Le loup dans la bergerie

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Les rapports de la Cour des Comptes se suivent et se ressemblent, ou presque. Celui de 2018 qui vient d’être présenté au Souverain, et disponible sur le site officiel de la Cour, ne fait pas exception. Nécessairement, il faut de la patience et de la passion pour lire les quelques 2000 pages des deux tomes : celui de la Cour des Comptes et celui des Juridictions Régionales qui traitent essentiellement des affaires des collectivités territoriales. Heureusement que les rédacteurs ont jugé utile, sur un plan pédagogique, d’en faire un résumé de 278 pages sous forme de « faits saillants ». Rendons hommage, de prime abord, au travail effectué par les Juges de la Cour qui se sont mobilisés une année durant pour présenter un rapport bien fouillé et documenté. Ainsi, le nombre de missions de contrôle effectuées au titre de l’année 2018 a considérablement augmenté par rapport aux deux années précédentes : 274 contre 160, outre la diversité du domaine d’intervention des juridictions financières, englobant ainsi la plupart des secteurs publics vitaux.

Il est à noter que la Cour des comptes a effectué 50 missions en matière de contrôle de gestion des organismes publics et d’évaluation des programmes publics. De même, les chambres de la Cour ont rendu 181 arrêts concernant la vérification et le jugement des comptes, et 15 arrêts traitant de la discipline budgétaire et financière.

D’autre part, le ministère public près les juridictions financières a déféré 114 personnes mises en cause devant ces juridictions en matière de discipline budgétaire et financière. Aussi, le Procureur général du Roi près la Cour des comptes a saisi le Président du ministère public de huit affaires concernant des faits de nature à justifier des sanctions pénales.

La Cour a par ailleurs, et conformément à ses prérogatives, examiné les conditions d’exécution des budgets de l’Etat pour les années 2017 et 2018. Nous sommes par conséquent en face d’un travail de titan qui demande persévérance et endurance.

Des synthèses sont fournies sur les 50 missions touchant différents secteurs et programmes à commencer par les ODD (objectifs de développement durable), l’exécution du budget 2017, la CDG, la mise en œuvre du dispositif de l’efficacité énergétique et l’activité minière au sein de l’OCP. Ce sont les Ministères budgétivores qui sont passés au crible cette année par la Cour. Il s’agit des ministères de l’agriculture et de la pêche maritime ; de la santé ; de l’équipement ; et de l’éducation, formation et recherche scientifique ; auxquels s’ajoutent le secteur de l’information (SNRT et SOREAD 2M).  

En outre, la Cour des comptes a effectué 17 missions de contrôle durant la période 2016-2017 qui ont concerné les services centraux des départements ministériels et hauts commissariats suivants : Equipement et transport, Agriculture, Pêche maritime, Santé, Tourisme, Artisanat et économie sociale, Réforme de l’administration et de la fonction publique, Jeunesse et sport, Emploi et insertion professionnelle, Enseignement supérieur et recherche scientifique, secrétariat d’Etat chargé de l’Eau, Culture, Formation professionnelle, Habitat et Politique de la ville, Famille, Solidarité, Egalité et Développement social, Haut-commissariat aux eaux et forêts et lutte contre la désertification et Haut-commissariat aux anciens combattants et anciens membres de l’armée de libération.
Le document « faits saillants » se termine par une déclinaison des principales missions effectuées par les Cours régionales des comptes.

Au terme de ce survol, une conclusion principale se dégage : aucun secteur n’est sorti indemne et ne présente une situation saine et en conformité avec les procédures budgétaires et les réglementations en vigueur. Les remarques de la Cour des Comptes vont de la non-conformité aux principes d’une gestion budgétaire saine au cas extrême d’un détournement de fonds publics, en passant par une dilapidation des biens publics suite au laxisme de certains responsables et de leur indifférence par rapport à la conduite des affaires de leur secteur. 

 Il va sans dire que les magistrats de la Cour se placent du côté de la loi et des textes en vigueur sans prendre en considération les contraintes relatives aux moyens disponibles (tant financiers qu’humains) et au contexte de réalisation des projets. Autrement dit, ils ont comme souci majeur ce « qui doit être fait » avec un sans-faute et non pas ce « qui pourrait être fait » ; il y a une différence de taille entre ces deux approches. Ce qui explique d’ailleurs les controverses entre l’analyse de la Cour des Comptes et l’avis des intéressés, comme on l’a vu  avec la réponse de l’administration pénitentiaire aux remarques et observations de la Cour. 

S’agissant des cas de détournement et de dilapidation des deniers publics, aucune excuse ne saurait être tolérée, si on veut accorder aux institutions leur crédibilité et redonner confiance aux citoyens qui s’interrogent, à juste titre, sur le sort qui sera réservé au travail accompli par la Cour des Comptes. Il faut aller jusqu’au bout pour traduire en justice toute personne qui a failli à ses devoirs vis-à-vis de la Patrie et mettre un point final à l’impunité. C’est valable autant pour les cas flagrants évoqués dans le rapport de 2018 que pour ceux mentionnés dans les précédents rapports. Ce faisant, il ne s’agira ni d’une justice expéditive, ni d’une chasse aux sorcières, ni de mesures sélectives. C’est la loi dans sa plénitude qui doit être appliquée à tous.

La toile d’araignée qui s’est solidement tissée au fil des ans en matière de gabegie et de dépravation doit être démantelée et mise hors d’état de nuire, pour le bien du pays. Bien sûr, il n’est pas exclu de voir le loup sortir de la bergerie le temps d’applaudir le rapport de la Cour, avant de retourner poursuivre son forfait. La manœuvre est connue : c’est le voleur qui crie au voleur ! Ne tombons pas dans le piège.