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Le Maroc entre dans l’ordre mondial du football ! - Par Abdelaziz Tribak
On comprend pourquoi on a lésé une sélection qui se faisait éliminer au premier tour quand on sait que les podiums sont le monopole des grands, par le jeu et par les « sponsors »
Finalement c’est la quatrième place après ce prologue lassant contre la Croatie d’Astérix-Modric! Mais l’essentiel c’est que la sélection du Maroc a atteint le carré magique des demi-finales, carré monopolisé par seulement une vingtaine de pays sur les 211 inscrit à la Fifa. Et l’essentiel c’est qu’elle avait les moyens de rêver d’atteindre la Finale.
Elle a tout d’une grande
Cela ne s’est pas fait, car presque rien ne se fait du premier coup. La France, par exemple, avait 3 demi-finales dans les jambes et 3 autres finales, et des titres de champions. Et la Croatie, 3 demi-finales et une finale, sans parler de l’Argentine, une habituée avec 6 présences et des titres…
« Elle a tout d’une grande », disait une publicité de voiture, célèbre dans les années 90. Oui, la sélection marocaine avait tout d’une grande, dans ce mondial, et même plus. La rage, et surtout la foi quasi-« mystique » en ses possibilités. Terme traduit, par Regragui, par un mot-concept meilleur à ce que proposerait Google : « An-niya ». Cette foi reposait sur une conviction intime de l’entraîneur traduite en tactiques appropriées pour atteindre l’objectif désiré qui était d’aller jusqu’au bout du tournoi (7 matchs au total) avec l’intention de le gagner qui se précisait au fil des « éliminatoires ». Nous avons là un entraîneur au propos clair et remarquable. Des certitudes martelées sans populisme gratuit, ni démagogie. Et une faconde que certains découvrent ou font sembler de découvrir. Regragui a toujours été ainsi, sauf qu’il était au Fus, un « petit » club (par son public réduit et non par son histoire, son palmarès et surtout par son organisation qui est peut-être l’une des meilleures du pays).
Puis, Regragui a eu le « malheur » d’entraîner le Wac, et là, il a eu la moitié des « journaleux » qui « comptent » au pays (tous supports qui nous confondent) pour lui tirer dessus et brouiller son « verbe » (car un « journaleux » ici, c’est d‘abord un Ultra d’un club donné) … C’était avant, mais là, à la tête de la sélection, on a été obligé de l’écouter après qu’on ait essayé de l’ébranler (et il n’a pas manqué de détracteurs). Était-il un « sacrifié », un « entraîneur-fusible », ou bien était-ce un coup de génie de la part de celui qui l’a choisi ? On ne le saura jamais, par contre l’on sait que l’on tient là un entraîneur qui a déjà marqué une époque et qui continuera de le faire si on lui donne les moyens et qu’on lui fiche la paix.
Certains médias internationaux ont fait la « fine bouche » devant la tactique générale proposée par Regragui et superbement interprétée par ses troupes. Il fallait juste faire attention, avant, et écouter ce qu’il disait : « Jouer comme une grande équipe tout en ne se considérant pas une grande équipe ». Et que font les grandes équipes dans ce mondial à commencer par la France et en passant par l’Angleterre, la Croatie, l’Argentine… sans parler des calibres moyens ? Céder le ballon à l’adversaire, le laisser se fatiguer et placer des contres meurtriers. Le Brésil a essayé de jouer à autre chose et l’on sait comment cela s’est terminé. L’équipe la plus généreusement offensive, le Canada, était naïve tactiquement. Le panache belge de 2018 a vieilli non seulement par Hazard. L’Espagne a sombré par l’ivresse d’un mirage contre le Costa Rica (7-0) …
Le résultat et la manière
