Le paradoxe de la pétition des 400 ( Par Mokhtar Salamate )

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Abdellatif Laabi, une pétitionniste aigue qui trouble la poésie du poète et son engagement d’antan, utopique mais sincère, quand le Maroc n’était pas celui d’aujourd’hui

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Il n’est nullement utile de polémiquer autour de l’initiative des 400 artistes qui se méfient de l’Etat marocain. Il faut laisser les signataires à leur conscience. Ils développent une culture radicale de la méfiance systématique et de la stigmatisation qui dépasse, et de loin, les joutes politiciennes opposant l’Etat à la société auxquelles nous sommes habitués dans le pays. 

L’état de la culture au Maroc justifie-il cette sortie radicale ? Sommes-nous sous un régime dictatorial selon les critères convenus notamment aux Nations unies ? Les libertés constitutionnelles individuelles et collectives sont-elles à ce point absentes ou combattues dans ce pays ? La production culturelle est-elle à ce point contrôlée par le pouvoir pour que chaque créateur dorme la peur au ventre et la terreur dans la tête de peur de ne pas pouvoir se réveiller libre ? Le tableau dressé par les 400 a tellement peu de rapport avec la réalité de la création au Maroc qu’il en devient caricatural.

On peut chercher la main de l’étranger dans cette initiative. On trouvera probablement des traces substantielles de ceux qui en veulent, régulièrement et durablement, — des professionnels — à ce pays. Mais cela ne peut pas expliquer le paradoxe de cette pétition qui dès sa naissance est reniée par une bonne partie de ses signataires. C’est comme si les gens abusés avaient signé dans un état second, et que le réveil fut brutal. Comme un sortilège, ou tout simplement une manœuvre de mauvaise foi qui a réussi plus qu’espéré.

Ce que l’Etat marocain fait pour l’art est unique dans le monde arabe. Il soutient d’une manière substantielle la chanson, le théâtre, le cinéma, les festivals, le livre, la presse, les arts plastiques etc. Aucun type ou mode de création n’échappe à la prodigalité de l’Etat dont les critères d’attribution sont souvent considérés par des signataires eux-mêmes comme étant trop généreux.

L’on voit, par exemple, dans cette pétition, un cas emblématique, un cinéaste en vue qui vient d’obtenir plus de 4 millions de dirhams par la Commission d’avance sur recettes du Cinéma pour son projet de film se plaindre aussi de « cette ombre-là » qui l’oppresse au point d’avoir peur et de ne de plus dormir. On ne peut pas, comme on dit trivialement, manger goulûment le fruit et cracher dans l’assiette aussi résolument. Un peu de cohérence ! Mais faire les deux, en même temps, est un peu ridicule.

Le fond du problème qui est posé, et nul ne peut en douter, aujourd’hui, est de savoir jusqu’à quel point le financement étranger de l’activisme anti-marocain est-il toléré dans une jeune démocratie exposée violemment à des défis multiples et vitaux. Menaces sur l’intégrité territoriale, menace sur l’autonomie de la décision de la nation sur le plan international, menaces sur les intérêts stratégiques du Royaume, menace sur l’unité sociale du pays etc.

Pour être clair posons une question simple. Omar Radi, du haut de sa trentaine inexpérimentée, est-il en droit ou en légitimité de toucher un salaire ou une subvention d’une fondation suisse dirigée par un « tycoon » sud-africain qui soutient le Polisario ? C’est une vraie question que les convulsions militantes ne peuvent éluder. De même, qu’il nous en excuse, pour l’historien Maati Mongib, un homme d’expérience pourtant, dont les travaux intellectuels sont entourés de la même confusion entre le but lucratif de ses réflexions et le but non-lucratif mais facturable à l’étranger d’une action associative. A n’en pas douter, la justice marocaine finira par dire son dernier mot sur ces questions.                      

 Cependant, la violence de la mobilisation internationale, nerveuse et téléguidée, dans ces deux cas notamment, vient conforter clairement la thèse de l’existence de bailleurs de fonds internationaux dont la motivation suprême est de nuire au Maroc et de porter préjudices à ses causes vitales. Le jeu est clair et il n’échappe à personne. Les soldats qui tombent au front en défendant cette cause perdue sont plus à plaindre qu’à accabler. Pris dans une toile de contradictions, ils sont incapables de produire un discours autocritique relatif supposé alléger leur fardeau. De victimes au départ, ils deviennent des acteurs trompés par tous et par chacun selon les circonstances sans aucune possibilité réelle de s’amender honorablement.

C’est cette prise en charge, ou traitement, comme disent les professionnels des services, de ces « victimes » que l’on est en train d’observer et qui n’autorise qu’une fuite en avant suicidaire.

Dans les années de plomb le Maroc avait des exilés qui faisaient honneur à leurs positions politiques souvent radicales. Mais, aujourd’hui, nous avons de pseudo-exilés sponsorisés comme des objets de marketing, par des officines douteuses dont la motivation principale n’est pas le développement de la démocratie et des droits dans le pays mais bel et bien la destruction des acquis que la nation a engrangé dans ce domaine au prix d’un processus difficile, singulier dans la région et finalement fécond. Les armoires de l’Histoire sont pleines de ces soldats de plombs manipulés contre leur pays. Alignés, ils sont rangés soigneusement car ils ne servent plus.