La ''collapsologie'' ou l'effondrement inevitable

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Les collapsologues interviennent en tentant de justifier "scientifiquement" leur croyance en l'effondrement global. Sur quelles bases ? En avançant un ensemble de travaux sur ce qui est appelé "la grande accélération…

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Voici qu'avec cette pandémie COVID-19, le catastrophisme rebondit, pas seulement dans certains pans de l'opinion publique, mais dans de nombreuses latitudes d'ailleurs. De quoi s'agit-il ? De certitudes avancées par divers auteurs - les collapsologues - lesquelles nourrissent une nouvelle discipline, la collapsologie. Une théorie ? Plutôt des théories. 

Cette histoire de grand effondrement, on la trouve dans toutes les civilisations : elle est ancienne. Pour ne citer que la tradition chrétienne, la référence est l'apocalypse. Puis, dans la seconde moitié du XIXème siècle, des récits évoquent la fin du monde pour avancer des anticipations scientifiques. Suit, à partir des années 1950, la montée environnementale avec ses dégâts (épuisement des ressources, pollutions grandissantes, démographie galopante...) - de quoi mettre l'humanité en danger de disparition. En 1970, il y a eu la Déclaration de Menton, le premier appel des scientifiques contre la pollution nucléaire atomique ; puis, le rapport du professeur Dennis Meadows (Université du New Hampshire), et de trois autres scientifiques (MIT) sur le danger pour l'environnement planétaire de la croissance démographique et économique de l'humanité. 

Mais cette perspective reste assez floue. Et c’est avec le changement climatique et l'annonce d'une ère géologique nouvelle qu’une phase différente est notable. La Terre comme système enregistre une modification, et l'on bascule alors de la question du développement durable - ou encore de la croissance contrôlée - à celle de la transition écologique. La théorie des systèmes prévaut de plus en plus ; elle pèse fortement sur la question environnementale. Arrive ainsi un renouveau de la théorie de l'effondrement.

Les collapsologues interviennent en tentant de justifier "scientifiquement" leur croyance en l'effondrement global. Sur quelles bases ? En avançant un ensemble de travaux sur ce qui est appelé "la grande accélération : " croissance exponentielle, pollution exponentielle et population exponentielle. Des données sont sélectionnées pour soutenir une catastrophe à terme. Une perspective ou plutôt un constat d'effondrisme ! A leurs yeux, la civilisation thermo-industrielle est un système tellement complexe et interconnecté que la moindre perturbation de l'extérieur ou de l’intérieur suffit pour qu'il s'effondre, remplacé par un autre... Une approche prédictive critiquée. Il lui est reproché de multiplier les références à des articles scientifiques, de compiler des résultats et d’accumuler des données chiffrées - pas vérifiées et recoupées - qu'ils présentent comme des arguments d'autorité. Leur certitude de l'effondrement repose sur des systèmes complexes alors que, précisément, une telle complexité écarte la possibilité de prévoir.

Il faut bien voir que la collapsologie, avec toutes ses variétés chez les uns et les autres, participe de ce fait : un constat d'impuissance. Elle présente également un contraste : d'un côté, la litanie des chiffres témoignant de l'aggravation de la situation ; de l'autre, une quasi-absence de réponse pouvant entraîner de manière crédible l'adhésion. Le discours dominant, ici, retient 2030-2040, pour la catastrophe devant s'abattre sur la Terre. Alors, que faire ? L’idée serait de se préparer à la survie ; de réfléchir à différentes façons de vivre cette apocalypse annoncée sinon programmées, d'aménager au mieux le temps qui reste. D'une autre manière, priorité à une réappropriation d'un ensemble d'initiatives : la permaculture visant à créer des écosystèmes dont l'inspiration viendrait de la nature et de son fonctionnement ; l'écoféminisme, ce courant philosophique mixte (philosophique, éthique et politique) - où sont mises en cause les connexions existant entre la domination des hommes sur la nature et celle qu'ils exercent sur les femmes ; ou encore l'agroécologie, les villes en transition, etc. Tout cela n'échappe pas à un examen interrogatif et même critique : que font les collapsologues pour aider à mieux connaître les relations sociales qu'ils établissent ? Quels rapports avec les pouvoirs locaux ou autres ? Quels leviers utilisent-ils ? Comment pratiquent-ils la démocratie ? Comment prennent-ils soin de la nature et des autres humains ? Que proposent-ils pour mieux utiliser les processus naturels dans le contexte et le périmètre social dans lequel ils interviennent ?

La théorie de l'effondrement, pour attractive qu'elle puisse être pour certains, se trouve au niveau global face à une impuissance cognitive et politique. Des prévisions sont faites, mais que faire ? Le GIEC a prévu l'augmentation de la température globale mais cela reste vague pour ce qui est des trajectoires des différentes parties du monde - par exemple, le réchauffement serait pire au Nord et en Sibérie qu'ailleurs. Même indétermination pour l'érosion de la biodiversité. L'on sait que 68 % des invertébrés sont en effectif réduit et menacés. Or, pour agir, il faut savoir quelles sont les espèces présentes et les interactions qu'elles entretiennent entre elles. Comment, par ailleurs, substituer des formes d'agroécologie aux techniques d'agriculture productives actuelles sans susciter des tensions sociales voire des luttes politiques ?

Autre critique : la collapsologie privilégie des chiffres globaux et prône ainsi un pilotage global de la Terre. Mais peut-être faut-il aussi se préoccuper d'une autre histoire globale de l'environnement, différente de celle fournie par les grands organismes internationaux (ONU, GIEC, ONG). Référence est faite ici à une histoire populaire des luttes, de l'écologisme des citoyens d'en bas, à une géographie des lieux de lutte et de vie dans le monde, sans oublier un Atlas de la justice environnementale. Une géographie sans doute mais en même temps une histoire - une sorte d'histoire populaire de l'écologie. Un niveau d'analyse et d'action avec une polarisation global/ local ne minorant pas le rôle des Etats. La pandémie actuelle COVID-19 illustre combien les attributions régaliennes de l'Etat sont en première ligne pour la protection des citoyens !

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