Le Maroc a joué comme une grande équipe visant le résultat, sans oublier la manière. Cela a fini par être reconnu lors de l’œuvre inachevée contre la France. Oui, le Maroc a souvent cédé le ballon et attendu l’adversaire près de son carré des 18m. Mais ce n’était pas l’Italie ou l’Uruguay, des années 70. C’était plutôt cette Italie virtuose de Bearzot de 1982. Si l’Italie 70 avait battu le Brésil de Pelé, le monde aurait crié au scandale. Mais celle de 82, qui a battu le grand Brésil du « Jogo Bonito », avait érigé la défense en art harmonieux, équilibré par la science de Antognoni, les rushs de Conti, de Graziani et les flèches de Rossi. Le Maroc de 2022, mutatis mutandis, c’est un peu cela. Une défense hermétique veillée par un gardien élégant qui frise l’excellence, un titan au milieu du terrain (Amrabet) flanqué d’une sentinelle immense (Amallah) et un magicien « chétif », virtuose du dribble, Ounahi ; sans parler de l’artillerie lourde, Hakimi, Ziyech, Mezraoui et Boufal dont Llorente, l’espagnol, apprendra sûrement le nom, et une mention spéciale pour Attiat-Allah. Le tout a donné un ensemble aguerri et guerrier qui n’avait pas l’air de débuter dans une coupe du monde, comme c’est le cas pour la plupart des joueurs, et la confiance, « Enniya », de l’entraîneur appuyée sur une maitrise tactique. Sans oublier l’organisation et la logistique sans couacs cette fois-ci (à part cet épisode glauque des tickets d’entrée sans influence sur le jeu) …
Demander au Maroc de réinventer le football ? Ce serait trop demander, car depuis le football total de la Hollande de Rinus Michels (1974), on n'invente plus rien. Même le fameux « tiki-taka » qui a remplacé « la furia » espagnole aveugle d’avant, n'était qu’une sorte de réactualisation moderne et rapide de l’ancien football de « toque » (petites-passes répétées) de l’ancienne Amérique latine (Brésil, Argentine…) …
Le Maroc est tombé contre la France, en demi-finale, certes, mettant fin à un rêve qui n’avait plus l’air « fou », mais la France, est une nation de football qui dispose d’un réservoir immense de joueurs, issus de longues années de formation (qui connaît le football français sait d’où il vient avant l’époque Georges Boulogne et Kovacs, Puis Hidalgo…). En cours de chemin vers les sommets, le football français a perdu son panache et son label de « football champagne », et est passé à un football rigoureux, voire, rugueux, pratique et vainqueur. Avec des stars qui éclairent son chemin (Zizou ; Mbappé ; Griezman…). Et il a perdu, aussi, le « panache » de ses journalistes qui ne juraient, avant, que par la « manière » et le beau jeu. Depuis Jacquet, et la succession des titres, on ne jure plus que par la « performance » et les étoiles qui s’amoncellent sur le maillot…
Le monopole des ‘’grands’’
Et bien sûr, l’équipe du Maroc allée aussi loin dans cette compétition mondiale a eu, aussi, sa part d’injustices. C’est un signe qui montre qu’elle se fait grande. Pourquoi aurait-on lésé une sélection qui se faisait éliminer au premier tour quand on sait que les podiums sont le monopole des grands, par le jeu et par les « sponsors » ? La grande équipe d’Algérie, de Belloumi et Madjer, s’est fait éjecter par « un vrai pacte » de non-agression « austro-prussien », sous les yeux complices de l’arbitre et de la Fifa. Imaginez le mondial de 1982, en Espagne, sans la RFA de Rummenige… Le super Cameroun de N’kono et Milla, s’est fait subtiliser son rêve en 1990 par le biais de 2 penaltys dont l’un très « rigoureux », pour ne pas dire plus. « Trois Lions » (The Three Lions, surnom de l’équipe anglaise, valaient, pour l’image et le négoce, mieux qu’un seul lion africain, même indomptable…
Et le Maroc a déjà eu un avant-goût de ce qui l’attendait s’il voulait se transformer en « grand ». En Russie 2018, tout le monde avait vu la poussée brutale de Pépé sur un défenseur marocain, ce qui a permis le but de Ronaldo. Contre l’Espagne ce fut pire. Quant à la « var », c’était « Bull shit » comme l’a déclaré Nordine Amrabet devant toutes les caméras du monde. Sincèrement, qui avait intérêt à ce que le Maroc passe devant le Portugal de Ronaldo (Champion d’Europe à l’époque) et l’Espagne et son « tiki-taka » ronronnant ?
