La démocratie et le paradoxe sanitaire

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Le paradoxe sanitaire est, selon certains, imparable. Peut-on garder toutes libertés intactes et, en même temps, sauver des vies contre le coronavirus ? Peut-on exercer un confinement confiscatoire vigoureux sans annihiler, ou du moins réduire drastiquement, les libertés individuelles. Les Etats autocratiques sont-ils les seuls à même de réussir la lutte contre Covid-19 ? Les démocraties sont-elles condamnées, fatalement, à devenir des « cluster » du virus ? A dire vrai, il semble que c’est l’impact économique qui agite plus nos observateurs occidentaux que l’impact sur la démocratie.     

Certains commentateurs ont fait savoir, au sujet du Maroc, notamment, à travers leurs écrits, analyses ou points de vue, que l’absence de démocratie a favorisé la lutte contre le Covid-19. C’est intéressant ! 

Selon eux, une population disciplinée, privée de ses droits élémentaires, dominée par le pouvoir, et vivant sous le joug d’une autocratie réagit, en général, mieux qu’une démocratie libérale, européenne par exemple, dans la lutte contre le coronavirus.

Le fait que le Maroc s’en sorte mieux que d’autres : anticipation, pro-action, fermeture des frontières « tôtive », confinement à temps, masques à disposition, dépistage, test, prise en charge médicale etc. est dû pour le moins au hasard ou plutôt à une aberration de la propagation du virus lui-même.

Le paradoxe sanitaire devient un paradoxe politique. Si tu résistes au coronavirus c’est que tu n’es pas démocratique. Et si tu es ravagé par la pandémie tu es soit un pays développé, ou soit un pays qui est démocratique.

Prenons un exemple : les masques ! Pourquoi le Maroc a presque atteint l’autosuffisance en ce produit vital dans la lutte contre la pandémie et pas la France ?  Et pourtant le tissu industriel français est conséquent, ses ingénieurs sont les meilleurs au monde, ils sont les meilleurs ouvriers de la planète etc. Pourquoi la France a calé sur ce produit à la technologie basique. Le pays qui a inventé — ce qui est une prouesse admirable — Le Concorde n’est pas capable de protéger correctement sa population contre le Covid-19. 

C’est peut-être le pays avec la meilleure protection de santé au monde, mais qui a paupérisé son système hospitalier à coups de mesures libérales. La France dépense chaque année 3 000 € par habitant en soins de santé mais ne fait pas le poids vraiment face à un virus particulièrement déstabilisateur. Le fait que les puissants lobbies pharmaceutiques mènent la danse, y compris, autour du président, à l’Elysée, à travers le Comité scientifique, est-il une manifestation suprême de la démocratie française ? Au final, en quoi ce gâchis, cette gabegie, ont à avoir avec la démocratie française. Cela qualifie-t-il davantage ce pays à tourner en ridicule les politiques des pays émergents du sud, à stigmatiser avec mépris et sans justification aucune le statut de la Chine ou à condamner les Africains à subir l’expérimentation hasardeuse de nouveaux vaccins ?  

Pour bien comprendre la situation française, il y a un article du 19 avril 2020, dans Le Figaro, de l’universitaire Pierre Vermeren, qui connait par ailleurs très bien le Maroc, pays où il a enseigné, qui avance que « Le sentiment de déclassement de nombreux Français masquait une vérité que peu voulaient connaître : la cinquième ou sixième puissance économique mondiale est un pays déclassé. » Et ce déclassement s’est fondé sur un malentendu terrible : « La promesse faite aux Français d’un État protecteur, éducateur, visionnaire et architecte, en un mot stratège, dont les premières dépenses publiques au monde sont acceptées du fait de notre contrat social, est rabaissée au rang de gestionnaire endetté et dépassé. » Le résultat donc s’impose méthodiquement :« La France est revenue à sa condition de pays méditerranéen aux côtés de ses sœurs latines, l’Espagne et l’Italie, littéralement fauchées par la crise du coronavirus. »

C’est dans ce contexte assez accablant que fleurissent, dans la presse et dans les télévisions d’information en continu en France, les approches les plus méprisantes sur les pays qui ont un système politique différent comme la Chine, les évaluations les plus absurdes sur des pays en transition vers la démocratie la plus avérée, comme le Maroc par exemple, les énoncés les plus ouvertement racistes comme pour tout ce qui touche à l’Afrique. Nous en sommes dans une situation où la pertinence, la sagacité ou l’intelligence ne s’exerce pas sur soi mais plutôt faussement sur les autres.

Prenons le cas du Maroc, cela fait des décennies que ces mêmes bienpensants pavloviens nous annoncent sans rougir ni trembler de leur ignorance : l’effondrement de la monarchie, le tsunami islamistes, la lutte finale, le ras de marée social etc. C’est devenu un genre éditorial mais qui, malheureusement, pour eux, impacte peu, et se vend de plus en plus mal.

Mais ce qui est réconfortant dans ce extravagance c’est que de nombreux médias dans le monde ont reconnu honnêtement et spontanément la politique suivie par le Maroc en la matière.   

Dans l’affaire du Coronavirus au Maroc, il est patent pour toute l’opinion publique internationale que le Maroc avec ses moyens limités, l’état de ses structures médicales, la faiblesse des statuts des personnels de santé le pays est parmi ceux qui ont réagi avec le plus d’intelligence, d’anticipation et d’efficience. Cet avantage comparatif incomparable vient du fait que dès la première heure de la pandémie le Chef de l’Etat, le Roi Mohammed VI, a pris toute la mesure de la situation et a entrainé dans une dynamique vertueuse le gouvernement, la société civile, les rouages de l’Etat, les forces vive de la nation etc.

Le résultat est là aujourd’hui. Le confinement marche. Le système de santé répond. Les masques se vendent dans les pharmacies. Le nombre de guéris augmentent. Le nombre de tests aussi. L’accompagnement économique de la crise est universel ou presque ! Il ne reste qu’un chose, c’est de ne pas rater la fenêtre qui est ouverte devant nous pour refonder, pour ce pays, un nouveau pacte social dans le cadre d’un nouveau modèle économique.