La Grenade Marocaine - Par Seddik Maaninou

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Ses cinq kilomètres de remparts lui servent d’écrin tant la cité a été tout au long de son histoire un joyau convoité.

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J'ai trouvé des difficultés à accéder à l'hôtel donnant sur "Jbel Dersa", car tout a changé à Tétouan. La "Colombe Blanche" ou la "Petite Jérusalem" est devenue plus élégante et plus vaste, tout en préservant sa profondeur historique. Sa vieille ville en fait une jumelle de Grenade et Séville.

Assayida al-horra

Dans les vieux quartiers de la cité, la civilisation islamique et la culture marocaine continuent de résonner au son de la musique andalouse. C'est la seule ville dans l’histoire du royaume à avoir été gouvernée par une femme d'origine andalouse, "Assayida al-horra’’ (La Noble Dame) dont la renommée s'est répandue au XVIe siècle en tant que première femme, depuis l'avènement de l'Islam, à gouverner, mener un djihad maritime, assiéger Sebta, et mettre en difficulté les Espagnols. Le sultan wattasside Moulay Ahmed, à la fois fasciné et perturbé par elle et par ses menées, lui a demandé sa main et s’est rendu à Tétouan pour les noces. La Noble Dame, tenant à sa liberté, a exigé de rester à Tétouan et de ne pas accompagner le sultan à Fès. Ainsi fut fait !

Place Feddan

Ses cinq kilomètres de remparts lui servent d’écrin tant la cité a été tout au long de son histoire un joyau convoité. J'ai visité l'une de ses sept portes, Bab ‘Oqla et Bab Noader,  la mosquée Kasbah et me suis souvenu de l'école du chef Omar Loukache (1758) et j'ai admiré le réseau hydraulique rare que ce chef a fondé au XVIe siècle. J'ai longuement flâné dans le "Paseo" et me suis arrêté sur la place "Feddan", me rappelant ma première visite à Tétouan où j'ai découvert une ville sereine et élégante.

Occupation

Tétouan a connu des temps douloureux, notamment la guerre de 1860 lorsque les Espagnols ont rassemblé de grandes armées qui leur ont permis de conquérir la ville. Ils l'ont appelé "Guerre d'Afrique" et ont transformé sa mosquée en église, y sont restés plus de deux ans avant de quitter la ville après avoir imposé des compensations injustes à la trésorerie marocaine presque vide. Ils ont également exigé l'ouverture des marchés marocains à leur avantage.

Première École

À une époque, les Espagnols vivaient à Tétouan dans les mêmes quartiers que les habitants locaux, partageant rues, cafés et fêtes... Tétouan abritait aussi une communauté juive qui a fondé la première école moderne du Maroc en 1862 avec le soutien de l'Alliance Israélite Universelle, tandis que les habitants de Tétouan ne purent ouvrir une école islamique libre qu'en 1919, elle était également la première du genre au Maroc.

Ordres du Sultan

Les Espagnols n'étaient pas les seuls à s'installer à Tétouan. En 1830, après l'occupation de l'Algérie, des centaines de Tlemcénis ont émigré à Tétouan dont, notamment, des commerçants et des artisans... Ils sont arrivés dans un état lamentable, si bien que le sultan Moulay Abderrahmane a ordonné à son agent à Tétouan, Mohammed Achach, de les accueillir... Il a écrit dans une lettre que j'ai pu consulter : "Recevez-les avec le sourire et apaisez leurs cœurs avec honneur et courtoisie envers nos frères musulmans.".

Chute de la France

Mon père a séjourné plusieurs années à Tétouan lorsqu'il y a été exilé par le colonialisme français et a contribué à fonder l'Institut Moulay El Mehdi en 1937 et à envoyer la première mission culturelle pour étudier en Égypte. Il a parlé dans ses mémoires d'une manifestation qu'il a menée à Tétouan en 1939 lorsque les Allemands ont commencé à occuper la France. Le slogan était "À bas la France... Vive le Maroc". Il y a évoqué également Tétouan, sa renaissance et ses familles andalouses... Il a aussi parlé du vice-sultan, de son palais, de son gouvernement et de ses conseillers.

Premier Journal

À Tétouan, les nationalistes ont demandé en 1931, dans une lettre au président de la république espagnole, la création de conseils municipaux, d'un conseil consultatif et d'une presse libre. Ils ont été les premiers à réclamer l'indépendance et l'unité. À Tétouan, la première organisation patriotique a été fondée et une presse libre a émergé. Le premier journal à Tétouan, et au Maroc, est apparu en 1860, L'Écho de Tétouan.

Réservé aux Femmes

À la fin d'une courte visite, je me suis promené sur les plages proches. A Fnideq, M'diq et Martil... J'ai été étonné par tout... Les plages qui étaient négligées ont été embellies par le roi Mohammed VI, les terrains vagues transformés en espaces verts, propres et bien aménagés. Un Éden pour les yeux... À Martil, je me suis souvenu de mes premières visites. La plage était entourée de baraques et les habitants de Tétouan y séjournaient durant les périodes estivales. La plage était divisée en deux parties, l'une pour les femmes et l'autre mixte. Les gens respectaient cette disposition sans qu'il y ait de barrières. Tétouan aujourd'hui essaie de préserver son authenticité et ses racines andalouses marocaines. Tétouan que j'aime et que je reviendrai visiter.

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