Au Qatar, la Fifa a sûrement senti son cœur (et son pack d’affaires) battre pour l’Arabie Saoudite, après son exploit contre l’Argentine (et le bluff de la sélection du Qatar). La Fifa tenait son « héros » local de l’étape, synonyme d’affluence et d’intérêt régional. Mais à trop fêter cette victoire, l’Arabie Séoudite a oublié que le tournoi s’étalait sur 3 matchs et le sympathique « Sorcier Blanc », renard en Afrique, n’a pu l’être au désert.
Entre temps, le Maroc
Entre-temps, le Maroc faisait son chemin vers les 8èmes de finale et créait une onde de sympathie arabe, africaine et même mondiale qui en a fait la principale attraction de ce mondial, et même son âme. Imaginez un 2ème tour sans le Maroc, quel impact aurait-il eu sur l’affluence et l’intérêt, régional et même africain (après l’élimination évitable du Sénégal qui suivait celles du Ghana, du Cameroun et de la Tunisie). Surtout que le Maroc offrait un visage séduisant par sa volonté, son acharnement, son organisation et les éclairs de beauté de ses magiciens en dribbles et en jeu en « mouchoir de poche » Et un public immense et surprenant qui surpassait en ambiance celles des latino-américains! … L’Espagne est passée à la trappe parce que trop amorphe, et toute l’énergie portugaise (qui sortait d’un 6-1 contre le bunker suisse) a été dilapidée par les gants de Bono…
Mais, mais… Il y a ce qu’on appelle « l’ordre mondial du football », et il n’est pas prêt pour voir une équipe africaine en finale, à ce qu’il paraît. Et ce fut cette défaite contre la France, qui laissera beaucoup de regrets, tant la victoire semblait possible ! L’équipe s’était transcendée (à part ces premières minutes de doute) pour suppléer ses absences, ses blessés en cours de match et un but au début qui aurait assommé n’importe quelle autre équipe. Mais que pouvait-elle faire devant une injustice arbitrale aussi flagrante ? Deux penaltys que même la Var a refusé de signaler. Mission Fifa accomplie pour le Maroc, allez au pays ! Une affiche Mbappé vs Messi est le top du top pour la Fifa, car le football est un truc mondial qui brasse des milliards avec des images de marque, des sponsors rutilants, des droits de télévision…et un grand etc.
Donc, ni complot anti-arabe, anti-musulman ou anti-africain, juste un rétablissement de « l’ordre mondial du football ». Si c’était l’Australie, on aurait fait de même (Une finale Goodwin vs Messie ? Quand même !). Ou même la Corée du Sud ou le Monténégro s’il est de la fête un de ces jours…
Que faire ? Rentrer au pays se reposer et savourer cette immense percée. Et travailler pour la continuité, au niveau marocain comme africain, car c’est en insistant qu’on finira par faire sauter ce nœud (de vipères…).
Au Maroc, cela passe par un nettoyage du milieu souvent pourri du football national (Qui a fait plonger le Koukab, le Codm et le Kac, et s’apprête à le faire pour d’autres clubs phares). Cela passe par une politique (à la française et copiée ailleurs en Europe) des centres de formation coiffés de près par la fédération et loin des prédateurs du football (Pour d’autres Ounahi, Aguerd, En-nessyri...). Cela passe aussi par la recherche de groupes financiers puissants (Allez les « Arabes » !) pour la reprise en main de certains de nos clubs. Cela passe par un effort soutenu d’infrastructures (le grand stade de Casablanca, Tétouan…) …
En attendant saluer le courage et l’entrain de cette équipe qui nous a donné tant de fierté et de joie. Bravo les gars ! Jamais chez moi je n’ai vu toutes les femmes de la famille suivre un match de football et… se lever en même temps pour chanter l’hymne national, à tue-tête, avec les joueurs et le public présent au stade !