chroniques
La ballade des gens malheureux
Mohammed VI à la veille de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, une photo qui restera dans l’histoire à l’image de Hassan II au stater block de la Marche Verte
Que même Le Canard enchainé encense le Maroc, cela n’a pas dû être du goût de tout le monde. Il y a subitement, comme ça, de l’urticaire dans l’air. On assiste du coup, et par petites touches, à une offensive concertée, comme si quelqu’un avait donné un coup de pied dans un nid de frelons léthargiques.
Dernière livraison, un texte publié, signé Omar Brouxy, dans le site Orient XXI d’Alain Gresh. Pour ceux qui ne connaissent pas ce dernier, il fut, au faîte de sa gloire, une figure de proue de la galaxie altermondialiste. Au début des années 2000, alors qu’il était le rédacteur en chef du mensuel le Monde diplomatique, il avait fait de ce journal une planche de salut pour un inconnu du nom de Tariq Ramadan, avec qui il partage la même origine égyptienne. Sans verser ni dans le pathos ni s’égarer dans l’analyse de comptoir, on pourrait aisément expliquer l’engagement stakhanoviste de Gresh par son passé. Il est le fils d’Henri Curiel. Né au Caire, dans une famille juive prospère, Curiel était un militant communiste invétéré. Il s’était pleinement engagé dans le combat pour l’indépendance de l’Algérie, ce que l’OAS ne lui avait pas pardonné. Il fut assassiné, le 4 mai 1978, à Paris. Communiste lui-même, depuis sa jeunesse, Gresh quittera Le Monde diplomatique en 2015 pour la retraite. Les journalistes, comme les politiques, ne meurent jamais avant qu’on ne mette une pierre tombale sur leurs dépouilles. A 72 ans aujourd’hui, il préside aux destinées d’un site qu’il a fondé et dont, tiens-tiens, il va, un moment, confier la direction de la rédaction à Boubeker Jamai. Celui-là même qui, dans Le Journal hebdomadaire, n’était autre que l’ancien patron d’Omar Brousky et de la sémillante Zineb El Ghazoui.
Gresh à un passé. On ne peut pas en dire autant d’Omar Brousky. Au Maroc, il y a une saillie méprisante qui dit en substance :« sept métiers et point de fortune ». Il s’appliquerait admirablement à notre personnage. Ancien enseignant à Settat, il est rentré dans le journalisme comme on rentre dans l’armée pour mener une guerre, la sienne, monomaniaque. Du Journal hebdomadaire, il officiera, un moment, comme pigiste à l’AFP, à Rabat, dont il sera viré comme un malpropre. Brousky a une marotte, c’est Mohamed VI. Il veut faire sur son dos une fortune symbolique. Son rêve, comme ils sont plusieurs à le nourrir, c’est de renouveler l’exploit d’un Gilles Perrault. Il en est à son second livre sur la monarchie. Recycleur en chef des friperies désuètes de Catherine Graciet et d’Éric Laurent, ces deux-là, pour ceux qui l’ignorent encore, sont devenus, en fin de carrière, barbouzards et maître-chanteurs. Il a aussi comme mentor un certain Ignace Dalle, une autre plume qui a avec le Maroc, un rapport névrotique et qui, lui aussi, fricote dans Orient XXI. Autant dire, avec tous ces personnages, on navigue dans une mare stagnante et fétide. C’est la ballade des gens malheureuxdans une cabine téléphonique.
Depuis vingt ans, et avec des fortunes diverses, cet aéropage, ce même réseau cogne, sourdement et assidument, sur le Maroc. Quand le roi parle, ils considèrent que c’est de la logorrhée sans suite. Quand il agit et ne parle pas, ils s’inquiètent sur le sens de ce silence, jusqu’à imaginer, de manière éhontée, qu’il a quitté clandestinement le pays. Ils prennent en pitié le Premier ministre pour son peu de marge de manœuvre, oubliant qu’il est le collaborateur du roi comme le fut Fillon auprès de Sarko. On ignore pour qui ils écrivent. En France, ils ont leur public, de plus en plus mince, viscéralement monarchiphobe et gourmand de ce type de littérature. Avec les Marocains, ils n’ont aucune chance. Ils n’ont pas encore compris que les Marocains, des lors qu’il s’agit de ce Roi-là précisément, sont de fins gourmets et que leurs palais délicats ne tolèrent pas n’importe quel met, surtout avarié. Eh oui, le peuple marocain préfère avoir tort avec son Roi qu’avoir raison avec les collabos…quand bien même avec un virus.
N’en déplaise à ces Cassandres de petites factures, le Maroc sortira de la crise sanitaire transformé. Et avec l’idée fortifiée d’être un Etat-nation moderne. Même le marché, jusqu’à ici si arrogant, s’est réfugié dans ses bras. Le covid-19 a mis, si j’ose dire, l’Etat au milieu du village qui est, selon l’adage bien français celui-ci, la place habituelle de l’église, fermée pour le coup. L’urgence de protection des citoyens a lustré l’Etat chérifien dans l’une de ses principales fonctions, celui d’assurer la protection de son peuple. Il est ainsi, et en quelque sorte, le premier garant de l’article 3 de la déclaration universelle des Droits de l’homme ainsi formulé : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sureté de sa personne ».