait conduit à évoluer dans bien des sphères internationales. Ce qui a, malgré tout, marqué sa vie c'est cette réponse qu'il m'a faite un jour: " Les dix ans auprès de Yasser Arafat (1993-2002) comme conseiller économique... " I1 était intarissable sur cette décennie partagée avec le leader historique de l'OLP/. Il en a rendu compte dans un livre paru en 2010 : "Le Partage de la mémoire". Il en a publié une dizaine d'autres, passant allègrement d'un genre à l'autre: poésie, romans policiers et historiques, géopolitique, etc.
Voici un an à peine, il jetait un gros pavé éditorial avec un livre: "France, la Grande désillusion" sur l'état des lieux de l'hexagone et sur ce qu'il avait appelé son "mal à la France". Son amertume était là, lui qui gaulliste de gauche, avait été l'un des membres du cabinet de Pompidou, alors Premier ministre, et l'un des artisans de la politique industrielle de cette période. Autres sphères où il s'était distingué ensuite: Outre-Atlantique avec son amitié pour l'ancien président américain, Gérald Ford et d'autres responsables au Pentagone ou au Département d'État; à 1'Est, aussi, où dans le cadre de la coopération économique avec 1'URSS, il avait connu un certain Vladimir Poutine avec lequel le contact avait été entretenu - il l'avait reçu au Kremlin voici deux ans; au Moyen-Orient encore où il était consultant de chefs d'État; enfin, dans le continent sur des dossiers financiers et économiques. Par-delà tout ce tableau, c'était un grand esprit, cultivé, affectueux, fidèle en amitié, militant pour la paix et la liberté, avec un engagement d'un Marocain pour le Maroc et ses fondamentaux dont son intégrité territoriale avec un lobbying infatigable, discret et constant...