Le PJD peut-il éviter la scission ?

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C’est la crise sociale qui devrait élargir le fossé entre les deux courants du PJD. Le gouvernement a très peu de marges de manœuvre et il en aura de moins en moins. La croissance ralentit, le chômage augmente, le logement social n’est plus une locomotive et la hausse du prix du pétrole s’inscrit dans la durée

La question peut être incongrue puisque tous les responsables islamistes refusent cette perspective et indiquent que le dialogue interne « vise à renforcer l’unité ». Mais Saadeddine El Othmani, sur la question du rôle de la monarchie, a dit publiquement « que ceux qui ne sont pas d’accord aient leur propre parti ».

Il est faux de croire que le courant Benkirane-Hameddine conteste la légitimité de la monarchie. L’ex-chef du gouvernement l’a encore rappelé il y a quelques semaines. La vidéo, tronquée, de Hameddine a été mise en ligne dans cet objectif : faire des contestataires un courant qui risque de créer  des frictions avec le palais.

C’est une manœuvre politicienne qui vise à cacher le vrai clivage. Ce que contestent les opposants ce sont les reculs par rapport à la constitution, le fameux « Tahakkoum », la faiblesse du gouvernement et ses couacs, la différence entre l’action de l’exécutif et le programme du parti. Le courant des ministres se veut, lui, réaliste, il accepte « l’interventionnisme » du palais et répond par un discours technocratique aux critiques sur son action.

Cette divergence est fondamentale parce qu’elle dévoile une vraie bataille autour de la notion même d’indépendance du parti. Pour Benkirane, la normalisation à l’extrême du PJD risque de ruiner sa popularité. L’homme a l’art de marcher sur la crête sans tomber de l’autre côté du cheval.  Il se déclare plus royaliste que le Roi, sans rater une occasion de fustiger l’entourage. Il critique le manque d’efficacité du gouvernement tout en évitant El Othmani. Mais il sait qu’il tient le bon filon en appuyant sur les questions sociales et il ne va pas lâcher le morceau. Surtout depuis le discours de la fête du Trône.

C’est justement la crise sociale qui devrait élargir le fossé entre les deux courants. Le gouvernement a très peu de marges de manœuvre et il en aura de moins en moins. La croissance ralentit, le chômage augmente, le logement social n’est plus une locomotive et la hausse du prix du pétrole s’inscrit dans la durée. La décompensation doit être revisitée, la libéralisation avec un baril à 100 dollars aura des répercussions néfastes sur le pouvoir d’achat.

Pourtant c’est sur cette fibre, plus que sur la religion, que le PJD a construit sa doxa électorale. Benkirane s’en est sorti en évitant tout débat sur son bilan et en plaçant le « Tahakkoum » au centre du débat. Il le sait, il entend que cela ne suffit plus.

S’il attend que cela se passe, il récupérera le parti au prochain congrès mais dans un piteux état parce qu’il aura perdu sa base électorale. Il sait aussi qu’il n’y a aucune chance que le gouvernement opère un véritable changement de politique. En même temps, une scission constituerait pour lui  un risque parce que la bévue de Hameddine sera instrumentalisée. Il a quelques mois pour se décider, après il sera trop tard parce que le crédit du PJD sera entamé et il y sera associé, malgré son positionnement critique. Osera-t-il ?