chroniques
La mythomanie au sommet de l’Etat – Par Seddik Maâninou
On ne sait pas ce que l’histoire retiendra de Tebboune. Est-ce qu’il était avec les chiffres ou son faible pour leur exagération
L'histoire retiendra que l'ère du président Abdelmadjid Tebboune a été marquée par les longues files d'attente. Les Algériens ont réappris avec lui ce qui a été leur lot avant l’ère Bouteflika : se lever tôt et faire la queue pour trouver un sachet de lait, un litre d'huile ou un kilo de lentilles, dans ce pays exportateur de pétrole et de gaz qui est le leur.
Les milliards de Tebboune
L'histoire retiendra également que Tebboune a annoncé que son pays allait dessaler un milliard trois cent millions de mètres cubes d'eau de mer en une seule journée. On a d’abord cru à une erreur de lecture des chiffres, mais il a réitéré la même énormité devant l'Assemblée générale des Nations Unies, à la stupéfaction de ses rares auditeurs.
Mais son histoire avec les milliards ne se limite pas à l'eau. Devant le secrétaire d'État américain aux affaires étrangères, il a annoncé que l'Algérie produirait cinq milliards de tonnes de blé, dont elle consommerait neuf millions de tonnes, et le reste « nourrirait l'Afrique et d'autres ».
Il a également annoncé que le produit intérieur brut actuel de l'Algérie est estimé à deux cents milliards de dollars, et qu'il doublerait, au plus tard en deux ans, à quatre cents milliards de dollars.
Il a aussi plusieurs fois déclaré que le nombre de martyrs algériens lors de la guerre d'indépendance n'était pas d’un million et demi, mais de cinq millions six cent cinquante mille martyrs.
Les milliards de Bouteflika
Mais il n’y a pas que Tebboune qui a tenté d’endormir l'opinion publique algérienne par son faible pour la progression géométrique de ses chiffres, le président Bouteflika l’a devancé lors de sa deuxième campagne électorale à Béchar, en annonçant que « votre pays, l'Algérie, est maintenant capable d'organiser non seulement une, mais deux Coupes du monde de football ».
Annonceite
L'histoire retiendra encore que le président Tebboune a saisi toutes les occasions pour présenter des promesses séduisantes qu'il n'a pas pu tenir. La liste est longue, notamment son discours lors de sa campagne électorale à Tamanrasset où il a promis à la population locale « que nous construirons un train rapide entre Tamanrasset et Alger, près de 2000 km, transportant des passagers en quelques heures à un prix abordable pour tous ».
Durant ce premier mandat à bout de souffle, il a multiplié les projets produits d’une inflammation des effets d'annonce, y compris que l'Algérie produirait du phosphate en quantité qui en ferait la première régionalement et la troisième mondialement. Il a aussi rêvé éveillé de transférer les eaux entre les bassins hydriques pour la première fois dans le pays, alors que le Maroc l’avait réalisé en un temps record, sans grand bruit, reliant le bassin de Sebou à celui du Bou Regreg.
Pour le lancement de sa nouvelle campagne électorale sans s’être déclaré, il est revenu au même style, mais cette fois-ci en présentant des promesses comme si elles avaient été réalisées, telles que la mine de Gara Djebilet, une ligne de chemin de fer de mille kilomètres, et la route entre Tindouf et Zouerate en Mauritanie, une zone franche entre Algérie et dans les pays voisins, et l'établissement du plus grand port de la Méditerranée prochainement près d'Oran d'où partiront des autoroutes vers le cœur de l'Afrique, ainsi que l'allocation de cent mille hectares pour la production de lait en poudre dans la région d'Adrar, connue pour sa sécheresse, où les habitants reçoivent l'eau potable par des citernes mobiles.
La plus grande tromperie
Mais peut-être que la plus grande tromperie a été celle pour laquelle Tebboune a tambouriné et voyagé à Moscou, faisant allégeance à Poutine, avant de se rendre en Chine, lui ouvrant grandes les portes de l'Algérie, annonçant ensuite que l’adhésion aux BRICS en raison de la puissance économique, était dans la poche. Le rejet public de sa candidature viendra comme une gifle d’autant plus forte que le refus était motivé par l’absence du niveau requis pour l'adhésion.
Sans doute que les mensonges du président ont touché d'autres domaines comme dire que l'Espagne avait proposé à l'Algérie de lui céder nos régions du Sahara, et que le président américain George Washington avait offert plusieurs pistolets à l'Emir Abdelkader, sans parler de la confusion entre Alexandre le Grand et Nicolas II.
Les incendies
L'histoire se souviendra encore que lors de l'ouverture d'une exposition à Alger que Tebboune s'est tenu devant un simple exposant américain, chargé de vendre des tracteurs, et lui a demandé des avions pour éteindre les incendies en Algérie de toute urgence, affirmant que son pays était prêt à payer immédiatement. L'Algérie avait alors connu une saison estivale marquée par de grands feux d forêts dans la région Kabyle, où les militaires ont découvert qu'ils n'avaient même pas un seul appareil pour combattre les incendies. Et dire que le président avait refusé une offre d'aide marocaine et envoyé de jeunes recrues à une mort certaine.
Les prisons
Il serait futile de poursuivre cette longue liste de tromperies dans une Algérie qui vit sous le coup de la répression des libertés et le remplissage des prisons. Des politiciens, des journalistes, des opposants, des hommes d'affaires sont jetés en permanence dans les geôles suivant une politique répressive violente qui a anéanti ce que le mouvement béni du Hirak avait montré du désir des Algériens de changement et de libération d'une dictature militaire.
Le bilan
C’est pourtant ce bilan de mythomane après cinq années de règne d'un président qui n'a été élu qu'avec un faible taux suite au boycott massif des urnes par le peuple algérien, désormais dépressif. Il est désormais condamné à qui vivre dans un état de siège permanent, alors que l'Algérie est l'unique pays exportateur de pétrole et de gaz dont ses jeunes se risquent sur les bateaux de la mort, à la recherche de la liberté, d'espoir, et de vie tout court.